De l'autre côté du monde, à l'ouest de l'Antarctique, la plaque Wilkins s'est disloquée pendant les pourparlers. Cet événement rare rappelle que la fonte des pôles sera d'autant plus rapide que la chaleur augmentera sur la Terre. Un groupe de scientifiques a alerté, il y a quelques semaines lors d'une conférence à Copenhague, que les dernières observations confirment que le pire des scénarios du GIEC est en train de se réaliser. Les émissions ont continué d'augmenter fortement et le système climatique évolue d'ores et déjà en dehors des variations naturelles à l'intérieur desquelles nos sociétés et nos économies se sont construites, a affirmé le comité scientifique de la conférence. Les prévisions du GIEC anticipent une hausse des températures comprises entre 1,1 °C et 6,4 °C à la fin du siècle par rapport à la période préindustrielle. Stefan Rahmstorf a présenté une étude selon laquelle le niveau des océans pourrait augmenter dans une fourchette de 75 cm à 190 cm d'ici à 2100. Bien au-delà des prévisions du GIEC allant de 18 cm à 59 cm.
Dès lors, les Principes Climat et les Principes Carbone, qui constituent les deux seules initiatives collectives prises à ce jour par les banques internationales pour lutter contre les changements climatiques, paraissent bien dérisoires. Ils ne représentent que des efforts pour accommoder le business as usual. Le nouveau rapport de BankTrack, intitulé « Meek Principles for a Tough Climate » analyse les forces et faiblesses contenues dans ces deux déclarations de principes, toutes deux lancées l'an dernier. Johan Frijns, coordinateur du réseau BankTrack, explique : BankTrack apprécie le fait que les signataires des Principes Climat et Carbone reconnaissent qu'ils doivent participer à la lutte contre les changements climatiques. Etant donné les impacts climatiques énormes du secteur financier via l'allocation de capitaux et d'investissements, il est absolument nécessaire de mettre en place des standards climatiques pour tout le secteur financier. Malheureusement, les Principes Climat comme les Principes Carbone sont très décevants. S'ils contiennent tous les deux des éléments utiles, aucun ne s'attaque aux risques climatiques induits par les financements bancaires avec la rigueur, l'urgence et l'ambition nécessaire.
Même discordance dans les plans de relance européens et étatsunien. Commandée par le WWF et par E3G, une étude réalisée par Ecofys et Germanwatch révèle une incapacité à s'éloigner de choix d'investissement fortement carbonés et à faire le pari des nouvelles technologies vertes. Sur les quinze pays ayant rendu public un plan de relance, seulement cinq et l'Union européenne comportent les données nécessaires pour permettre une analyse de leurs dépenses en matière de mesures de lutte contre les dérèglements climatiques. Cette absence de transparence ouvre la porte à des risques de greenwashing en surévaluant la portée réelle des plans de relance dans le domaine du développement des technologies propres. A contrario, les données collectées – quand elles existent – révèlent que dans le pire des cas, les investissements à forte intensité carbone sont supérieurs aux investissements à faible intensité. L'évaluation du plan de relance français fait une part nette des investissements favorables à la lutte contre les changements climatiques de 6,2% du total. Le WWF et EG appellent donc les pays à mieux détailler l'impact environnemental des plans de relance et à s'assurer que les investissements contribuent à accompagner la transition de l'économie vers un modèle économique décarboné plutôt qu'à l'empêcher, comme c'est le cas pour le moment du G 20, dont la déclaration finale célèbre le business-as-usual.
Reste à espérer que les négociations climatiques, dont la conférence de Bonn vient de conclure une étape intermédiaire, aboutissent à l'adoption d'objectifs chiffrés de réduction des gaz à effet de serre. C'est ce qu'a annoncé le négociateur américain Todd Stern, évoquant l'engagement des Etats-Unis à réduire leurs émissions en 2020 à leur niveau de 1990, soit une baisse d'au moins 17%. Tout dépend maintenant de la célérité du Congrès américain à boucler le nouveau dispositif législatif qui entérinera ces objectifs, avant ou après le sommet sur les changements climatiques de Copenhague, en décembre prochain. Les moyens ne devront pas annuler les fins : le recours généralisé au marché du CO2 plutôt qu'à une taxe carbone risque d'avoir un nouvel effet pervers qu'il faudra anticiper : l'émergence de subprimes carbone, dès lors que les quotas seront soumis au marché de la spéculation.