Actuellement, la plupart des sédiments sont rejetés en eaux profondes sans que l'on connaisse vraiment l'impact des ces déchets portuaires sur l'écosystème marin. Si les coûts de transport sont trop importants et/ou si les sédiments sont trop pollués, un dépôt à terre est envisagé avec parfois une dépollution avant retour en mer profonde. Mais les règles environnementales strictes, l'augmentation des coûts de traitement et les préoccupations croissantes des associations, contraignent les ports à trouver d'autres solutions pour le traitement de cette vase de mer ou des voies de valorisation des sédiments dépollués.
En matière de valorisation de la vase marine, les seules études existantes se rapportent à son emploi pour les sous-couches de route. Cependant, les études sont très limitées, s'appliquant sur de seuls échantillons et à ce jour, aucune application réelle n'a été réalisée sur une étendue significative supérieure au kilomètre. La valorisation de la vase marine dans les matériaux de construction est une autre voie possible même si elle n'a été testée que pour les boues de station d'épuration à des coûts prohibitifs (briques, bétons expansés). Depuis trente ans, les chercheurs français travaillent sur cette voie, les résultats se précisent mais faute d'une mise en œuvre à grande échelle, les efforts engagés se sont pas valorisés sous la forme d'un produit ou service et pourraient être nuls en termes de retour sur investissement.
Pourtant cette voie présente bien des avantages. Dans plusieurs régions du monde, les ressources minérales sont en voie de pénurie, notamment, les matériaux alluvionnaires, principale ressource en granulats. Même si les sociétés de construction routières préfèrent pour l'instant maintenir l'exploitation de leurs propres carrières plutôt que de jouer la carte de l'innovation, la fermeture des carrières en raison de croissantes préoccupations environnementales s'accélère. Petit à petit, les industriels de la construction routière et du génie civil commencent à se tourner vers des matériaux de substitution disponibles localement. Ces matériaux locaux peuvent être des gisements naturels (limons, craies, sables, granulats marins), des chaussées anciennes ou encore des sous-produits industriels comme les sables résiduaires de fonderie, les matériaux de démolition, ou encore les mâchefers issus de l'incinération d'ordures ménagères.
Convaincue que ces sous-produits constituent des alternatives aux matériaux traditionnels de construction et que les sédiments fins de dragage s'inscrivent dans ce contexte, une entreprise franco-chinoise a décidé de mettre au point une filière complète de valorisation de la vase de mer en éco-matériaux. Le projet industriel inclut divers partenariats en particulier avec la Chine dans l'esprit des pôles de compétitivité. Confrontées à des besoins très importants en matériaux de construction, l'Asie et plus particulièrement la Chine sont très intéressées, prêtes à investir en recherche et développement et motivées pour passer à l'industrialisation.
L'objectif de l'entreprise franco-chinoise Paneurochina est d'élaborer une unité mobile de traitement en continu de la vase de mer intégrant un enchaînement d'opérations automatisées depuis l'extraction de la vase jusqu'à la livraison d'éco-matériaux de construction. L'unité mobile pourra également produire d'autres produits nécessitant moins de traitement et proposera donc tous les matériaux susceptibles d'être produits à partir de la vase de mer : sable, limons, argile, matériaux routiers, granulats jusqu'au produit le plus élaboré qu'est le matériau de construction.
Préalablement à la mise en oeuvre concrète du traitement, un zonage et des analyses des sédiments du port à traiter sont nécessaires. Le zonage permet de prioriser les zones à draguer selon la demande exprimée et précise les cycles de traitement afin de déterminer le temps d'exploitation donc le type d'unité à mettre en place. La succession des traitements dépendra de l'application en fonction des performances mécaniques et environnementales attendues. Les cadences seront définies selon les capacités des machines, selon les volumes à traiter et selon les produits attendus. Une fois dragués les sédiments sont grossièrement triés, décantés, criblés et déshydratés avant d'être mélangés à des additifs. Les proportions étant fonction des propriétés mécaniques voulues. Parmi ces additifs peuvent figurer des composants végétaux (sciures de bois, fibres naturelles, lin, sisal…) voire des matières dont les industriels seraient désireux de se débarrasser : cendres volantes (centrales thermiques), fumées de silice, boues de carrière. Le gel obtenu peut ensuite être moulé selon la destination désirée : briques (cloisons), parpaings, enrochements, bordures de trottoirs…. Des prélèvements ont lieu aux diverses étapes de la chaîne de production pour être analysés en laboratoire.
Mais si sur le principe le projet est louable et bien avancé en Chine, il risque d'être confronté en France à un certain scepticisme concernant l'innocuité des produits au regard des polluants susceptibles d'être présents dans la vase de mer d'origine, dans les additifs et par conséquent dans le produit final. Toutefois, dans la réglementation française, les sédiments de dragage extraits d'un milieu aquatique sont considérés comme des déchets. Pour les sédiments d'origine marine ou estuarienne en particulier, l'arrêté du 14 juin 2000 fixe le niveau maximum de pollution autorisant le rejet des sédiments en mer. Au-delà l'immersion est interdite et le stockage et la dépollution s'impose.
En France, l'activité portuaire est intense : 80 % des échanges commerciaux du pays, 350 millions de tonnes de marchandises, 33 millions de passagers et 40 millions de mètres cube de vase de mer à traiter d'ici 2010 !