La demande d'autorisation d'exploiter a été déposée en 2004 par la société ARF, propriétaire du four à chaux depuis 2000 et concerne l'incinération de 150.000 tonnes de déchets par an. À l'issue de l'enquête publique qui s'est déroulée en avril 2005, la commission d'enquête a rendu un avis favorable à la demande d'autorisation d'ARF malgré une opposition locale unanime. Consultées lors de cette enquête publique, la commune d'accueil et les cinq communes les plus proches ont toutes exprimé un avis défavorable. Le collectif des opposants a rassemblé 4200 signatures au bas de la pétition demandant le rejet du projet. 172 communes picardes situées autour de Vendeuil ont spontanément pris des délibérations refusant l'implantation de l'incinérateur. Depuis les manifestations se succèdent.
Les opposants se déclarent hostiles à ce projet moins par peur de l'incinération en général, que pour des raisons liées à ARF et à l'attitude de la préfecture dans cette affaire. En effet, la demande d'autorisation intervient alors qu'il semblerait que la société exerçait déjà et dès 2001 son activité d'incinération de déchets dangereux sans autorisation préalable. Elle a pour cela été condamnée par le tribunal correctionnel de Saint-Quentin en décembre 2003. Les opposants déplorent le laxisme du préfet qui a simplement demandé à l'entreprise de régulariser son activité en déposant une demande d'autorisation alors que les riverains souhaitaient sa fermeture. Pour appuyer leurs revendications, ils rappèlent qu'il existe un Plan d'Elimination des Déchets Dangereux de Picardie (PREDIS), élaboré par le Préfet de Région en 1996 : ce document évalue à 50.000 tonnes par an la capacité complémentaire d'incinération de déchets dangereux à créer à l'horizon 2002 pour satisfaire les besoins picards. Entre-temps, des capacités nouvelles s'élevant à 150.000 tonnes/an ont été créées dans les régions limitrophes, destinées à accueillir en partie des déchets dangereux provenant de Picardie. La capacité de 150.000 t/an demandée par ARF pour le four de Vendeuil apparaît donc totalement démesurée au regard des besoins évalués par le Plan.
Le manque de transparence et d'information de la part des institutions et de la société ne fait qu'amplifier la méfiance et la crainte du côté des riverains sur fond d'expertises, de manifestations et de pétitions. Ils restent convaincus que la société n'a pas les moyens financiers et techniques suffisants pour exercer son activité sur ce site dans le respect de la réglementation. Le 8 octobre 2005, 400 personnes manifestaient devant la préfecture de Laon pour demander le rejet du projet et la fermeture de l'usine. Depuis, tous les samedis, le public en colère manifeste devant la préfecture de l'Aisne et entend le faire jusqu'au départ définitif d'ARF de Vendeuil.
C'est dans ce contexte qu'Evelyne Ratte, Préfèt du département, est amenée à accepter ou au contraire à rejeter la demande d'ARF. Selon elle, ARF s'est certes rendu coupable de nombreuses infractions par le passé, mais selon la Drire, l'exploitant respecte aujourd'hui les normes prescrites. Cependant devant le scepticisme et les revendications des maires de la région, elle a demandé à l'inspection des installations classées une nouvelle campagne d'analyse pour faire un point complet de la situation avant de se prononcer sur la demande d'autorisation. Elle mise également sur les commissions locales d'information et de surveillance (CLIS) pour apaiser la situation.
De son côté, l'industriel ARF a lancé une procédure judiciaire contre l'une des associations opposées au projet pour diffamation. Dans une lettre adressée au président de l'association, elle déclare que l'association fait un amalgame entre les conditions actuelles d'exploitation et la demande d'extension actuellement en cours d'instruction. L'affaire doit être jugée la semaine prochaine par le tribunal correctionnel de Lille.