Préférez-vous mourir à cause du changement climatique, d'une guerre pour le pétrole ou d'un holocauste nucléaire ? La bonne réponse est… pour aucune de ces trois raisons. Amory Lovins lance sa conférence par cette boutade, qui caricature les périls de notre époque pour mieux les conjurer. Et raconte que l'avenir est aux systèmes intelligents, à l'image de sa maison dans le Colorado où il a récolté 28 récoltes de bananes dans sa serre, par une température extérieure de moins 20 degrés sans recourir à des énergies fossiles. Une équation ludique, à son image d'ingénieur à la Géo Trouvetout. D'autant que la solution à ces maux est d'une simplicité cardinale, la thérapie de bon sens : une « acupuncture institutionnelle » pour cibler les gisements d'économies d'énergie.
Quand les décideurs de ce monde auront abandonné la croyance selon laquelle lutter contre le changement climatique coûte cher, ils comprendront qu'il est moins onéreux d'économiser l'énergie que de l'acheter. La transition énergétique non seulement ne va rien nous coûter, mais va nous rapporter, Amory Lovins sait le démontrer grâce à la cinquantaine de slides présentées lors de sa conférence. Du reste, bien des entreprises l'ont déjà compris, comme IBM, Dupont, Dow Chemicals, United Technologies et General Electrics, qui s'illustrent par des réductions d'un tiers de leurs consommations d'énergie, voire, pour l'entreprise Interface, de 82% de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre.
L'avenir est à l'efficacité énergétique
Selon une étude de Mac Kinsey publiée en janvier 2009, 70% des émissions de gaz à effet de serre pourraient être évitées en 2030 pour un coût de 4€ la tonne de CO2 équivalent, par le recours à une combinaison de stratégies d'efficacité énergétique et d'éco-technologies : généralisation d'ampoules à basse consommation, isolation des bâtiments, moteurs efficaces, chauffage au bois, micro-hydraulique, restauration des sols, climatisations douces… Exemple spectaculaire de ce type d'initiatives : la réhabilitation en 2009 des 280.000 m2 de l'Empire State Building à New York va permettre d'économiser 38% d'énergie finale, avec un amortissement sous trois ans, le remplacement des 6.500 fenêtres de l'édifice va éviter les deux tiers de la dissipation de chaleur en hiver et doubler l'efficacité thermique en été.
A l'échelle des Etats-Unis, la diffusion de l'efficacité énergétique permettrait d'économiser la moitié du pétrole et du gaz consommés et les trois quarts de l'électricité. Le tout à un coût d'au moins un tiers inférieur au montant actuel de la facture énergétique américaine. Ce serait, selon Amory Lovins, une manière de gagner au jeu de la fin du pétrole et de court-circuiter le pic des énergies fossiles en sortant rapidement de leur addiction. Il faut commencer par les véhicules, qui, aux Etats-Unis, consomment 70% du pétrole. Ils pourraient consommer deux tiers de moins de carburant s'ils étaient plus légers, grâce à des matériaux tels que les fibres de carbone, comme le Concept Car de Toyota, un hybride ultra léger. Car Lovins démontre, en bon physicien, que seuls 6% du carburant servent à faire tourner le moteur, et que 87% du carburant n'atteignent jamais les roues, en raison du surpoids des véhicules …
Le nucléaire, aberration économique
Cas d'école de l'inefficacité énergétique, le nucléaire est présenté par Lovins comme une aberration thermodynamique et économique. Son effondrement sur les marchés (« nuclear power's market collapse ») est, selon Lovins, une bonne nouvelle pour le climat et la sécurité internationale : la chute du nucléaire permet d'investir 2 à 20 fois plus dans les secteurs de petites unités de production et de distribution d'énergie (co-génération, biomasse, petite hydraulique, réseaux électriques intelligents) et libère 104 leviers macro économiques pour financer d'autres secteurs - éducation, santé publique, développement. Le choix nucléaire français, selon Lovins, n'est pas un franc succès : il a servi à diffuser le coûteux chauffage électrique chez un quart des ménages français ; la France importe un tiers de son énergie, 8 Twh par an d'Allemagne, pour couvrir ses pics de consommation ; elle n'a réduit sa facture pétrolière que d'un dixième depuis 1973, et consomme 12% de plus de pétrole per capita que l'Italie, qui est pourtant sortie du nucléaire… Le nucléaire ne produit que 18% de son énergie finale, son indépendance énergétique n'est que de 6%, et elle importe tout son Uranium. Sa facture énergétique a atteint un record en 2008 : 80 milliards de dollars. Et, pour couronner le tout, la France émet plus de CO2 qu'au milieu les années 80… Un bilan somme toute peu convaincant, selon le président du Rocky Mountain Institute.
Des compagnies au service des économies d'énergie
La solution, c'est de transformer les entreprises de production d'énergie en compagnies de services énergétiques efficaces, au service de l'intérêt des consommateurs. C'est le cas de Pacific Gas and Electricity, en Californie, qui s'est vu prescrire un objectif plafonné de production d'électricité, à charge pour elle d'aider ses abonnés à ne pas dépasser la facture. C'est ainsi que la Californie a évité 65 gigawatts de pics de consommation. Selon lui, si tous les Etats américains imitaient cet exemple, 62% de l'électricité actuellement produite à partir du charbon seraient désormais inutiles et 57% des émissions américaines évitées. Chiche ?