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Actu-Environnement

Agréments emballages et papiers : comment répartir l'effort financier entre collectivités et éco-organismes ?

La rédaction des cahiers des charges des REP emballages et papiers touche à sa fin. La répartition de l'effort divise. Les éco-organismes devront-ils augmenter leur contribution ? Les collectivités devront-elles réduire leurs coûts ? Certains acteurs ont lancé des négociations parallèles.

Décryptage  |  Déchets  |    |  P. Collet
Environnement & Technique N°361
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°361
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La publication des cahiers des charges des filières de responsabilité élargie du producteur (REP) pour les emballages ménagers et les papiers approche. Attendus en juin, ils seront probablement finalisés en juillet. Pour les papiers, les discussions ont bien progressé. En revanche, elles sont plus difficiles pour les emballages. Ces dernières pourraient être prolongées, comme l'espèrent certains metteurs au marché qui négocient en parallèle les lignes directrices des futurs agréments avec certaines collectivités. Le sujet est épineux et, comme souvent, la question financière est centrale.

Quel équilibre entre économie et environnement ?

L'opposition des différents acteurs concerne la philosophie même du projet. Ce n'est pas nouveau, mais avec l'arrivée de la concurrence, les positions sont exacerbées. Du côté des postulants, le but est très clair : il faut atteindre les objectifs de recyclage tout en contenant les coûts de collecte et de tri. "Il faut réintroduire de la rationalité économique", résume Géraldine Poivert, directrice générale d'Ecofolio. L'éco-organisme a d'ores et déjà prévenu : il ne veut plus abonder un système qu'il juge inefficace. Pour améliorer le dispositif, les postulants estiment qu'il faut renforcer la collecte en ville en développant le tri fibreux-non fibreux et l'apport volontaire. Mais, à leurs yeux, le cahier des charges ne prend pas suffisamment en compte ces aspects.

Du côté des collectivités locales, les associations spécialisées sur les thématiques déchets ont une vision radicalement différente de la situation. "L'économie passe avant l'environnement", déplore Bertrand Bohain, délégué général du Cercle national du recyclage (CNR). Il estime que le projet d'agrément définit un système purement théorique et peu onéreux. Surtout, il exonère les éco-organismes de l'atteinte des objectifs légaux de recyclage. L'objectif de recyclage de 75% des emballages ménagers ? Actuellement, ce taux est de 67% et "le rythme actuel n'est pas bon", constate Nicolas Garnier, délégué général d'Amorce. Faute de sanction, les éco-organismes n'ont pas intérêt à "aller chercher" de nouveaux tonnages de recyclables, critiquent les deux associations. Pire, selon eux, en pointant les modes et schémas de collecte (1) des collectivités, jugés inefficaces et onéreux, les éco-organismes leur renvoient la faute.

Hausse de l'enveloppe et réduction de certains soutiens

Comme tous les six ans, le volet financier est donc l'un des principaux sujets de querelle. Actuellement, l'Etat envisage de faire passer de 640 à 712 millions d'euros l'enveloppe annuelle pour la période 2017-2022. "On ne peut pas augmenter en permanence le droit de tirage sur les metteurs au marché", avance Pascal Gislais, président de Valorie. Même point de vue chez Eco-Emballages, Philippe-Loïc Jacob, son président, "résiste fermement à une hausse de l'enveloppe". Et d'interroger : "Pourquoi cette inflation, alors qu'on peut améliorer le recyclage en optimisant le dispositif, en le rendant plus efficace avec ce qui est déjà disponible ?" Parce que l'objectif de recyclage des emballages n'est pas atteint, parce que des investissements doivent être réalisés pour étendre le tri à tous les plastiques et parce que l'enveloppe actuelle ne couvre pas les charges des collectivités, répondent les représentants des collectivités. Avec l'enjeu de la modernisation des centres de tri, faute de hausse sensible "la plupart des collectivités risquent de voir leurs financements baisser alors que le coût de la collecte et du traitement des emballages reste aujourd'hui à plus de 50% financé par les impôts locaux", explique le représentant d'Amorce, anticipant "un risque de décrochage des collectivités, mais aussi un risque sur les emplois liés au tri". Parmi ces acteurs, seule l'Association des maires de France (AMF) juge que l'enveloppe financière n'est pas le problème. "On perd du temps sur les enveloppes car il s'agit de calculs abstraits à partir d'hypothèses invérifiables", plaide Sylviane Oberlé, chargée de mission à l'association.

