Créer des nanoparticules inoffensives pour la santé et l'environnement, c'est la voie qu'empruntent certains chercheurs et industriels pour assurer un développement responsable des nanoparticules manufacturées.
"Au départ, les recherches se sont focalisées sur la toxicologie alors que l'exposition de la population générale aux nanoparticules manufacturées est faible, estime Yves Samson, directeur du programme transversal nanosciences au CEA. En effet, beaucoup de nanomatériaux utilisés sont encapsulés et n'entrent jamais en contact avec le consommateur, par exemple dans les batteries, les panneaux solaires… Dans ce cas-là, l'exposition directe est nulle. La promesse du safe by design, est de limiter encore plus les risques, à moindre coût.
"Les tests sur seulement 2.000 substances par an pourraient coûter 10 milliards de dollars, et nécessiteraient le sacrifice d'un nombre considérable d'animaux de laboratoire chaque année afin de réaliser les essais de toxicité in vivo", souligne le centre d'analyse stratégique (CAS). Et d'ajouter : "Ce n'est plus envisageable".
Le CAS, comme de nombreux autres acteurs, prône donc cette autre approche dans la gestion du risque qu'est le safe by design. Il s'agit de limiter les risques des nanomatériaux dès la conception des produits, en modifiant la taille ou la structure des nanos ou leur surface (et ainsi leur réactivité).
Cette approche pourrait être l'une des voies futures d'encadrement des nanos : "On passe d'une phase de tests toxicologiques a posteriori à une démarche proactive, au moment de la conception de la particule, explique Eric Gaffet, directeur de l'institut Jean Lamour. L'approche est différente : physico-chimistes, toxicologues et écotoxicologues travaillent ensemble en amont".
Gérer les risques a priori
"Le risque pour la santé ou l'environnement étant fonction à la fois de la toxicité et de l'exposition il est possible de limiter les risques en agissant dès la conception [des nanoparticules] sur chacun de ces volets", observe le CAS.
Selon le scientifique, qui a présidé le groupe de travail réuni par l'Afsset en vue du rapport sur les risques liés aux nanomatériaux, publié en 2010, "dans ce cas, le risque lié à l'exposition n'a lieu qu'au moment de la fabrication" (cf. encadré).
Intégrer la toxicologie dès la conception
"Le safe by design est une mesure tactique des industriels en attendant que la toxicologie fasse son effet, estime Eric Quéméneur, directeur de recherche en toxicologie au CEA, ajoutant : "L'approche est intéressante car elle prend en compte les éclairages de la toxicologie dans le design des produits. C'est une première".
Mais le safe by design ne peut suffire : il permet d'agir sur les caractéristiques des nanoparticules que l'on sait problématiques. Seulement, beaucoup d'inconnues restent à résoudre dans le domaine de la nanotoxicologie…
D'ailleurs, le fait que de nombreuses recherches s'engagent dans cette voie, financées notamment par des programmes européens ou français, pose question. De nombreuses voix dénoncent le peu de moyens accordés à la recherche sur la prévention des risques liés aux nanos. En 2010, seules 2% des études publiées sur les nanomatériaux concernaient les risques pour la santé et l'environnement, soulignait l'Afsset. En mai 2012, l'Académie des technologies préconisait que tout projet de recherche sur les nanoparticules affecte 5 à 10% de son budget à un volet sécurité.© Tous droits réservés Actu-Environnement
Reproduction interdite sauf accord de l'Éditeur.
Retrouvez le dossier "Nanomatériaux : entre défis et précaution"
à la une du n° 325
Acheter ce numéro
S'abonner