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Bon état chimique : quel suivi des substances prioritaires ?

La métrologie de l'eau en quête de renouveau Actu-Environnement.com - Publié le 23/05/2016

Le suivi en routine des substances prioritaires doit composer avec de nombreuses difficultés : limites de quantification, problématique de représentativité de l'échantillon, etc. Des méthodes alternatives pourraient se développer.

La métrologie de l'eau en quête de...  |    |  Chapitre 2 / 5
Bon état chimique : quel suivi des substances prioritaires ?
Environnement & Technique N°358 Ce dossier a été publié dans la revue Environnement & Technique n°358
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Elément clef de l'élaboration de la politique de l'eau pour atteindre le bon état chimique demandé par la Directive cadre européenne sur l'eau (DCE), le suivi des polluants et l'obtention de données sur les milieux aquatiques doivent composer avec de nombreuses difficultés sur le terrain.

Tout d'abord, avec l'évolution des connaissances, la liste des substances prioritaires - pour lesquelles les Etats membres doivent assurer une surveillance et ne pas dépasser un seuil (les normes de qualité environnementale) - s'est allongée de 33 à 53 candidates (dont 45 substances prioritaires). Et elle pourrait encore s'agrandir à l'avenir avec la nouvelle liste : l'exercice de priorisation de la Commission européenne devrait être finalisé en 2017.

 
Les recommandations de la DCE pour la surveillance La DCE a fixé un objectif de réduction des rejets des substances prioritaires dans les eaux superficielles. La liste de ces polluants ainsi que les normes de qualité environnementale associées est définie par la directive fille NQE : ces dernières peuvent être examinées tous les quatre ans, si nécessaire. Les normes de qualité environnementale (ou NQE) sont les concentrations d'un polluant ou d'un groupe de polluants dans l'eau, les sédiments ou le biote qui ne doivent pas être dépassées, afin de protéger la santé humaine et l'environnement. La directive fille précise également que les substances organiques doivent être analysées sur la fraction totale tandis que les métaux doivent être analysés sur la fraction dissoute.
 
Si les progrès technologiques permettent aux chercheurs de repousser les limites de quantification et détecter de plus en plus de molécules, se pose cependant la question du transfert de ces derniers sur le terrain et des possibilités de suivi en routine d'un grand nombre de substances différentes.

En mars 2014, dans un rapport d'évaluation du dispositif d'agrément des laboratoires d'analyse dans le domaine de l'eau et des milieux aquatiques, le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) appelait ainsi à une évolution du dispositif. Il soulignait également qu'aucun laboratoire n'était agréé pour l'ensemble des paramètres de la DCE. En 2013, quatre laboratoires étaient agréés pour plus de 80% des paramètres DCE et un seul laboratoire atteignait les 90%, selon l'institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris).

Les principales difficultés de la surveillance en routine

Pour accompagner les opérateurs, le laboratoire national de référence pour la surveillance des milieux aquatiques, Aquaref propose notamment des guides techniques et des méthodes. L'exercice de surveillance de ces substances en routine n'est pas aisé et doit composer avec différents verrous. Une des premières difficultés est de s'assurer de la représentativité à la fois spatiale et temporelle de l'échantillonnage. "Si nous regardons la qualité d'une rivière, il est difficile d'avoir un échantillon qui la représente d'un point de vue spatial : il y aura des différences de concentrations à différents niveaux de cette dernière, explique Adèle Bressy, chargée de recherches notamment sur la métrologie des micropolluants organiques à l'Ecole des Ponts ParisTech à Créteil. De la même façon, d'un point de vue temporel, elle connaîtra des variations qui peuvent être liées au climat, au temps de pluie ou sec, ou à des effets saisonniers, etc ".

Les problématiques de la conservation et prévention de la contamination de l'échantillon peuvent également s'avérer complexes à gérer en routine. Outre le respect de certaines températures et de délais d'analyse, le flaconnage nécessaire peut varier en fonction des caractéristiques des molécules à analyser. "Si nous cherchons des métaux traces dans un flacon en verre, nous pouvons contaminer l'échantillon car le verre présente, du fait de sa fabrication des impuretés, des métaux", illustre Adèle Bressy. Autre exemple, si la substance est photosensible, elle nécessitera un flacon en verre brun. L'accroissement du nombre de substances à suivre, peut entraîner une augmentation du nombre de flaconnages différents à utiliser.

Les protocoles de nettoyage de la vaisselle peuvent également parfois être lourds pour les opérateurs. "Les micropolluants sont des substances à l'état de traces dans les eaux, si nous n'avons pas un flacon qui est parfaitement propre, nous pouvons contaminer l'échantillon", note Adèle Bressy. Les métaux notamment exigent un équipement permettant de travailler dans des conditions de propreté élevée comme par exemple des hottes à flux laminaire pour éviter les poussières et les apports atmosphériques.

Autre difficulté : en fonction de la méthode utilisée, les limites de quantification seront plus ou moins basses. "Les connaissances avancent et les textes sortent avec des limites de quantification à atteindre et qui peuvent être très faibles pour certaines substances, sans lien direct avec les capacités analytiques des laboratoires de routine puisqu'elles sont établies de façon indépendante pour atteindre les normes de qualité environnementale définies par des tests d'écotoxicité, ajoute Marina Coquery, responsable du laboratoire de chimie des milieux aquatiques à l'Institut de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (Irstea). Néanmoins, des délais d'application sont prévus pour permettre aux laboratoires de s'adapter".

