De telles mesures sont nécessaires pour s'assurer que les conséquences négatives à court terme de la hausse des prix des denrées alimentaires n'affectent pas de façon encore plus alarmante les plus pauvres, a averti M. Jacques Diouf, Directeur général de la FAO, organisatrice du Forum mondial.
M. Diouf a également rappelé que les prix des denrées alimentaires au niveau mondial ont bondi de 45 % sur les neuf derniers mois entraînant de sérieuses pénuries de riz, de blé et de maïs.
Si d'après la FAO, la production céréalière mondiale de 2007 aurait atteint 2.125 milliards de tonnes, soit plus que les estimations précédentes et en hausse de 6 % par rapport au niveau de 2006, la sécurité alimentaire est mise à rude épreuve par la forte hausse des cours des produits agricoles provoquées à la fois par des stocks mondiaux à leur plus bas niveau historique, des sécheresses et des inondations dues au changement climatique, une consommation plus grande de viande et de produits laitiers dans les économies émergentes mais aussi le coût plus élevé de l'énergie et du transport et enfin, une demande croissante pour la production d'agrocarburants de première génération.
En effet, une utilisation de plus en plus grande est faite des céréales, des plantes sucrières, et des graines oléagineuses pour produire les combustibles de substitution que sont l'éthanol et le biodiesel. Ce mouvement de conversion conforte non seulement les prix des productions végétales, mais aussi, bien qu'indirectement à travers la hausse du coût des aliments du bétail, ceux des productions animales, avait précisé un rapport publié le 4 juillet dernier par la FAO et de et l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).
Selon ce rapport intitulé les Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO 2007-2016, les volumes d'oléagineux (principalement de colza) destinés à la production de biocarburants devraient passer d'un peu plus de 10 millions de tonnes à 21 millions de tonnes au cours de la même période dans l'Union européenne. Au Brésil, la production annuelle d'éthanol devrait atteindre quelque 44 milliards de litres d'ici 2016, contre 21 milliards de litres environ aujourd'hui.
La hausse des prix des denrées alimentaires préoccupe tout particulièrement un certain nombre de pays en développement devenus importateurs nets. Lennart Bage, président du Fonds international pour le développement agricole (FIDA), également présent au forum, a indiqué que dans ce contexte près de 40% de la population étaient sous-alimentés dans des pays comme le Bangladesh et la Zambie. L'explosion des prix touche les populations urbaines pauvres impliquant des coûts supplémentaires et une baisse de revenu pour les agriculteurs qui en ont besoin pour nourrir leur bétail.
Des manifestations et émeutes contre la hausse des prix alimentaires se multiplient partout dans le monde, notamment en Côte d'Ivoire ou encore au Mexique. Ce dernier dépendant des importations de maïs américain, se voit confronté à une diminution des disponibilités puisque la céréale est de plus en plus utilisée à des fins énergétiques aux États-Unis pour la fabrication de biocarburants. Rappelons que le maïs constitue, au travers des tortillas, l'alimentation de base des mexicains.
L'intérêt de ces carburants est d'ailleurs de plus en plus contesté notamment par les organisations écologistes qui dénoncent la déforestation accrue liée aux besoins d'espace pour ces nouvelles cultures qui concurrencent les plantations alimentaires et mettent en péril la biodiversité. En janvier 2008, plusieurs ONG dont Les Amis de la Terre, Greenpeace, Oxfam ont appelé à travers une lettre ouverte, le commissaire à l'Energie de l'UE Andris Piebalgs à introduire des normes plus strictes sur la production de biocarburants voire exclure l'utilisation des biocarburants dans les transports. Rappelons que la Commission européenne s'est fixée pour objectif de faire passer la part des biocarburants dans les transports à 10 % d'ici 2020. En France, CAP21, parti politique présidé par Corinne Lepage, a d'ailleurs demandé que soit mis en place en Europe un moratoire sur la production d'agrocarburant de première génération ainsi que sur l'importation de ces produits.
Parallèlement aux problèmes liés à cette concurrence entre alimentation et énergie, M. Diouf a souligné devant le Forum, l'importance d'augmenter l'investissement agricole dans les infrastructures et la maîtrise de l'eau et de faciliter l'accès des petits paysans aux intrants afin qu'ils puissent accroître leur productivité.
Selon M. Bage, président du FIDA, quelque 400 millions de petits exploitants agricoles pourraient grâce à ces investissements améliorer leur situation : mobilisation du potentiel sous-exploité, amélioration de leur nutrition et de leurs revenus, renforcement de la sécurité alimentaire nationale et de la croissance économique.