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Polémiques (suite)

Les agrocarburants Actu-Environnement.com - Publié le 07/11/2007
Les agrocarburants  |    |  Chapitre 6 / 8
Plusieurs organismes ont également alerté sur les risques de déforestation accrue et de dégradation des ressources naturelles liés aux besoins d'espace pour ces nouvelles cultures. À l'heure actuelle, des millions d'hectares de forêts tropicales sont déjà détruits pour faire place à des plantations de palmiers à huile, de soja ou de canne à sucre. La destruction et la fragmentation des habitats naturels, le développement de pratiques agricoles intensives à haut niveau d’intrants et l’introduction de cultures génétiquement modifiées, contribuent à l’altération de la diversité biologique et à une dégradation des ressources naturelles. Cette expansion des surfaces agricoles au détriment des grands puits naturels de carbone pourrait en outre contribuer à augmenter des émissions de gaz à effet de serre et remettrait en cause le principal intérêt des biocarburants.

Ce besoin de surface entraîne également une concurrence avec les productions alimentaires. Cette concurrence est déjà à l’œuvre dans certaines régions du monde et menace les populations les plus pauvres de la planète en provoquant une hausse des prix des denrées (cas du Mexique). En décembre 2006, à travers son rapport annuel sur les marchés alimentaires, la FAO a mis en évidence une baisse des stocks mondiaux de céréales et les risques de pénurie alimentaire consécutifs. Des récoltes faibles à cause d'un climat difficile et une demande accrue en agrocarburants expliquaient cette situation. En avril 2007, la revue américaine Foreign Affairs annonçait que l’usage de plus en plus fréquent de l’éthanol comme biocarburant risquait de menacer l’alimentation des 2,7 milliards de personnes dans le monde qui vivent avec moins de 2 dollars par jour. Les deux auteurs de l'étude, professeurs d'économie à l'université du Minnesota, estiment que l'accroissement rapide de la production mondiale de biocarburant va faire monter les prix du maïs jusqu'à 20 % d'ici à 2010 et de 41 % d'ici à 2020. À ce sujet l’OCDE est catégorique : n'importe quel transfert de terre de la production de nourriture vers la production de biomasse énergétique influencera à la hausse les prix des denrées alimentaires. La croissance rapide de l'industrie des agrocarburants est donc susceptible de maintenir des prix élevés et en augmentation au moins tout au long de la prochaine décennie.
Mais cette concurrence ne semble pas inquiéter l’Europe. Selon une étude d’impact réalisée et publiée le 24 juillet 2007 par la Direction générale de l'Agriculture et du Développement Rural, l’objectif de 10% de biocarburants dans le transport d’ici 2020 n’aurait qu’un impact « modeste » sur la disponibilité des terres européennes. L'étude prévoit que 15% des terres arables devrait être employés pour la production d’agrocarburants d'ici 2020.

En France, selon un récent rapport de l’Inspection générale de l’environnement (IGE), la production de biocarburant nécessaire pour répondre aux objectifs d’incorporation français va nécessiter l’utilisation de 1,65 millions d’ha en 2010 dont 1,4 en colza pour la production d’EMVH et de 260.000 ha pour la production d’éthanol. Si le développement des filières biocarburants à partir de céréales et betteraves ne semble poser aucun problème en matière de superficies disponibles, il reste à trouver, selon le rapport, 1.170.000 ha supplémentaires pour la production d’EMVH en 2010 en France. Pour cela, l’IGE estime qu’il sera nécessaire d’empiéter sur les cultures alimentaires et/ou d’utiliser fortement les surfaces actuellement en jachères afin de réaliser les objectifs culturaux du plan biocarburant.
Mais dans les deux cas, l’impact sur les milieux sera significatif. L’IGE s’est particulièrement penchée sur les conséquences environnementales sur l’eau. Selon elle, il est évident que les objectifs du plan biocarburants sont par nature antinomiques avec les préoccupations en matière de protection de la qualité de l’eau dès lors que le développement des cultures énergétiques passe par un accroissement des surfaces cultivées et une intensification des cultures. Seule la substitution à d’autres cultures peut être neutre, voire dans certains cas favorable à l’environnement : ainsi la réalisation des objectifs du plan biocarburants à travers une substitution du colza alimentaire par le colza énergétique, accompagnée de quelques substitutions annexes au détriment de cultures plus polluantes que le colza serait la meilleure formule pour la protection de l’eau. Mais l’IGE doute que cela suffise pour assurer la pleine réalisation des objectifs du plan. De plus, l’INRA rappelle qu’il est plus intéressant pour les agriculteurs d'utiliser les jachères pour réaliser les cultures énergétiques que de convertir des terres dédiées aux productions alimentaires. Dans le premier cas, ils augmentent leurs revenus de 200 à 300 euros par hectare, dans le second cas, seulement de 45 euros par hectare à travers l'aide publique dédiées aux cultures énergétiques.

Récemment, la Commission européenne a annoncé qu’elle autorisait les agriculteurs à utiliser leurs parcelles mises en jachères pour les semis de l’automne 2007 et du printemps 2008 afin de répondre aux tensions apparues sur le marché des céréales. Ce qui inquiète fortement les associations de défense de l’environnement qui ont rappelé que les jachères sont les rares refuges de biodiversité des plaines cultivées et zones céréalières et qu’elles contribuent au repos des terres et à la baisse de la pression phytosanitaire sur les cours d’eau.
Mais il semblerait, qu’à plus long terme, l’Europe n’envisage pas de produire ses besoins en biocarburants sur son territoire même si ce serait faisable. Elle s’est récemment rapprochée du Brésil, premier producteur mondial de bioéthanol (13 millions de tonnes en 2005) sur lequel elle compte pour s’approvisionner et répondre à ses objectifs d’incorporation même si pour l’instant elle ne parle que de « partenariat ». Cette position est loin de faire l’unanimité au sein des associations de protection de l’environnement et des agriculteurs européens qui, une fois n’est pas coutume, se rejoignent. Les premiers dénoncent les conditions de production désastreuses du bioéthanol brésilien sur les plans social et environnemental et proposent la mise en place de certification sur les biocarburants pour s’assurer qu’ils sont produits selon des standards de durabilité. Les seconds voient leur opportunité de développement s’envoler.
Par conséquent, une importation massive de biocarburants annulerait deux des trois avantages mis en avant pour favoriser ces combustibles : l’indépendance énergétique ne serait pas plus assurée puisqu’au lieu d’être redevable des pays producteurs de pétrole, l’Europe le serait des pays producteurs d’éthanol et le nouveau débouché de l’agriculture européenne ne serait plus assuré.

Pour en savoir plus

Bientôt plus de jachère obligatoire ?

La FNE s'inquiète de la suppression des jachères agricoles en 2008

L'UE renforce ses relations avec le Brésil dans le domaine des biocarburants

Télécharger le rapport de l’IGE

Télécharger l'étude de la Direction générale de l'Agriculture et du Développement Rural

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Reproduction interdite sauf accord de l'Éditeur.

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