La normalisation doit également s'adapter et suivre l'évolution rapide des technologies d'extraction et d'analyse des molécules. "Il est important de valider les méthodes avec un grand nombre de contrôles qualité et de pouvoir ensuite évaluer les incertitudes de la méthode, souligne Adèle Bressy. Avec les multiples étapes, les problématiques de représentativité spatiale et temporelle et d'extraction des polluants des matrices, il est possible d'avoir des incertitudes de 20 à 30% sur la concentration donnée pour des analyses d'eaux de rivière. Il faut tenir compte de ces incertitudes pour ne pas sur-interpréter les résultats".

Les questions de coût pèsent également dans la balance : les méthodologies de suivi des différents polluants dans les milieux aquatiques peuvent représenter au final une facture élevée en argent comme en temps. Et bien souvent, notamment pour les métaux, les normes requises pour les milieux aquatiques sont plus faibles que celles demandées pour l'eau potable. Or, le contrôle de l'eau destinée à la consommation humaine représente le plus gros marché pour les laboratoires : il a été estimé annuellement à 80 M€ contre 30 M€ pour l'appréciation de la qualité des masses d'eau et 10 M€ pour l'analyse physico-chimique des rejets dans l'eau (hors auto-surveillance), selon le CGEDD.

"La demande de surveillance porte sur de nombreuses substances : avec la DCE et les substances d'intérêt au niveau national, nous arrivons à près de 200 substances, constate Marina Coquery. Les laboratoires de routine proposent des méthodes globalisées moins performantes que des méthodes ciblées. C'est un compromis entre le coût des analyses et les résultats attendus".

Vers une évolution des méthodes

Depuis les premiers pas de la DCE, les connaissances scientifiques, sur le devenir des polluants dans l'eau ainsi que sur les milieux (matrices) dans lesquels ils sont susceptibles d'être retrouvés, ont évolué. "Certaines molécules à caractère hydrophobe sont désormais à rechercher sur la matrice biote [organismes biologiques, souvent des poissons] car dans la matrice eau, nous avions des problèmes pour les détecter", rappelle Valéria Dulio, secrétaire exécutif au sein du réseau Norman et chargée de mission veille et animation substances émergentes à l'Ineris.

L'évolution des connaissances pourrait encore modifier les pratiques et le suivi à l'avenir. "La DCE impose aujourd'hui que les substances organiques soient analysées sur la fraction totale, l'eau brute, ce qui peut entraîner une difficulté de comparabilité des données : les pratiques des laboratoires pour la préparation des échantillons – conditions de filtrations, décantations, etc. - ne sont pas complètement homogènes, ce qui peut avoir un impact sur la fraction réelle analysée et donc sur les résultats, développe Valéria Dulio. Les experts réfléchissent à une possible révision des critères imposés par la Directive Cadre Eau pour la mesure des substances organiques dans l'eau".

Ainsi, pour les substances plus hydrophobes (non recherchées dans le biote), la recherche pourrait être à la fois dans la fraction dissoute et la matière en suspension. "Pour les substances organiques hydrophiles, une recherche uniquement dans la fraction dissoute serait suffisante et aussi plus pertinente pour l'évaluation de la fraction biodisponible", complète Valéria Dulio.

Des discussions sont également en cours sur la pertinence de suivre certains micropolluants. "Un autre point de réflexion lié à la surveillance concerne les substances prioritaires qui continuent à être régulièrement recherchées dans les milieux aquatiques, mais qui ne sont presque jamais quantifiées, en tout cas jamais retrouvées au-delà des seuils de protection réglementaires, et qui pourraient donc être « dé-listées ». Leur suivi pourrait être arrêté ou limité en termes de fréquence de mesure", avance Valéria Dulio du réseau Norman.

Pour contourner certains verrous liés aux prélèvements et analyse des micropolluants, la Commission européenne se penche également sur de nouvelles méthodes de surveillance comme les échantillonneurs passifs et pourrait encourager le recours aux organismes biologiques. "Une des problématiques techniques liées au suivi de ces substances dans l'eau est la détection de concentrations aussi faibles. Nous prélevons à un moment donné un ou dix litres d'eau sans intégrer la variation qu'il peut avoir au cours du temps de la contamination du milieu et nous extrapolons pour obtenir une concentration moyenne afin de la comparer à une autre moyenne [la norme de qualité environnementale], pointe Olivier Geffard, chercheur en écotoxicologie à l'Irstea. Le premier avantage d'un échantillonneur passif est qu'il accumule les micropolluants, et répond de cette façon à la limite de quantification".

Reste encore à déterminer des méthodes pour chaque molécule afin de passer de la concentration relevée dans l'échantillonneur passif à celle retrouvée dans le milieu. "Au sein d'Aquaref, nous réfléchissons à un exercice de démonstration de l'efficacité des échantillonneurs passifs, pour la surveillance spatiale et temporelle, qui débuterait dans le courant de l'année prochaine, précise Marina Coquery (Irstea). Nous réfléchissons également à des formations en 2017 car nous avons constaté que beaucoup souhaitent s'y mettre". Le chemin jusqu'à l'utilisation effective en routine des échantillonneurs passifs semble toutefois encore long. "Ce sont des outils complexes à utiliser et à interpréter, souligne Adèle Bressy (Ecole des Ponts). Ils permettent d'obtenir une information différente et complémentaire d'un échantillonnage ponctuel : ils ne donnent généralement pas accès aux micropolluants présents dans la phase particulaire et fournissent des données sur la partie du dissous qui est la plus disponible pour certains organismes aquatiques".

Dorothée Laperche

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Reproduction interdite sauf accord de l'Éditeur.

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