Face à ce constat, 160 chercheurs (plongeurs, spéléologues, grimpeurs professionnels, ethnologistes) venus de 25 pays vont pendant cinq mois, entre août et décembre 2006, dresser l'inventaire de la faune et de la flore des milieux terrestres et marins d'une grande île montagneuse du Pacifique Sud : Santo, l'une des îles principales de l'Archipel du Vanuatu.
Dénommée Santo 2006, cette mission scientifique internationale lancée à l'initiative du Muséum national d'histoire naturelle (MNHN), de l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et de Pro-Natura International a été présenté officiellement, le jeudi 29 juin dernier avec pour message : Inventorier maintenant pour mieux préserver demain. Ce projet s'inscrit dans le cadre de programmes de recherche internationaux sur la Biodiversité, tels IBISCA, The Census of Marine life ou EDIT.
Premier objectif de cette mission : lancer les bases du plus important inventaire jamais réalisé de la flore et de la faune des milieux terrestres et marins, en se concentrant spécifiquement sur les petits organismes et ce dans un milieu représentatif des écosystèmes tropicaux. L'île de Santo, avec ses 4000 km2, est la plus importante de l'archipel par sa taille et la diversité de sa population et constitue un échantillon idéal des écosystèmes les plus riches, les moins connus et les plus menacés de la planète. Cette île au relief montagneux, de type volcanique et corallien et qui présente une formidable diversité de milieux naturels possède notamment sur son territoire le plus haut sommet de l'archipel, le Mont Tabwemasana, qui culmine à un peu plus de 1800 mètres, ses pentes seront l'un des principaux terrains d'investigation des botanistes et des entomologistes de l'expédition.
La mission se concentrera sur les « petits animaux », et notamment les insectes, si rarement étudiés mais qui constituent l'essentiel de notre Biodiversité. Il est fondamental de pouvoir les découvrir et les observer le plus vite possible et dans les meilleures conditions, explique le MNHN car ils ont un rôle prépondérant dans le maintien des équilibres de nos écosystèmes et parce qu'ils sont les meilleurs indicateurs de variation, d'évolution ou d'altération de ces équilibres.
Le deuxième objectif de la mission est d'évaluer l'efficacité des méthodes de recherche et mettre au point de nouvelles méthodologies pour acquérir au plus vite ces connaissances.
Pour ce faire 4 principaux modules de recherche seront menés de front. Ils correspondent aux différents types de milieux : marin/sous-marin ; terrestre ; souterrain ; transformé et habité par l'Homme. Deux équipes françaises se sont associées pour cette aventure : les équipes du Pr. Bouchet du Muséum national d'Histoire naturelle, et d'Hervé Le Guyader (Université de Paris VI / IRD), spécialisées en Biologie marine, qui mènent depuis plusieurs années des missions d'inventaire des fonds marins dans le Pacifique Sud et l'équipe de Pro-Natura International, autour d'Olivier Pascal, Bruno Corbara et Dany Cleyet-Marrel, spécialisée dans l'étude des canopées des forêts tropicales, et qui, depuis plus de 15 ans, embarque des scientifiques du monde entier vers les sommets des arbres sur ses aérostats.
Outre les moyens humains exceptionnels, l'expédition aura recours à des moyens techniques impressionnants comme un navire océanographique de l'IRD (Alis) ou encore l'aérostat baptisé Arboglisseur, dernier-né des équipements du Radeau des Cimes**, dont ce sera la première apparition dans le contexte d'une grande mission scientifique internationale. Développé par la société d'ingénierie Océan Vert, il est le fruit d'une expérience démarrée en 1985, consacrée à l'invention et la mise au point d'engins volants rendant possible l'accès à certains territoires encore vierges de notre planète, comme la canopée des grandes forêts tropicales.
Par ailleurs, pendant et après l'expédition une attention particulière sera portée à la formation, à l'implication des partenaires locaux et à la restitution de l'information comme le prévoit convention Internationale sur la Diversité. Ainsi le pays organisateur, la France, et le pays hôte, le Vanuatu, ont signé un accord de partenariat sur la façon dont les échantillons et les résultats seront partagés. Un inventaire complet de ce qui sera découvert durant l'ensemble de la mission sera restitué au Vanuatu.
*Cet archipel de la Mélanésie s'étend sur 800 km de l'hémisphère sud, à 500 km au nord-nord-est de la Nouvelle-Calédonie, à 2500 km de Sydney (Australie), à 4500 km de Tahiti, à 1000 km des Iles Fidji à l'est, à 100 km des Iles Salomon au nord.
**Imaginé par Dany Cleyet-Marrel, co-fondateur de l' équipe du Radeau des Cimes, avec le professeur Francis Hallé (botaniste) et l'architecte Gilles Ebersolt.