L'AMF considère que le vrai sujet est le barème qui détermine les soutiens en fonction des performances des collectivités. L'association s'oppose notamment à la baisse des bonus accordés aux collectivités qui atteignent entre 60 et 80% de taux de recyclage. Pour elle, il s'agit d'"un point dur", car cela pénaliserait les collectivités qui ont réalisé des efforts. Elle s'oppose aussi à la baisse rapide des soutiens à l'incinération et juge "la quasi disparition de ces derniers en six ans (…) trop rapide". C'est justement parce que l'enveloppe est insuffisante que le barème prévoit ces réductions, répond Amorce. "Tout est important : enveloppe puis barème, et tous les acteurs en ont parfaitement conscience", défend Nicolas Garnier. Car l'enveloppe étant insuffisante, l'Etat est contraint de proposer un barème défavorable aux collectivités locales. "Si l'enveloppe est correctement établie, la France se donnera les moyens de ses ambitions et les objectifs pourront être atteints", estime-t-il, plaidant pour un montant de 916 millions d'euros par an, "conformément à la loi Grenelle, à la définition de la REP établie dans le code de l'environnement et au chiffrage de l'Ademe".

Délégation du pouvoir de sanction ?

De la même manière, les parties prenantes voient dans le projet d'agrément la possibilité pour les éco-organismes de sanctionner les collectivités qui n'appliquent pas certaines incitations ou recommandations. Concrètement, le projet de cahier des charges consulté par Actu-Environnement précise que les éco-organismes "s'assurent [que le] contrat type prévoit que les collectivités territoriales s'engagent à mettre en place une démarche d'adoption d'un des schémas de collecte recommandés par l'Ademe (2) (…) au plus tard en 2025 [et] s'engagent à mettre en œuvre une comptabilité analytique". A terme, les collectivités réticentes seront-elles privées de financement faute de pouvoir contracter ? "C'est une légende urbaine", défend Eco-Emballages, pour qui les seules pénalités envisageables visent les metteurs au marché qui ne respectent pas certains critères environnementaux.

Les autres acteurs voient plutôt dans ces dispositions "un transfert des pouvoirs régaliens aux éco-organismes", pour reprendre les termes du délégué général du CNR. Les recommandations de l'Ademe et l'incitation à mettre en place une comptabilité analytique, prévue par la loi de transition énergétique, se muent en obligations. Or, la responsabilité élargie du producteur (REP) n'est pas un outil de contrôle des collectivités, "mais un outil inconditionnel de financement de la collecte et du traitement de tous les déchets issus des produits mis en marché", rappelle Bertrand Bohain. De la même manière, les éco-organismes pourront appliquer des sanctions aux metteurs sur le marché dans un certain nombre de cas. "Le cahier des charges gère des choses qui ne sont pas de son ressort", résume Sylviane Oberlé de l'AMF, qui juge "inacceptable" que l'Etat délègue son pouvoir de sanction. Du côté des nouveaux postulants à l'agrément, la tendance est tout aussi opposée. "Ce n'est pas le rôle des éco-organismes de sanctionner les collectivités ou les metteurs au marché", estime Natacha Kaniewski, chef de projet chez ERP. Quant au président de Valorie, il préfère la collaboration entre acteurs : "Ce n'est pas avec le bâton qu'on obtient des résultats, c'est au mieux inutile et au pire nuisible". Plutôt que de remettre en cause les schémas de collecte, Amorce insiste sur "une priorité" : clarifier et rationaliser, grâce au barème amont, les pratiques des metteurs au marché qui aujourd'hui multiplient librement les matériaux et demandent aux collectivités de recycler davantage et refusent d'augmenter les financements.

Des metteurs au marché font sécession

Dans ce contexte, des metteurs au marché (3) ont écrit à Manuel Valls pour lui dire tout le mal qu'ils pensent du projet d'agrément. Il "ne constitue en aucun cas un cadre approprié aux enjeux", expliquent-ils. La hausse de l'enveloppe "sans contreparties" transforme la REP en "un simple instrument financier, quasi parafiscal", critiquent-ils, dénonçant "une « étatisation » du dispositif". A leurs yeux, ce projet "n'est pas susceptible de recueillir l'adhésion de toutes les parties" et "n'est pas amendable". Et de demander son retrait sur-le-champ et la suspension des négociations jusqu'à la fin de l'été. A cette échéance, les signataires s'engagent "à présenter [au Premier ministre] le schéma directeur d'un cahier des charges innovant et ambitieux". Pour certains acteurs, les éco-organismes, qui ont perdu leur rôle central dans les négociations, seraient derrière ce courrier.

