C'est pourquoi, une équipe de chercheurs du Genoscope d'Evry et des Universités de Nimègue, Munich et Vienne a travaillé plus particulièrement sur la bactérie Kuenenia stuttgartiensis, prototype du groupe anammox.
Les résultats du séquençage de son génome viennent d'être publiés dans la revue Nature du 6 avril dernier. Le génome de cette bactérie s'est ainsi révélé beaucoup plus vaste que ce que les chercheurs imaginaient. Il comporte un très grand répertoire de voies métaboliques permettant à la bactérie d'utiliser notamment le dioxyde de carbone pour effectuer les transformations.
L'analyse du génome de K. stuttgartiensis a permis dans un premier temps d'en savoir plus sur l'origine des Planctomycetes et leur place au sein de l'évolution des espèces bactériennes. Il s'avère qu'elles ont plus de gènes en commun avec les Chlamydiae qu'avec n'importe quel autre groupe et descendent donc du même ancêtre que ces dernières.
La reconstitution du génome de K. stuttgartiensis a également permis d'identifier les gènes responsables du processus d'oxydation anaérobie de l'ammoniaque et par conséquent d'en comprendre le fonctionnement.
Grâce à ses avancées, les bactéries anammox pourraient être utilisées dans le traitement biologique des eaux usées. Ces traitements ont pour objectif de reproduire au sein de la station d'épuration, les différentes étapes du cycle de l'azote pour conduire au final à la transformation de toutes les formes azotées présentes dans l'eau en forme gazeuse éliminée dans l'atmosphère (N2).
En effet, dans les techniques actuelles la pollution azotée est éliminée par plusieurs types de bactéries utilisant les différentes formes de l'azote mais nécessitant des conditions différentes. L'élimination de l'azote ammoniacal est le plus souvent obtenue grâce à des traitements biologiques, de « nitrification-dénitrification ». La première phase de nitrification consiste en une transformation, par des cultures bactériennes adaptées, de l'azote ammoniacal en nitrates (NO3) en présence d'oxygène. Une seconde phase, la dénitrification, complète le processus. Les nitrates, sous l'action de bactéries « dénitrifiantes », sont transformés en azote gazeux (N2) mais cette fois-ci en absence d'oxygène. Cette élimination de l'azote nécessite donc le plus souvent la conception de deux bassins séparés dans lesquels sont générées les conditions optimales de chacune des deux phases. De plus, ce type de traitement biologique s'avère coûteux en énergie d'aération pour la nitrification et surtout en apport de carbone nécessaire à l'étape de dénitrification.
L'utilisation d'anammox pour le traitement des eaux usées présenterait ainsi de nombreux avantages. En réalisant la transformation de l'ammoniaque en azote gazeux directement en une seule étape, elle permettrait de simplifier le procédé, d'accélérer le traitement et d'en abaisser considérablement le coût, notamment en économisant de l'énergie. L'apport d'oxygène au bassin peut-être réduit, les bactéries anammox n'ont pas besoin de carbone organique pour leur croissance et produisent moins de biomasse, ce qui réduit la masse de boues à éliminer en fin de traitement. Son utilisation est actuellement en cours d'expérimentation au niveau industriel.
La variété du monde des micro-organismes et leur capacité d'adaptation à des milieux extrêmes ou pollués laisse entrevoir un potentiel énorme encore très peu exploité. Aujourd'hui, moins de 1% des bactéries existant dans le milieu naturel sont isolées et cultivées en laboratoire. La tâche est immense, car l'arsenal de gènes bactériens développés au cours de l'évolution pourrait atteindre 10 milliards. Le séquençage peut donc présenter un intérêt majeur pour la protection de l'environnement. Par exemple, le séquençage des génomes peut permettre d'exploiter la capacité du peuplier à absorber le CO2, la faculté de la bactérie Desulfovibrio desulfuricans à réduire l'uranium et le chrome ou encore l'aptitude de Rhodococcus sp. à décomposer le PCB et autres déchets toxiques.
Autre exemple, le séquençage d'une communauté microbienne, responsable de la production d'acide sulfurique à l'intérieur d'une mine abandonnée polluant les nappes souterraines, pourrait permettre de développer des stratégies plus efficaces et moins coûteuses pour la décontamination du site.