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Les PPRT, outils de gestion des risques industriels

Sites industriels : l'enjeu de l'urbanisation Actu-Environnement.com - Publié le 13/01/2014

La loi Bachelot vise une meilleure prise en compte de l'urbanisation autour des installations à risque, via les PPRT. Dix ans après son adoption, seuls 60% de ces plans ont été approuvés. En avril 2013, l'Etat a pris des mesures pour les accélérer.

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Les PPRT, outils de gestion des risques industriels
Environnement & Technique N°332 Ce dossier a été publié dans la revue Environnement & Technique n°332
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Prise à la suite de la catastrophe d'AZF de 2001, la loi du 30 juillet 2003, dite loi “Bachelot”, prévoit la mise en place de plans de prévention du risque technologique (PPRT) autour des installations à “haut risque” et une meilleure maîtrise de l'urbanisation autour de ces sites via des actions de protection. Ces PPRT ont été créés suite à l'explosion à Toulouse de l'usine chimique AZF classée Seveso 2 (seuil haut), le 21 septembre 2001. Le site, propriété de la société Grande Paroisse, filiale de Total, avait alors été totalement détruit. Il avait causé 31 décès et 2.242 blessés et touché 27.000 logements provoquant 1.002 relogements, selon le bilan officiel. L'ancien site chimique qui s'étendait sur 78 hectares a aujourd'hui fait place à un projet de Cancéropôle, après trois ans de dépollution de la zone (opérée par Total) de fin 2004 à 2007.

L'explosion de l'usine AZF a mis en lumière les failles de la gestion du risque industriel en France. Si jusqu'à la catastrophe, la législation visait avant tout une prévention du risque à la source, dont l'effort portait essentiellement sur l'exploitant, la loi Bachelot a impliqué l'Etat, les collectivités locales et les citoyens.

Quelle méthodologie des PPRT ?

La loi Bachelot relative à la prévention et la réparation des dommages a fixé un nouveau cadre méthodologique autour de ces sites à risques en créant les PPRT. Ces plans délimitent un périmètre d'exposition aux risques autour des installations classées à haut risque (AS) à l'intérieur duquel différentes zones peuvent être réglementées en fonction des risques. L'étude de danger constitue la base de la maîtrise de l'urbanisation et de la délimitation du périmètre des plans dans le but d'assurer la coexistence des sites avec leur environnement, dans des conditions sécuritaires. Il s'agit de prévenir les risques d'accident et de pollution liés aux installations industrielles et agricoles (notamment les installations classées pour la protection de l'environnement), aux canalisations de transport de fluides dangereux, à l'utilisation d'explosifs, au transport de matières dangereuses, aux équipements sous pression et à la distribution et à l'utilisation du gaz.

Après une phase de réduction des risques à la source, le PPRT est ainsi prescrit sur un périmètre d'étude issu de l'étude de dangers du site. Après instruction technique, concertation et enquête publique, le PPRT est approuvé par le préfet et annexé aux différents documents d'urbanisme (plan local d'urbanisme, schéma de cohérence territoriale, programme local de l'habitat). Il prévoit des restrictions sur l'urbanisme futur (restrictions d'usage, règles de  construction renforcées. Des aménagements ou des projets de construction peuvent y être interdits ou subordonnés au respect de prescriptions. Dans ces zones, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents peuvent instaurer un droit de préemption urbain. Les PPRT peuvent également prescrire des mesures foncières  de protection des populations sur l'urbanisation existante la plus exposée.  Ces mesures doivent être prises par les propriétaires et exploitants. Des mesures supplémentaires sont prévues pour réduire le risque à la source sur les sites industriels (conversion de procédé, déplacement…), si elles sont moins coûteuses que les mesures foncières qu'elles évitent. Les plans peuvent également définir des secteurs à l'intérieur desquels l'expropriation peut être déclarée d'utilité publique pour cause de danger très  grave menaçant la vie humaine, et ceux à l'intérieur desquels les communes peuvent instaurer un droit de délaissement.

Un plan ministériel pour lever les “blocages”

Les PPRT prévoient des travaux de renforcement à mener sur les constructions voisines existantes pour en réduire la vulnérabilité. Mais le financement tripartite (Etat, industriels, collectivités locales) de ces travaux a été au coeur des blocages des PPRT prévus par la loi. 407 PPRT devaient être validés au 31 juillet 2008. Au 1er novembre 2013, seulement 248 plans, soit 61% des PPRT, ont été mis en place, selon les chiffres du ministère de l'Ecologie. L'incident de l'usine chimique Lubrizol, survenu le 21 janvier 2013 à Rouen (à l'origine d'un dégagement de gaz très odorants (mercaptans) pendant plusieurs jours, a poussé le ministère à présenter le 11 avril 2013 un nouveau plan d'actions afin d'accélérer la mise en oeuvre des plans avec un objectif de 75% des PPRT approuvés fin 2013 et 95% fin 2014.

