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Actu-Environnement

Aéroport NDDL : la méthode de compensation des zones humides disqualifiée

Les trois commissions nommées par le gouvernement sur le projet d'aéroport de Notre-Dame-Des-Landes ont rendu leurs conclusions. Elles pointent les nombreuses insuffisances du dossier surtout en matière de compensation environnementale.

Aménagement  |    |  F. Roussel

La commission de dialogue, la commission agricole et la commission d'experts environnementaux, toutes trois mises en place par le gouvernement en novembre 2012 dans le cadre du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (NDDL), ont rendu leurs conclusions le 9 avril au ministère de l'Ecologie. Sans trancher clairement sur l'utilité ou non de poursuivre le projet, les commissions reviennent sur les points de blocage à lever pour renouer le dialogue entre opposants et partisans. Nouvelles études, alternatives, clarifications… de quoi assurer plusieurs mois de travail supplémentaires pour les maîtres d'ouvrage.

Côté impact environnemental du projet (1) , le comité d'expertise scientifique s'est penché sur la méthode de compensation environnementale envisagée par les maîtres d'ouvrage. Les centaines d'hectares requis pour le nouvel aéroport sont des zones humides, en tête de deux bassins versants ce qui nécessite la mise en place de compensations conformément à la loi sur l'eau. La méthode proposée pour le concessionnaire Vinci-Aéroport du Grand Ouest (AGO) et la DREAL (2) consiste à compenser les surfaces impactées non par la création de zones humides de même superficie mais par la création de zones capables d'assurer les fonctions des zones humides initiales au sein du bassin versant concerné : interception des pollutions diffuses, conservation de la biodiversité, régulation hydrologique des ressources en eau. Pour cela, la méthode consiste à évaluer les "besoins" de compensation découlant de la destruction des zones, et définir la "réponse" à apporter. Concrètement, AGO envisage de contractualiser avec des propriétaires fonciers pour maintenir certains milieux, en restaurer d'autres et en créer de nouveaux (mare, haies) de manière à "rembourser" en quatre ans 80% de la "dette écologique".

Mais les experts ainsi que la commission agricole (3) émettent des réserves quand à l'efficacité de la méthode et viennent ainsi confirmer les doutes émis par la commission d'enquête publique en octobre 2012.

L'insuffisance du dossier pointé du doigt

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S'ils tiennent à souligner "la difficulté et l'ampleur du travail mené par les maîtres d'ouvrage" et "la volonté d'innovation des acteurs", les experts estiment que la méthode "ne peut pas être validée en l'état". Incompatible avec les dispositions du SDAGE (4) Loire-Bretagne, trop complexe pour être comprise par les citoyens, incomplète car ne prend pas en compte le risque d'échec et les responsabilités associées, basée sur des coefficients de compensation insuffisamment justifiés… Telles sont les principales réserves évoquées.

Quand à l'application de la méthode au projet de NDDL, l'"insuffisance" en est le maître mot : insuffisance dans la caractérisation initiale de la biodiversité, dans l'analyse du fonctionnement hydrologique du milieu, dans l'engagement des maîtres d'ouvrage quant à l'obligation de résultat et le suivi à long terme des mesures de compensation. Les experts éprouvent par ailleurs une grande difficulté à "apprécier la faisabilité des mesures de génie écologiques proposées". Ils en concluent que "les réponses de compensation favorables aux zones humides sont surestimées, [vu] ce qui sera concrètement mis en œuvre sur le terrain". Des inquiétudes également exprimées par la commission agricole qui souligne qu'il n'est pas facile de mettre en œuvre des compensations qui peuvent être ressenties pénalisantes par le milieu agricole. Elle préconise d'étendre d'ailleurs la zone de compensation afin de garantir un taux de contractualisation des mesures compensatoires compris entre 8 à 10% des superficies, un chiffre "réaliste" selon elle.

