Dans un rapport (1) publié le 4 novembre, le Centre commun de recherche européen (JRC) a alerté du "risque de pénurie" en 2020-2030 de huit métaux stratégiques utilisés dans les technologies énergétiques à faible émission de carbone identifiées dans le plan européen SET (2) adopté en 2008.
Ce rapport poursuit les travaux menés dans une précédente étude du JRC datée de 2011. Il s'appuie également sur les scénarios présentés en 2011 dans la feuille de route de l'UE "Energie 2050" visant la décarbonisation du système énergétique.
Le JRC identifie 12 métaux stratégiques "critiques et quasi-critiques" pour lesquels le développement des technologies énergétiques nécessitera de s'approvisionner sur le marché mondial, sur la décennie 2020-2030. Le risque de pénurie de ces matières premières, sujettes à la volatilité des prix, "provient de la dépendance de l'UE sur les importations (Chine, ndlr), de la demande croissante à travers le monde et des raisons géopolitiques".
Terres rares : le dysprosium "le plus à risque"
Parmi eux, huit métaux sont classés "à haut risque". Six sont des terres rares, indispensables notamment à la miniaturisation de technologies "préoccupantes". Elles sont utilisées pour les véhicules électriques, l'énergie éolienne et solaire ainsi que l'éclairage, souligne le JRC.
Il s'agit du dysprosium (Dy), du néodyme (Nd) et du praséodyme (Pr) utilisés pour fabriquer les aimants des génératrices éoliennes et des moteurs des véhicules hybrides et électriques. Auxquels s'ajoutent l'europium (Eu), le terbium (Tb) et l'yttrium (Y) qui servent dans les phosphores utilisés dans les ampoules, tubes fluorescents ou écrans de télévision, ainsi que le gallium (Ga) et le tellure (Te) de cadmium utilisés dans la production de cellules solaires.
Quatre autres métaux sont "quasi-critiques" : le platine (Pt) (catalyseur pour les piles à combustible), l'indium (In) (composant de cellules solaires), le graphite (C) (fabrication de piles alcalines et lithium-ion pour les véhicules hybrides et électriques) et le rhénium (Re) (alliage de turbines). Les conditions du marché pour ces métaux "doivent être surveillés au cas où ils se détériorent. Ce qui augmente le risque de goulots d'étranglement de la chaîne d'approvisionnement", préviennent les chercheurs.
Le dysprosium a été identifié comme étant "le plus à risque" parmi les terres rares. L'UE devrait exiger 25% de l'offre mondiale en 2020-2030 pour répondre à la demande de l'Union pour les véhicules hybrides et électriques et les éoliennes, table le JRC.
La demande européenne de lithium est, elle, estimée à près de 15% de l'offre mondiale tandis que celle du graphite est à 10% pour les batteries des véhicules électriques.
Autosuffisance européenne : possible ou pas ?
Augmenter l'offre primaire, favoriser le recyclage et la substitution des terres rares sont préconisés par le JRC pour limiter les risques de pénurie. Comment ? "De nombreuses initiatives" sont en cours permettant de réduire les coûts de ces métaux. Pour le gallium et le tellure (cellules solaires), les données indiquent que l'Europe dispose déjà d'un certain degré d'autosuffisance mais "des opportunités peuvent exister pour créer de nouvelles raffineries pour stimuler la reprise de ces matériaux", indiquent les chercheurs.
Des "améliorations significatives" ont déjà été réalisées en matière de recyclage (3) des flux de déchets post-industriels dans la fabrication d'aimants ou de semi-conducteurs, souligne le JRC. Ainsi, les taux de recyclage pour le néodyme, le praséodyme et le dysprosium (utilisés pour les aimants) sont compris entre 1 et 10%. Tandis que pour le gallium (cellules solaires), ils sont de l'ordre de 10 à 25%. En revanche, les taux de recyclage s'élèvent à moins de 1% pour l'yttrium, l'europium et le terbium utilisés pour les luminophores pour l'éclairage.
Pour certains matériaux, il est également possible "de réduire l'utilisation d'un métal particulier ou le remplacer complètement". Par exemple, afin de limiter l'usage du néodyme ou du disprosium, les moteurs à aimant permanent peuvent être remplacés par des moteurs supraconducteurs (niobium…). D'autres matières à propriété magnétique, comme le samarium allié au cobalt, peuvent être une alternative au néodyme "en termes de performance" d'aimants. La lampe à diode électroluminescente (LED) peut aussi être une alternative à la technologie d'éclairage à phosphore permettant de limiter l'utilisation du terbium et de l'europium.
Le JRC préconise d'accélérer la R&D en matière de stockage stationnaire d'énergie notamment. "Il existe de nombreuses stratégies d'atténuation des risques disponibles mais une combinaison d'actions est requise de la part des gouvernements et des industriels", estime le JRC.