Les raisons du retard ? Outre le financement des travaux prescrits chez les riverains, l'ex-ministre de l'Ecologie Delphine Batho a pointé l'absence de mesure d'accompagnement des propriétaires des biens concernés par la mise en oeuvre des PPRT. Elle a également évoqué la complexité des études préalables à mener et la difficulté éprouvée par certains industriels pour finaliser la réduction du risque à la source. Si la ministre a salué l'effort de la plupart des industriels qui ont investi 200 à 300 millions d'euros par an afin de réduire les risques de leurs établissements, elle a toutefois rappelé à l'ordre par courrier une dizaine d'entre eux, dont des grands groupes, qui traînent des pieds. Ces investissements ont permis à ce jour de réduire les zones soumises aux mesures foncières d'environ 350 km² tandis que près de 2.000 études de dangers ont été instruites.

Autres obstacles des PPRT pointés : les procédures actuellement applicables sont “redondantes et les collectivités de taille modeste” ne disposent pas toujours des compétences pour les mener à terme. Les collectivités se sentent également “démunies” dans la gestion ultérieure des biens expropriés ou délaissés dont elles ont alors la charge, avait souligné le ministère. Face à ces retards, le nouveau plan de prévention des risques technologiques, annoncé par Delphine Batho, prévoit 12 mesures visant à répondre aux attentes des riverains, élus et industriels. Il s'agit d'abord de mobiliser les moyens de l'Etat : élaboration d'un “planning ambitieux” inscrit dans la circulaire datée du 11 avril 2013 adressée aux préfets, mise en oeuvre de “task forces” au sein des directions départementales des territoires (DDT), mobilisation de France Domaine (ministère du Budget) sur les évaluations à mener.

Des pistes de financement des travaux riverains

Côté financement : un amendement du député maire de Feyzin Yves Blein, président de l'association Amaris, au projet de loi d'adaptation au droit de l'UE dans le domaine du développement durable (DDADUE) a été entériné en juillet 2013 afin que soit portée à 90% la prise en charge des travaux imposés aux riverains, selon la clé de répartition suivante : Etat (40% sous forme de crédit d'impôt), industriels (25%) et collectivités locales (25%). La loi prévoit désormais que les travaux de protection ne peuvent être prescrits que sur des aménagements dont le coût n'excède pas 20.000 euros pour un particulier (ou 10% de la valeur vénale du bien), 5% du chiffre d'affaires lorsque le bien est la propriété d'une société, et 1% du budget lorsqu'il est la propriété d'une collectivité. “Jusqu'à présent, l'aide pour les travaux se limitait à un crédit d'impôt, qui selon les gouvernements, a fluctué entre 15 et 40% du montant des travaux considérés sans plafond… Aujourd'hui nous avons un dispositif stabilisé : 90% des travaux plafonnés à 20.000 euros assurés par la loi. Antérieurement, c'était un obstacle majeur car expliquer à des habitants qu'ils allaient devoir payer 80% de la facture pour se protéger, n'était pas facile”, a souligné à Actu-Environnement Yves Blein, président de l'association Amaris.

Conformément au plan ministériel, la loi DDADUE envisage aussi un financement tripartite (Etats, industriels, élus) des coûts de démolition des bâtiments expropriés ou délaissés, qui était jusqu'ici à la seule charge des collectivités. “Cette loi clôt un chapitre ouvert il y a plus de dix ans, après l'accident d'AZF”, s'est réjoui M. Blein. Le plan prévoit en outre un accompagnement des riverains afin qu'ils bénéficient de micro-crédits et des aides de l'Agence nationale de l'habitat (Anah). “En lien avec le ministère du Logement, nous voulons intégrer dans les opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH) la composante « risques technologiques », et nous lancerons prochainement des opérations conjointes, portant à la fois sur ces risques, et sur les politiques publiques portées à ce jour par l'Anah”, a précisé le ministre de l'Ecologie Philippe Martin en novembre 2013. Mais la Coordination nationale des associations riveraines des sites Seveso estime que les travaux de renforcement de l'habitation, qui portent le plus souvent sur les ouvertures, “seraient inefficaces au regard des pressions estimées en cas d'explosion”.  La Coordination juge "qu'il revient à l'industriel de réduire les risques à la source sans s'abriter derrière la notion de travaux économiquement acceptables”.

Prévenir les risques dans la politique du logement

Environ 30.000 logements au niveau national, dont 25.000 logements privés et 5.000 logements sociaux, sont concernés par des PPRT impliquant des travaux d'ici fin 2016, a rappelé le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) dans un rapport publié en octobre dernier. “Bien que le plafond maximal des travaux exigibles ait été rehaussé à 20.000€, et que ceux-ci puissent dorénavant être financés au minimum à 90% par l'État, les collectivités locales et les industriels, le passage à l'opérationnel reste difficile”, estime le CGEDD qui formule une quinzaine de préconisations visant à faciliter l'accompagnement des riverains. Il préconise de “mieux articuler” la politique de prévention des risques avec la politique du logement. Parmi les pistes de financement, le CGEDD recommande de mobiliser les fonds “1% logement” pour créer des aides complémentaires et/ou des prêts à taux zéro et d'étendre aux bailleurs sociaux et à la maîtrise d'ouvrage d'insertion, le crédit d'impôt créé au profit des propriétaires privés “pour financer les travaux de protection prescrits.” Il s'agit d'ouvrir aux organismes HLM “en difficulté un accès à des fonds de la Caisse de garantie du logement locatif social”.

Rachida Boughriet

© Tous droits réservés Actu-Environnement
Reproduction interdite sauf accord de l'Éditeur.

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