Toujours est-il que les signataires négocient actuellement avec l'AMF. "Amender un texte trouve ses limites", justifie Sylviane Oberlé, ajoutant qu'"il est plus simple de partir d'une feuille blanche". Toutefois, le but n'est pas de proposer "un cahier des charges à proprement parler, mais plutôt une vision commune". Les éco-organismes en place comprennent la démarche. Géraldine Poivert d'Ecofolio estime que "les négociations ont été marquées par des rendez-vous manqués". En l'occurrence, les éco-organismes sont absents de la table des négociations et les préoccupations financières des metteurs au marché n'ont pas été entendues. Même approbation du côté d'Eco-Emballages : "Parfois, il vaut mieux poser le crayon et reprendre la négociation à la base", estime Philippe-Loïc Jacob.

Evidement, cette démarche ne fait pas que des heureux. Les nouveaux postulants à l'agrément affichent une certaine prudence. ERP juge que reprendre tout le travail effectué jusqu'à maintenant risquerait d'allonger les négociations. Mais si les principaux metteurs au marché et l'AMF s'entendent, "comment le ministère peut-il l'ignorer ?", interroge Natacha Kaniewski. "Il ne s'agit pas de tous les metteurs sur le marché, mais d'un certain nombre", corrige le président de Valorie, qui s'interroge sur la représentativité des signataires. Pascal Gislais souligne que le principal metteur au marché signataire de la lettre est le représentant de l'alimentaire. Or, un bon agrément pour ce secteur ne l'est pas forcément pour les autres, explique-t-il.

Les critiques les plus vives viennent des associations spécialisées de collectivités. "Ca n'a pas de sens, c'est l'Etat qui rédige le cahier des charges et les parties prenantes y participent déjà en l'amendant", réagit Bertrand Bohain du CNR, rappelant que la tendance actuelle est marquée par la volonté de l'Etat de s'impliquer plus fortement dans la rédaction du cahier. La réaction d'Amorce est similaire : "L'Etat doit trancher et pour qu'un accord soit légitime, il faut que toutes les parties prenantes soient associées aux discussions", juge Nicolas Garnier.

1. Consulter notre dossier sur la collecte des déchets
https://www.actu-environnement.com/ae/dossiers/dechets-collecte/croisee-chemins.php
2. L'objectif est d'harmoniser les modalités de collecte séparée des déchets d'emballages ménagers et de papiers3. Il s'agit de l'Association nationale des industries alimentaires (Ania), de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), de la Fédération des entreprises de la beauté (Febea), de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad), de la Fédération des industries des peintures, encres, couleurs, colles et adhésifs (Fipec), du Groupement français des fabricants de produits à usage unique pour l'hygiene, la santé et l'essuyage (Group'Hygiène), de l'Institut de liaisons et d'études des industries de consommation (Ilec) et de l'Association technique du commerce et de la distribution (Perifem).

Réactions1 réaction à cet article

Si on considère que Sylviane Oberlé a été Numéro 2 à Amorce, puis Numéro 1 au CNR, puis responsable du département Environnement de l'AMF, on peut supposer qu'elle a une vision assez claire du problème et de la solution dans l'intérêt de tous.

L'environnement que nous allons léguer aux générations futures a déjà été suffisamment irresponsablement abîmé pour que des mesures énergiques soient prises sans tarder.

Il ne manque pas d'emplois de "dépollution" a créer ou développer pour les "victimes" de la suppression d'emplois peu ou prou éco-nuisibles encore foisonnants

Allant plus loin que le concept écolonomique (selon le néologisme inventé par l'ultra-pro-nucléaire patron d'EDF en 1975 Marcel Boiteux), il est urgent d'avoir un regard environomique associant les contraintes environnementales et économiques, les premières devant (éco)logiquement l'emporter si nécessaire sur les seconds qui nous ont menés où nous sommes malheureusement.

Sagecol | 30 juin 2016 à 06h33 Signaler un contenu inapproprié

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