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AccueilCorinne LepageClimat et économie : un rapport Stern II

Climat et économie : un rapport Stern II

À l'image de Nicolas Stern qui estima à 5.500 milliards d'euros le coût de l'inaction face au réchauffement climatique, la Commission mondiale sur l'économie et le climat éclaire sur de nouveaux enjeux financiers. Détails avec l'avocate Corine Lepage.

Publié le 01/10/2018

La Commission mondiale sur l'économie et le climat vient de publier son quatrième rapport. Cette commission, composée de 28 anciens chefs de gouvernement, ministres des Finances ainsi que des dirigeants dans le domaine de l'économie des affaires et des finances réunit aussi des syndicalistes, des présidents de banque et de grandes entreprises, des maires et des universitaires. Coprésidée par Paul Polman PDG d'Unilever, Ngozi Okonjo Iweala ancien ministre des finances du Nigéria et Nicholas Stern. D'où l'intérêt des propositions "décoiffantes" qui sont ici formulées. En effet, cette Commission vient de publier un rapport passionnant qui ne se pose plus la question de savoir s'il est plus intéressant d'agir que de ne pas agir. Sa thèse est simple. Il faut agir et agir vite. C'est un impératif pour le climat. C'est une opportunité exceptionnelle pour promouvoir une croissance inclusive.

Des actifs de combustibles fossiles en voie de disparition

L'analyse de la situation actuelle rejoint celle des écologistes les plus convaincus : les risques de discontinuité majeure et de changement climatique galopant résultent des conséquences irréversibles provoqués par les records de concentration de gaz à effet de serre1. Pour autant, la part des combustibles fossiles reste autour de 80 % et les allégements fiscaux et subventions dont ils bénéficient ont représenté en 2015, 373 milliards de dollars selon l'OCDE ; les subventions agricoles qui soutiennent une production alimentaire néfaste pour le climat s'élèvent à 620 milliards de dollars par an.

Elément nouveau et essentiel, le rapport souligne que les actifs de combustibles fossiles susceptibles d'être réduits à néant représentent 12 billions de dollars d'ici 2035 soit 12.000 milliards de dollars, ce qui implique un coût de couverture colossal. Par comparaison, les actifs hypothécaires échoués qui ont déclenché la crise de 2008 ne s'élevaient qu'à 250 milliards de dollars ! Ce risque de crise financière majeure liée à la déperdition des actifs fossiles n'avait jamais été mis en lumière de manière aussi crue.

Faire évoluer la notion d'infrastructures

Les propositions de la Commission sont nombreuses et très orientées autour des questions financières. Elle propose d'investir 90 billions de dollars dans les infrastructures, celles-ci n'étant plus définies comme par le passé, uniquement comme des routes ou des usines, mais aussi comme la reconquête des sols, l'eau et la lutte contre la déforestation. Ces 90 billions de dollars pourraient non seulement nous donner une chance de limiter l'augmentation de la température moyenne en dessous de 2°, mais encore de générer un gain économique de 26 billions de dollars jusqu'en 2030 et la création de 65 millions d'emplois. Il pourrait également éviter 700.000 décès prématurés dus à la pollution de l'air par rapport au maintien du statu quo. Le rapport propose une nouvelle ère de croissance économique définie comme forte, équilibrée inclusive qui repose sur une interaction entre une innovation technologique rapide, l'investissement durable dans les infrastructures et l'augmentation de la productivité des ressources.

Un rapport, trois point essentiels

L'intérêt de ce rapport réside dans les très nombreux indications chiffrées qui sont données, dans les bonnes pratiques qui existent déjà dans le monde, et surtout dans une approche très financière du sujet et donc très concrète pour le monde des affaires.

Cinq grandes thématiques sont retenues autour de l'énergie, des villes, du capital naturel et de l'alimentation, de l'eau et de l'industrie et en particulier de l'économie circulaire .Pour chacune de ces thématiques, un état des lieux nourri à la fois d'exemples, de chiffres de coûts liés à la dégradation et de chiffres d'avantages liés à la transition est suivi de propositions de mesures parfois peu précises mais le plus souvent orientées autour de choix d'investissements. Si, en effet, certaines propositions sont proches du "yaka faukon", le rapport est innovant dans la mesure où il fonde une transition rapide sur l'intérêt financier immédiat ou à long terme, l'intérêt financier à long terme devenant une contrainte en raison de la transparence dans l'exposition aux risques de toute nature. Le second intérêt considérable de ce rapport tient à la valeur donnée au capital naturel et au fait que l'arrêt de la déforestation et la reconquête des terres dégradées devienne des investissements d'infrastructures centraux. Enfin, le troisième intérêt est de mettre la personne humaine au centre du dispositif en recherchant l'inclusion, la lutte contre les inégalités (au moins au niveau national) et en prévoyant des mesures spécifiques pour les plus vulnérables.

Les mesures phares proposées

Mesures économiques

1/ fixation d'un prix pour le carbone de 40 à 80$ la tonne d'ici 2020 avec une trajectoire prévisible allant jusqu'à 100$ en 2030.

2/ suppression progressive de toutes les subventions fossiles, de toutes les subventions agricoles nocives d'ici 2025.

Mesures de transparence et de comptabilité

1/ obligation pour les entreprises d'assurer la transparence sur les risques climatiques et la compatibilité de la stratégie des entreprises avec l'accord de Paris.

2/ méthodologie claire pour évaluer les risques climatiques dans les bilans et régir les garanties qu'ils acceptent. Le rapport propose une nouvelle pondération des risques climatiques, la création d'un "facteur pénalisant brun" dans les exigences des fonds propres des banques.

3/ mise en place par les grandes institutions financières d'une comptabilité faisant des infrastructures une classe d'actifs, intégrant la durabilité dans les définitions de base et dans l'élaboration des outils nécessaires pour soutenir la mise en œuvre et approfondir les pools de financement vert.

