Début novembre, l'Office franco-allemand pour la transition énergétique (Ofate), organisait une conférence sur le développement des grandes centrales photovoltaïques au sol. A cette occasion, les professionnels ont dressé un état des lieux et formulé leurs doléances. Ils estiment que la taille des parcs doit croître pour assurer de bonnes conditions économiques. La France, expliquent-ils, doit se préparer à accueillir des installations de très grande taille si elle souhaite atteindre les objectifs inscrits dans les programmations pluriannuelles de l'énergie (PPE) actuelle et à venir.
Le coût des cellules n'est plus le sujet
Les grandes centrales photovoltaïques au sol sont un enjeu majeur du développement du photovoltaïque en France. Actuellement, elles représentent 38 % de la capacité photovoltaïque installée en France, explique Sven Rosner, directeur de l'Ofate. Ce n'est probablement qu'un début, puisque les ambitions des géants de l'énergie devraient accentuer le mouvement. Aujourd'hui, l'ensemble des installations photovoltaïques françaises atteint 8,5 gigawatts (GW). Engie veut porter son parc à 2,2 GW à l'horizon 2021, Total veut installer 10 GW sous 10 ans et EDF 30 gigawatts (GW) entre 2020 et 2035. EDF a été particulièrement clair lors de la présentation de son plan en décembre 2017 : l'entreprise mise essentiellement sur la construction d'installations au sol d'au moins 100 mégawatts (MW) pour bénéficier pleinement des effets d'échelle. L'entreprise explique ce choix par la nécessité d'optimisation de l'investissement (25 milliards d'euros) et des frais d'opération.
Au-delà des ambitions des grandes entreprises françaises de l'énergie, les porteurs de projets expliquent être confrontés à un paradoxe. La chute des prix des panneaux a fait sensiblement baisser le coût des parcs. En conséquence, les plus petits projets ne justifient plus les coûts annexes, en particulier de structuration des financements. "Aujourd'hui, le coût des cellules n'est plus le sujet : ce sont les coûts de développement, de financement et d'infrastructure qui sont déterminant", résume Marceau Leroux, responsable projets chez Enerparc. Dans ces conditions, les porteurs de projets souhaiteraient pouvoir développer de plus grands parcs pour atteindre des investissements plus conséquents. Mais pour répondre à cette attente, il faudrait revoir la réglementation.
Des centrales à la taille de la maille du réseau
Actuellement, les pouvoirs publics accordent aux grands parcs photovoltaïques un complément de rémunération sur la base d'appels d'offres. Mais seuls les projets de moins de 30 MW sont éligibles. C'est trop peu, disent en coeur les porteurs de projets. Quelle taille conviendrait ? Peu évoquent précisément leur souhait. "Il faut des centrales à la taille de la maille du réseau", élude Xavier Daval, directeur de kiloWattsol. Selon lui, le dispatching de RTE ne peut pas gérer une multitude de sites de "quelques mégawatts". Pour Felix Häusler, responsable des investissements de Encavis, des parcs solaires de 50 MW restent modestes. Aujourd'hui, constatant que "la maturité politique n'est pas encore au rendez-vous" en France, son entreprise étudie la construction de tels parcs aux Pays-Bas. En effet, les Hollandais accordent des soutiens financiers à ces projets, malgré la rareté du foncier.
Entre les lignes, on comprend aussi que des parcs de quelques centaines de MW sont envisagés par les professionnels. Ainsi, Xavier Daval évoque une centrale de 1 GW implantée en Asie : "ça ne se voit pas", assure-t-il. Pour autant, il ne plaide pas pour d'aussi grandes centrales en France, mais juge qu'"il faudra une, deux ou trois grandes centrales". Actuellement, la plus grande centrale française est celle de Cestas (Gironde), composée de 25 "petites" centrales de 12 MW (soit 300 MW au total).
L'alternative des contrats privés
En décembre 2017, le cahier des charges des appels d'offres a déjà été modifié, notamment pour augmenter la puissance maximale éligible. Celle-ci est passée de 17 à 30 MW. Aujourd'hui, la perspective d'une nouvelle hausse ne suscite pas l'enthousiasme des pouvoirs publics. "On considère que 1, 3 ou 10 MW sont déjà des grands parcs", explique Cédric Bozonnat, du bureau des énergies renouvelables au ministère de la Transition écologique. Il explique que les centrales de plus grande taille "peuvent obtenir des autorisations et se développer sans soutien public". En clair, il considère qu'aujourd'hui de tels projets pourraient voir le dans le cadre de contrats d'achat privés négociés avec de gros consommateurs (power purchase agreements, PPA).
Recourir aux PPA ? Pour l'instant ces contrats restent essentiellement limités aux parcs éoliens qui sortent du tarif d'achat. Pour autant, les professionnels du solaire regardent de près le sujet. Mais ils s'intéressent surtout aux projets en préparation à l'étranger. "L'Italie, l'Espagne, le Portugal discutent déjà de PPA depuis plusieurs mois grâce à des projets de plusieurs centaines de MW", explique Marceau Leroux. Dans ces pays de très grands parcs devraient être financés par ce biais. Mais ce développement des PPA s'explique surtout par la faiblesse du dispositif public de soutien. En France, le complément de rémunération accordé sur 20 ans offre de meilleures garanties qu'un PPA négocié sur cinq à dix ans…