L'Institut de veille sanitaire (InVS) a publié le 29 avril le second tome de son rapport (1) consacré à l'exposition de la population française aux substances chimiques de l'environnement. Cette publication, qui s'inscrit dans le cadre du volet environnemental de l'étude nationale nutrition santé (ENNS) réalisée en 2007, est consacrée aux pesticides et aux polychlorobiphényles non dioxine-like (PCB-NDL). Elle fait suite à la publication par l'Institut de premières données en mars 2011.
L'étude, réalisée en 2006-2007, porte sur l'exposition de la population française aux PCB-NDL et à trois familles de pesticides (organochlorés, organophosphorés et pyréthrinoïdes) dosés dans le sang ou l'urine. Les résultats sont estimés à partir d'un échantillon d'environ 400 personnes âgées de 18 à 74 ans. "Il s'agit de la première étude d'imprégnation de la population adulte par plusieurs substances chimiques en France", insiste l'InVS.
Un héritage de la pollution par les PCB encore marqué
La concentration sanguine en PCB a été divisée environ par trois entre 1986 et 2007. "Cependant, l'héritage historique de la pollution par les PCB est encore présent", souligne l'étude. Environ 13% des femmes en âge de procréer (18-45 ans) et moins de 1% des adultes ont une concentration de PCB totaux supérieure aux seuils critiques définis par l'Anses (2) .
Plus inquiétant, les concentrations observées sont environ cinq fois plus élevées qu'aux Etats-Unis et légèrement supérieures à celles observées dans les autres pays européens. Comment l'expliquer ? Probablement, indique l'étude, par des différences d'évolution du contexte réglementaire et par des comportements alimentaires différents, en particulier la consommation plus faible de poissons aux Etats-Unis.
Des mesures d'interdiction des organochlorés efficaces
Globalement, les concentrations en pesticides organochlorés observées sont relativement basses. "Ce qui traduit l'effet positif d'une interdiction déjà ancienne pour la plupart des composés", souligne l'InVS, qui prend l'exemple du DDT (3) , insecticide interdit en France depuis 1971.
Le rapport fait toutefois état d'une exception notable qui concerne deux chlorophénols : le 2,5-DCP et le 2,4-DCP. La moyenne des concentrations urinaires du premier était environ dix fois supérieure à celle observée dans la population allemande adulte en 1998, ce qui pourrait s'expliquer par une utilisation plus importante de cette substance comme désodorisant ou antimite en France en 2007. Ce produit est interdit depuis 2009, indique toutefois le rapport.
Quant aux concentrations urinaires du 2,4-DCP, elles étaient deux à trois fois supérieures à celles observées dans la population allemande. Cette substance "peut provenir de l'usage de biocides dont il serait un composant, du métabolisme ou d'une impureté de fabrication de l'herbicide 2,4-D", analyse l'étude. "Il peut également être formé lors du traitement de l'eau potable par le chlore", est-il ajouté.
Situation préoccupante pour les organophosphorés et les pyréthrinoïdes
Globalement, les concentrations urinaires de métabolites (produits de dégradation) des pesticides organophosphorés sont inférieures à celles de la population allemande en 1998 et similaires à celles de la population israélienne, relève l'étude. Ce qui ne veut pas dire qu'elles sont faibles comme le montre le fait qu'elles soient supérieures à celles des Américains ou des Canadiens.
L'âge et la corpulence semblent influencer de façon importante les biomarqueurs urinaires. Mais le rapport cite également le lieu de résidence, notamment la proximité d'une surface agricole dédiée à la culture de la vigne, l'alimentation et l'usage d'insecticides dans le logement. Les pesticides organophosphorés sont toutefois beaucoup moins utilisés qu'auparavant et avec des usages restreints, relève l'InVS.
La situation est plus critique pour les pyréthrinoïdes, qui constituent la famille d'insecticides la plus utilisée aujourd'hui, tant pour le traitement des cultures que pour les applications domestiques. Les concentrations françaises sont plus élevées que celles observées en Allemagne, au Canada et aux Etats-Unis. La consommation de certains aliments et l'utilisation domestique de pesticides, comme les traitements antipuces des animaux domestiques ou les traitements du potager, "influencent de façon importante les niveaux d'imprégnation", explique l'étude.
"Une attention particulière doit être portée aux pesticides organophosphorés et aux pyréthrinoïdes pour lesquels les niveaux français semblent être parmi les plus élevés en référence à des pays comparables", conclut l'Institut de veille sanitaire.
D'autant, souligne l'ONG Générations Futures, qui avait noté l'omniprésence de ces insecticides dans les céréales et dans les logements dans un rapport récent, qu'ils sont suspectés d'être des perturbateurs endocriniens. D'où l'appel de son porte-parole, François Veillerette, à inscrire l'objectif de suppression de l'exposition des citoyens à ces pesticides dans la future stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens annoncée pour juin prochain.