Ce projet de loi vise à encadrer les cultures et les essais d'OGM et porte transposition des directives 98/81/CE du 26 octobre 1998 et 2001/18/CE du 12 mars 2001 relatives respectivement à l'utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés et à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement.
Menacée d'amendes et régulièrement rappelée à l'ordre par la commission européenne, la France était dans l'obligation de transposer ces directives. Le gouvernement a donc choisi de faire examiner le projet de loi selon une procédure d'urgence ne prévoyant qu'une lecture par chambre (Sénat puis Assemblée nationale) de manière à l'adopter avant la fin de l'année.
Le texte autorise les cultures d'OGM en plein air à des fins de recherche et de commercialisation, sous réserve pour les agriculteurs concernés de déclarer les parcelles qu'ils consacrent à des plantes transgéniques.
Il met en place des consultations du public par voie électronique avant toute autorisation de culture expérimentale d'OGM. Aucune réponse n'est toutefois exigée de l'organisme sollicitant cette autorisation.
La mise sur le marché des OGM devra être soumise à autorisation accordée pour 10 ans maximum et impose également à l'industrie agroalimentaire de signaler sur l'étiquetage de leurs produits la présence d'OGM.
La coexistence entre cultures OGM et non OGM est affirmée même si pour réduire la dissémination des pollens, des distances de sécurité, des zones tampon et des obstacles ou décalages de floraison devront toutefois être mises en place.
Un fonds de garantie, alimenté par une taxe à l'hectare payée par les cultivateurs d'OGM, indemnisera les paysans dont les récoltes ont été contaminées à plus de 0,9 %.
Le texte interdit par ailleurs des gènes de résistance aux antibiotiques qui présentent un risque pour la santé humaine ou pour l'environnement.
Il crée une instance unique d'évaluation, le Conseil des biotechnologies (fusion de trois instances consultatives existantes) qui aura pour mission d'analyser les conséquences économiques et sociales que présente l'usage des OGM.
Alors que pour François Goulard, Ministre délégué à la Recherche, ce texte établit des règles de transparence et qu'il met en œuvre le principe de précaution, il est loin de faire l'unanimité. Selon un sondage BVA** commandité par l'association Agir pour l'environnement, publié récemment, 72 % des personnes interrogées sont favorables à un référendum sur la réglementation des OGM en France. De plus, près de huit Français sur dix (78 %) souhaitent une interdiction temporaire des OGM en France le temps d'évaluer précisément leur impact sur la santé et l'environnement.
Mais le texte est surtout est dénoncé par ses opposants comme la porte ouverte à la commercialisation généralisée des OGM.
Pour France Nature Environnement, la Fondation Nicolas Nicolas Hulot et la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO), le Sénat ne s'est pas préoccupé du principe de précaution. La méthode d'évaluation du risque n'est pas définie, l'information du public n'est pas garantie, la responsabilité du producteur d'OGM est protégée, indique t'il dans un communiqué commun.
Ils ont regretté que le débat parlementaire n'ait pas permis de modifier ce texte pour qu'il soit conforme à l'objectif de la directive européenne de maîtriser la dissémination des OGM. Les principales victimes en seront l'environnement, les agriculteurs – totalement sous la dépendance des firmes multinationales et qui, de plus, devront payer à leur place les dégâts dont elles seront responsables -, et les consommateurs dont le libre choix alimentaire est gravement compromis par la légalisation de la contamination génétique. À terme, ce projet de loi condamne les filières de qualité et particulièrement l'agriculture biologique. Ces organisations lancent un appel solennel aux députés pour que ceux-ci, conformément à la Charte de l'environnement inscrite dans notre Constitution, arrêtent la course de ce projet de loi.
Le Réseau agriculture durable (RAD) a également dénoncé le projet de loi qui selon lui banalise la culture en plein champ de plantes génétiquement modifiées. Cette loi est la promesse d'une contamination irréversible des cultures, des semences et de l'environnement. Elle rend impossible la pratique d'une véritable agriculture durable et bio, indique le réseau qui regroupe 30 groupes et 2000 agriculteurs en France, dont une partie en agriculture biologique.
La présidente de CAP 21, Corinne Lepage, a envoyé à l'ensemble des députés et sénateurs un courrier soulignant les carences et dangers du texte dans sa rédaction actuelle et proposant des pistes d'amendement. Le projet ouvre en effet les champs aux cultures OGM sans offrir les garanties de sécurité nécessaires tant sur le plan environnemental que sanitaire, explique le Porte-parole de CAP 21, Eric Delhaye.
Agir pour l'environnement a également dénoncé que ce soit le Ministre de la Recherche qui présente ce projet de loi. Aussi étonnant que cela puisse paraître, c'est bien l'option « recherche » qui a été retenue pour transposer une directive relative à la dissémination d'OGM… dans l'environnement, marginalisant une fois encore le Ministre de l'Ecologie. Pour l'association, la mise en place d'un fonds d'indemnisation ne permet pas de répondre sérieusement aux pertes financières nées d'une contamination généralisée des cultures existantes. De plus, l'introduction d'un seuil de contamination fixé à 0.9 % ouvrant droit à indemnisation met en péril la filière bio. Entre le seuil de détection proche du 0 % et celui fixé par la loi (0.9 %), la filière bio risquera le déclassement sans pouvoir prétendre à la moindre indemnisation.
Mais pour Agir pour l'environnement, il y a pire car selon elle, pour minorer le risque financier des promoteurs des organismes génétiquement modifiés, le Sénat n'a pas cru bon devoir modifier le projet de loi initial en maintenant l'une des dispositions les plus controversées, à savoir une responsabilité et une indemnisation des pollueurs limités dans le temps et dans l'espace. Toutes les contaminations résultant de repousses d'une année sur l'autre, dépassant l'espace par trop étriqué d'un champ à l'autre, intervenant en amont de la mise en culture (semence) ou en aval des récoltes transport, transformation ou stockage) seront tout bonnement occultées et non indemnisées.
En revanche pour le Groupement interprofessionnel des semences et plants (GNIS), le vote du Sénat est une étape importante pour le développement des cultures OGM en France. Le travail parlementaire a essayé de répondre à l'attente des agriculteurs, de la société et de l'Europe de manière équilibrée, a déclaré Philippe Gracien, porte-parole du GNIS, dans un communiqué à l'AFP. Pour les campagnes à venir, la clarification des mesures encadrant l'agriculture biotech sera la bienvenue pour tous les opérateurs , estime-t-il. Le GNIS espère que la loi permettra de développer les programmes de recherche sur les biotechnologies végétales et de laisser aux agriculteurs le choix du type d'agriculture [NDLR : conventionnelle, biologique ou OGM] qu'ils souhaitent mettre en place sur leur exploitation….
L'examen du texte se poursuivra à l'Assemblée en Mai.
* http://ameli.senat.fr/publication_pl/2005-2006/200.html
** Sondage réalisé par téléphone du 27 au 28 janvier auprès d'un échantillon de 1.003 personnes, représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus, selon la méthode des quotas.