Une fragilisation du projet

Les experts appellent à lever ces réserves avant de poursuivre le projet et suggèrent plusieurs améliorations aux maîtres d'ouvrage : caractériser rigoureusement et avec les mêmes méthodes l'état initial des sites impactés, appliquer avec la plus grande rigueur le principe ERC (Eviter, Réduire, Compenser) en privilégiant les étapes E et R, développer une méthode permettant de vérifier et contrôler la compensation, limiter l'emprise au sol du projet, se fixer des objectifs d'état final à atteindre à l'issue de la compensation…

Pour les associations de protection de l'environnement, les remarques exposées par les commissions viennent fragiliser un projet déjà fortement contesté. "Les remarques émises (…) sont insurmontables et seule une remise en cause globale du projet permettrait de les respecter" selon la fédération France Nature Environnement. FNE espère que le gouvernement "saura entendre raison et renoncer à ce projet". "Cette annonce serait un signe politique fort en cette période de débat et de futures lois sur la transition énergétique et la prise en compte de la biodiversité", estime la fédération.

La Fondation Nicolas Hulot demande de son côté l'arrêt immédiat de tous les travaux préparatoires en attendant le lancement d'études complémentaires impartiales. D'ailleurs, le WWF liste les études qu'il souhaiterait voir mener : la réalisation d'inventaires faune/flore complets, une étude du risque d'inondation que peut entraîner le projet sur les villages alentours, une évaluation des fonctionnalités hydrologiques des zones humides du site, une étude juridique des conséquences de ce projet sur le principe de compensation et de ses implications à l'échelle nationale.

Un projet fer de lance de la compensation écologique en France ?

Outre la polémique sur son utilité (voir video), ce projet de NDDL met en lumière un besoin de réflexion sur la compensation écologique en France. "Ce projet constitue l'un des premiers projets en France à devoir mettre en œuvre des mesures de compensation sur une superficie aussi vaste et aussi circonscrite dans l'espace", précisent les experts qui en appellent au ministère de l'Ecologie pour mener un travail approfondi sur cette question. Ainsi, ce projet d'aéroport, s'il est maintenu, ne pourrait-il pas servir d'expérimentation nationale en la matière ? Reste à voir dans quelle mesure les nombreuses recommandations proposées seront prises en compte et appliquées par les maîtres d'ouvrage du projet.

1. Consulter le rapport du comité d'expertise scientifique
http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_college_experts.pdf
2. Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement du territoire et du Logement, maître d'ouvrage de la desserte routière3. Consulter le rapport de la commission agricole
http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/NDdL%20rapport%20mission%20expertise%20agricole%20v11%20-%20080413.pdf
4. Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux

Réactions3 réactions à cet article

Un combat exemplaire ou l'argument écologique est employé en dernier recours contre un projet dont l'économie est d'entrée de jeu problèmatique.
C'est aussi un exemple transposable a n'importe quel grand chantier d'infrastructure qui soulève une opposition de principe.

ami9327 | 11 avril 2013 à 09h09 Signaler un contenu inapproprié

Cette phrase du rapport Brundtland est d'actualité : « Une entreprise industrielle peut fort bien se permettre de polluer l'air ou les eaux de manière inacceptable, simplement parce que les gens qui en souffrent sont trop démunis pour intenter une action en justice. On pourra détruire entièrement une forêt en abattant tous les arbres, simplement parce que les habitants n'ont pas d'autres solutions ou encore parce que les entreprises sont plus influentes que les habitants des forêts ».
Empêcher de telles dérives nécessite de donner des pouvoirs importants à des autorités compétentes, afin qu'elles ne subissent aucune pression de la part des gens ou des états les plus influents.

L’époque est révolue ou l'on se contentait de prévisions sur 30 ans ! Protéger la biodiversité répond à une urgence écologique, économique et sociale.
Notons qu’une espèce protégée doit être préservée dans son environnement pour exister. Peut-être considèrerait-on ceci comme un détail mais l’Homme n’en ferait-il pas partie, ne faudrait-il pas réintroduire les maître d'ouvrage de VINCI dans un milieu naturel pour qu’ils apprennent à le préserver... oubliant très vite le sens de la biodiversité. « une fois éteinte, une espèce ne se renouvèle plus jamais… »

ESPACE EUROPEEN MONTPELLIER | 11 avril 2013 à 10h36 Signaler un contenu inapproprié

Joli cas d'école!. reste à ce que le projet déjà enlisé puisse être enterré pour motif environnemental, ce qui serait pour ses promoteurs, un mal moindre qu'une simple impasse économique ou financière.

audaces | 11 avril 2013 à 10h42 Signaler un contenu inapproprié

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