C'est à la suite de ces conclusions très alarmantes que la Commission européenne a présenté en septembre 2005 une stratégie globale destinée à améliorer la qualité de l'air en Europe et plus particulièrement à réduire le nombre de décès de près de 40% d'ici 2020 par rapport à 2000.
Cette stratégie est également assortie d'une proposition de directive sur la qualité de l'air ambiant avec de nouvelles dispositions techniques adaptées aux avancées scientifiques et en fixant des plafonds de concentration pour les microparticules, les PM2,5, qui n'étaient pas réglementées jusqu'à présent.
Mais le 26 septembre dernier, le Parlement Européen a adopté plusieurs amendements à cette proposition de directive sur l'air officiellement présentées comme plus ambitieux que ceux de la Commission qui n'a pas manqué de réagir : la commission européenne craint en effet que ces amendements adoptés en première lecture n'affaiblissent des éléments importants de la proposition initiale.
Le rapport de codécision (première lecture) de l'allemand Holger Krahmer (ADLE)* adopté en première lecture avec 571 voix pour, 43 contre et 18 abstentions, suggère de fixer le seuil de concentration des particules de moins de 2,5 microns réputées les plus nocives, à 20 microgrammes à partir de 2010 au lieu de 25µg/m3 comme souhaité par la commission. Cependant, les 20 µg/m3 sont définis comme une «valeur cible» et non une «valeur limite», car les députés estiment qu'il est trop tôt pour fixer des valeurs limites compte tenu de l'état des connaissances scientifiques. Pourtant les Etats-Unis ne tolèrent déjà pas plus de 15 µg par m3 depuis des années et l'OMS en recommande 10** !
Rappelons que ce seuil de 20 µg/m3 avait d'ailleurs été très critiqués par des spécialistes de l'environnement et des maladies respiratoires lors de la conférence sur la santé et l'environnement à l'initiative des Sociétés internationales d'épidémiologie environnementale (ISEE) et d'analyse des expositions (ISEA) qui s'était tenu à paris en septembre dernier. Trois chercheurs français** avaient envoyé une lettre aux députés européens français membres de la commission chargée de l'environnement et de la santé car ils redoutaient que la directive envoie un signal négatif aux autres pays dans le monde, et ralentisse ou interrompe les efforts futurs tendant à contrôler les sources de pollution. Les scientifiques n'ont apparemment pas été écouté alors qu'une étude portant sur 26 villes européennes totalisant plus de 41 millions d'habitants présentée lors de la conférence à Paris avait montré qu'une limitation à 15 microgrammes/m3 réduirait de 13.000 le nombre annuel de décès prématurés dans ces villes alors qu'une norme de 25 microgrammes/m3 ne permettrait d'éviter que 4.500 décès prématurés.
Concernant les particules de moins de 10 microns (PM10) de diamètre, les députés proposent de fixer le seuil de concentration à 33 microgrammes par mètre cube en moyenne annuelle à partir de 2010. Dans le projet de directive initial, la Commission européenne suggérait de maintenir un seuil de 40 microgrammes pour ces particules.
En revanche en ce qui concerne les limites journalières de ces mêmes particules, dont le seuil de 50µg/m3 ne devrait pas être dépassé plus de 35 fois par an selon la Commission, les députés sont favorables à une plus grande flexibilité (dépassement de maximum 55 jours/an) pour les Etats membres qui ne sont pas en mesure de respecter les critères en raison de conditions géographiques ou climatiques particulières ou de pollutions transfrontalières significatives. Selon Holger Krahmer, la position du Parlement est un compromis équilibré entre une protection sévère de la santé et la souplesse requise au niveau national, notamment pour les régions qui subissent la pollution provenant de pays voisins.En revanche, pour M. Stavros Dimas, membre de la Commission responsable de l'environnement, cette perspective est inacceptable. Affaiblir la valeur limite quotidienne des PM10 signifie que les personnes qui sont les plus vulnérables à la mauvaise qualité de l'air peuvent être exposées à des niveaux de pollution plus élevés pendant un nombre de jours par an bien supérieur, même si la valeur limite annuelle devait être abaissée, explique-t-il.
Les députés demandent aussi plus de flexibilité en ce qui concerne la possibilité d'obtenir une dérogation temporaire de 5 ans au moment de l'entrée en vigueur de la directive dans les zones ou agglomérations qui n'arrivent pas à respecter les critères en matière de polluants. Selon les parlementaires, les Etats membres concernés pourraient bénéficier d'une dérogation d'une durée de 4 ans pouvant être prolongée de 2 années supplémentaires pour les PM2,5 et les PM10 uniquement, à la condition qu'ils soumettent un plan démontrant pourquoi ces plafonds de particules ne peuvent pas être respectés en dépit des mesures prises aux plans national et local accompagnés d'actions correctrices prévus. Reconnaissons la nécessité d'accorder des délais supplémentaires, M. Stavros Dimas estime toutefois que toute prorogation doit être strictement limitée. Nous ne pouvons pas accepter la proposition du Parlement prévoyant des prorogations de plus de cinq ans, souligne-t-il.
Les parlementaires souhaitent aussi plus de souplesse en ce qui concerne l'objectif de réduction de l'exposition de la population de l'UE aux particules polluantes de 20% d'ici 2020, avec la fixation de pourcentages de réduction différenciés en fonction des taux de concentration enregistrés. Ils demandent enfin l'ajout de nouveaux articles mentionnant les mesures à prendre à la source dans les Etats membres pour réduire la pollution atmosphérique et notamment de nouvelles normes pour les incinérateurs, les véhicules lourds (norme Euro VI), les installations de chauffage domestique et des mesures coordonnées au niveau européen pour encourager les propriétaires de navires à réduire les émissions de ceux-ci.
*Rapport
** Isabella Annesi-Maesano, responsable de l'équipe «Epidémiologie des maladies allergiques et respiratoires» à l'Inserm, Sylvia Médina, du département santé et environnement de l'Institut de veille sanitaire (InVS) et coordinatrice du programme européen Apheis (Air pollution and health european information system) et Denis Zmirou-Navier, directeur de recherche de l'équipe «Evaluation et prévention des risques professionnels et environnementaux» à l'Inserm.