Par une décision du 30 janvier 2013 (1) , le Conseil d'Etat a précisé les conditions dans lesquelles un établissement commercial pouvait se voir reconnaître la qualité de tiers lui permettant de contester une autorisation d'exploiter une installation classée (ICPE). Cette décision, qui porte sur les possibilités de recours des personnes morales, vient utilement compléter un arrêt du 13 juillet 2012 (2) par lequel le Conseil d'Etat s'était prononcé sur l'intérêt à agir des personnes physiques dans le même contentieux spécial des installations classées.
Recours d'un établissement commercial voisin
Les faits de l'espèce étaient les suivants. La société N. B. avait reçu l'autorisation préfectorale d'exploiter un centre de broyage de clinker (3) situé sur le port autonome de Dunkerque. La société H. F. exploitant une installation de broyage de produits minéraux située également sur le territoire du port a demandé l'annulation de cet arrêté, invoquant les nuisances de l'installation, devant le tribunal administratif de Lille, qui a rejeté la demande. Elle a en revanche obtenu gain de cause devant la cour administrative d'appel de Douai. La société N. B. s'est alors pourvue en cassation devant le Conseil d'Etat.
L'article L. 514-6 du code de l'environnement (4) relatif au contentieux des ICPE prévoyait dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté litigieux que "les décisions prises en application des articles L. 512-1 (…) [pouvaient] être déférées à la juridiction administrative (…) par les tiers personnes physiques ou morales, les communes intéressées ou leurs groupements, en raison des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l'installation présente pour les intérêts visés à l'article L. 511-1".
Intérêt suffisamment direct
Le Conseil d'Etat affirme que la qualité de tiers recevable à contester devant le juge une autorisation d'exploiter délivrée à une entreprise, "fut-elle concurrente", ne peut être reconnu à un établissement commercial que dans les cas où ces inconvénients ou dangers sont "de nature à affecter par eux-mêmes les conditions d'exploitation de cet établissement commercial".
Le juge administratif doit donc vérifier si l'établissement justifie d'un intérêt "suffisamment direct" compte tenu "des inconvénients et dangers que présente pour lui l'installation classée, appréciés notamment en fonction de ses conditions de fonctionnement, de la situation des personnes qui le fréquentent ainsi que de la configuration des lieux".
En l'espèce, le Conseil d'Etat censure la décision de la cour administrative d'appel de Douai qui, pour reconnaître l'intérêt à agir de la société H. F. s'était contentée des allégations de cette dernière. Allégations selon lesquelles l'autorisation délivrée concernait un terrain mitoyen du sien et portait atteinte à la commodité du voisinage, à la santé, la sécurité et la salubrité publiques, notamment du fait des nombreuses nuisances générées par l'augmentation du trafic routier.
Réglant l'affaire au fond, la Haute juridiction dénie à la société H. F. la qualité de tiers justifiant d'un intérêt à agir. Il résultait en effet de l'instruction que son établissement n'était pas mitoyen de l'installation contestée mais distant de plusieurs centaines de mètres, que l'augmentation du trafic routier était minime et que ni les émissions de poussières, dont elle était d'ailleurs protégée, ni aucun autre danger ou inconvénient présenté par l'installation de la société N. B. n'était de nature à affecter "par eux-mêmes" les conditions d'exploitation de la société.
Délai de recours d'un an
Cette décision est fondée sur l'article L. 514-6 du code de l'environnement dans sa rédaction en vigueur en 2006. La solution apportée par le Conseil d'Etat reste toutefois valable pour les contentieux ultérieurs dans la mesure où la rédaction des dispositions en question n'a pas changé. On rappellera, en revanche, que les dispositions réglementaires (5) auxquelles renvoie aujourd'hui l'article L. 514-6 (6) prévoient un délai de recours des tiers d'un an, contre quatre auparavant.