Réorientation des investissements dans des infrastructures durables et en particulier naturel

1/ abandon des investissements à forte intensité de carbone2

2/ faire de l'investissement dans les infrastructure durables le moteur centrale de la nouvelle approche de croissance : cela concerne les bâtiments ,les systèmes de transport d'énergie des villes. Mais, cela concerne surtout la lutte contre la déforestation (qui constitue le troisième émetteur de gaz à effet de serre du monde après la Chine et les États-Unis) et la réhabilitation des terres dégradées

3 / Reconnaissance de la valeur de l'environnement naturel

4/ mise en place de stratégies de gestion intégrée cohérentes pour définir les infrastructures durables. L'ampleur et la qualité des critères de durabilité doivent être intégrés de manière explicitent dès le début( voir à cet égard la bonne pratique de l'autorité néerlandaise des infrastructures publiques)

Développement de la coopération internationale et de l'innovation

1/ mise en place de plates-formes nationales de coopération entre entreprises et entre pays et des actions collectives régionales et mondiales3.

2/ mobilisation de 100 milliards de dollars par an pour les pays en développement d'ici 2020,

3/ exploiter au maximum le pouvoir du secteur privé d'innovation. Pour 2020, toutes les entreprises du fortune 500 devraient définir des objectifs scientifiques alignés avec l'accord de Paris. Pour les 10 premières entreprises mondiales de vente au détail, ce changement dans les types de produit pourrait se traduire par un pouvoir d'achat de près de 4 milliards de dollars en faveur d'une économie carbone.

Recherche d'une approche centrée sur les personnes

Une approche centrée sur les personnes est nécessaire pour permettre une croissance équitable et une juste transition ; la transition vers une économie décarbonée ouvre de nouvelles opportunités pour une croissance plus équitable . En particulier, la transition doit permettre aux travailleurs locaux de l'énergie de transférer leurs compétences à des emplois plus propres. Ainsi la Chine a créé un fonds de 15 milliards de dollars pour le recyclage la réaffectation et la retraite anticipée de cinq à 6 millions de personnes vivant du charbon.

En conclusion, le rapport est réaliste. Il reconnaît que des progrès ont été faits en matière financière : des sociétés financières responsables de plus de 86 billions de dollars d'actifs se sont engagées à désamorcer ou à supprimer les risques financiers liés au climat ; les obligations vertes devraient atteindre 250 milliards de dollars en 2018 avec une cible de 1 billion $ pour 2020. L'accord de Paris a conduit 450 entreprises de tous les grands secteurs à s'engager à fixer des objectifs scientifiques compatibles avec les 2°. Mais tout cela va trop doucement. On ne peut qu'espérer que nombreux soient les décideurs politiques, économiques et financiers qui prennent connaissance de ce rapport et acceptent de mettre en œuvre ces mesures phares qui ne résoudront sans doute pas tous les problèmes mais permettront d'accélérer incontestablement la transition économique et écologique.

 

Avis d'expert proposé par Corinne Lepage, Avocate à la Cour - SAS Huglo Lepage Avocats et Co-présidente du Mouvement des entrepreneurs de la nouvelle économie (MENE)

1 Les inondations en 2017 ont fait 6.200 victimes. Le maintien du statu quo pourrait signifier plus de 140 millions de migrants climatiques d'ici 2050 selon la Banque mondiale. La pollution de l'air due largement aux combustibles fossiles entraîne plus de 4,2 millions de décès prématurés par an et 350 milliards de dollars en perte de productivité et impact sur la santé. Le rapport évalue à 5% , voire plus, leur impact sur le PIB de Pékin, São Paulo ou Bangkok.
2 Exemple de la ville de New York qui s'était parti de son fonds de 180 milliards de dollars des compagnies combustibles fossiles. 7 compagnies d'assurances se sont engagées à cesser de garantir les entreprises liées au charbon.
3 Le rapport souligne le rôle majeur des banques de développement qui financent aujourd'hui 50 milliards de dollars par an. Les exemples de bonnes pratiques ne manquent pas l'avion solaire international qui réunit 121 soleil, le mouvement R100 + qui regroupe 140 entreprises engagées pour les énergies renouvelables à 100 %, 100 multinationales engagées en faveur de de véhicules 100 % électriques et 450 autres engagées à développer les objectifs scientifiques pour gérer leurs émissions.

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2 Commentaires

Albatros

Le 02/10/2018 à 15h54

C'est quoi un "billion" de dollars ?
Je ne peux pas m'empêcher de trouver suspecte la présence du dirigeant d'Unilever dans ces "lanceurs d'alertes"... Au moins autant que le caractère "intergouvernemental" du Giec, qui dit ce que les gouvernements lui disent de dire, à savoir ce qui permet un certain contrôle des populations et des opinions (pendant qu'on s'alarme là-dessus, on ne pense pas à mal puisque c'est la "Vertu"...)
Un décryptage, peut-être ?
Surtout quand on sait que la demande financière pour traiter des problèmes comme l'assainissement des grandes villes du Sud est très modeste en comparaison avec les "billions" de l'avocate (qui n'oublie pas ses intérêts très prosaïques - faut bien faire fonctionner la petite entreprise).
Et merci de ne pas me traiter de "négationniste" car je ne remets rien en question sur l'état de notre environnement...

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DAOUD

Le 02/10/2018 à 20h17

Bonsoir ! la solution de la lutte contre les dérèglements climatiques, soucis majeur du jour, dont la déforestation, réside dans le reboisement par la création de puits de carbone pour ses effets sur la nature, ce qui favoriserait une meilleure pluviométrie et pourquoi pas le retour aux quatre saisons!!

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