Par la loi du 30 décembre 1991, également appelée loi Bataille, du nom du Député, Christian Bataille qui fut son rapporteur, le Gouvernement avait quinze ans pour approfondir les recherches et trouver une solution pour le stockage des déchets les plus dangereux, c'est-à-dire ceux qui résultent de l'activité des centrales nucléaires et ayant pour certains une durée de vie de plusieurs millions d'années. Le projet de loi actuel est donc la conséquence de la loi Bataille.
Adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, le 12 avril dernier, le projet de loi définit trois axes de recherche complémentaires pour la gestion de ces déchets : la séparation-transmutation, l'entreposage de longue durée en surface et l'enfouissement en couche géologique profonde. La recherche des solutions de gestion à long terme de ces déchets est nécessaire, quelle que soit la place que le nucléaire occupe dans notre politique énergétique : des déchets ont été produits depuis 40 ans ; ils sont là et il nous appartient de les gérer, a souligné le ministre délégué à l'Industrie François Loos, dans son discours au Sénat.
En premier lieu, ce projet de loi institue un plan national de gestion des matières et déchets radioactifs. Ce plan inclura non seulement les déchets de haute activité et à vie longue mais aussi, comme le recommandaient de nombreux participants au débat public, toutes les autres substances radioactives issues des activités nucléaires*, a souligné le ministre.
Le projet de loi fixe trois principes :
- afin de rechercher la réduction de la quantité et de la nocivité des déchets, les combustibles nucléaires usés issus des centrales électriques seront traités pour être recyclés dans des centrales ;
- les déchets qui ne peuvent être recyclés seront conditionnés dans des matrices stables et entreposés temporairement en surface ;
- enfin, après entreposage, ceux des déchets ultimes qui ne peuvent pas être stockés définitivement en surface ou en faible profondeur seront placés dans un stockage en couche géologique profonde, qui devra être réversible pendant une première période.
Autre point important : le projet de loi confirme l'interdiction du stockage en France de déchets radioactifs venus de l'étranger à l'exception de ceux destinés à des fins de traitement ou de recherche. Il prévoit que le traitement des combustibles usés en provenance de l'étranger sera encadré par des accords intergouvernementaux qui fixeront des délais limités pour l'entreposage de ces matières et des déchets qui en sont issus après traitement. Ces délais seront fixés au cas par cas en fonction des contraintes techniques liées au traitement et au transport de ces substances. Le projet crée un régime de contrôles et de sanctions qui n'avait pas été prévu en 1991.
Le projet fixe également un programme de recherches et de travaux, assorti d'un calendrier, pour mettre en oeuvre ce plan national de gestion des matières et déchets radioactifs.
Les recherches seront poursuivies selon les trois axes (séparation-transmutation, entreposage et enfouissement), selon leur degré de maturité respectif. Les trois axes sont complémentaires et il n'y a pas lieu de les opposer : chacun a son utilité, mais pas au même moment ou pour les mêmes déchets, estime François Loos.
Parmis les modifications votées figurent le fait que le gouvernement devra présenter, avant le dépôt d'une demande d'autorisation de création d'un centre de stockage, un projet de loi supplémentaire fixant les conditions de la réversibilité du centre de stockage en couche géologique profonde. Cet modification précise que l'autorisation de création d'un centre de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs ne garantissant pas la réversibilité de ce centre dans les conditions prévues par le projet de loi actuel ne peut être en effet délivrée.
Sachant que le projet de loi sur la gestion des déchets radioactifs était en discussion au Sénat, Greenpeace a livré, le 30 mai dernier, 331 bouteilles d'eau radioactives destinées à chaque sénateur. Par cette action, Greenpeace entendait attirer l'attention des Parlementaires sur la situation préoccupante des déchets nucléaires en France, et dénoncer par la même occasion le projet de loi qu'elle estime dangereux pour l'environnement et les générations futures. Cette action fait suite à une campagne de prélèvements réalisée la semaine dernière autour du Centre de Stockage de la Manche qui gère des déchets faiblement et moyennement radioactifs et qui a fortement pollué l'environnement et notamment les eaux et nappes phréatiques alentours, selon l'organisation écologiste. L'eau contenue dans les bouteilles livrées a été directement pompée dans un piézomètre proche du site et contient un niveau de pollution en tritium 180 fois supérieur au seuil d'alerte fixé par l'Europe. Pour Frédéric Marillier, de Greenpeace France, cette eau radioactive prélevée directement dans l'environnement du centre de stockage de la Manche est la preuve que l'industrie ne sait pas gérer proprement ses déchets. Ce centre fuit alors qu'il devrait être étanche.
L'Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l'Ouest (ACRO) et le Groupement de Scientifiques pour l'Information sur l'Energie Nucléaire (GSIEN) ont eux aussi critiqué le projet de loi. Le projet de loi actuellement en discussion semble ignorer le débat public qui vient d'avoir lieu. Il prolonge de dix ans les trois axes de recherche de la loi précédente de 1991. Mais il impose que l'autorisation de stockage en couches géologiques profondes puisse être instruite d'ici 2015, ce qui transforme de facto le laboratoire de recherche de Bure en futur centre de stockage, par une simple décision du Conseil d'Etat.
Les efforts de recherche sur l'axe séparation-transmutation sont, selon eux, trop onéreux par rapport aux espoirs potentiels de cette solution.
S'ils saluent la création d'un plan national de gestion des matières et déchets radioactifs, ils déplorent les orientations imposées par la loi. La loi sur la gestion des déchets nucléaires devrait plutôt fixer des objectifs à atteindre à ce plan, et non des moyens, afin de ne pas trop restreindre les choix. Surtout, ces plans successifs devraient faire l'objet d'une véritable concertation publique imposée par la loi comme s'y est engagée la France en ratifiant la convention d'Aarhus.
L'ACRO et le GSIEN se réjouissent également que le stockage en France de déchets nucléaires étrangers soit toujours interdit mais déplore le manque de précision de la définition de déchets radioactifs. Sous prétexte que certaines matières sont hypothétiquement recyclables, elles ne sont pas considérées comme déchets, même si dans les faits, elles ne sont pas recyclées et ne le seront jamais. C'est le cas en particulier d'une partie du plutonium et de l'uranium extrait dans les usines de retraitement, ou de l'uranium appauvri. Ils proposent plutôt de définir comme déchet radioactif, toute matière radioactive non utilisée dans un délai à fixer et de considérer, les déchets ultimes, les déchets potentiellement valorisables et les matières valorisées.
Enfin, selon les deux organismes, le public est le grand oublié de ce projet de loi. Toute en saluant l'extension des compétences à tous les déchets de la Commission Nationale d'Evaluation et la création d'une commission nationale d'évaluation du financement, ils déplorent qu'aucune structure ne permette de prendre en compte l'avis de la population.
Le projet de loi sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire a également été définitivement adopté jeudi par le Parlement, après un vote du Sénat en deuxième lecture.
*Les sources scellées utilisées dans la radiographie industrielle ou la médecine, les déchets issus des activités militaires, les résidus des mines d'uranium ou encore les anciens paratonnerres au radium...
Projet de loi .