BirdLife Europe, le Bureau européen de l'environnement (BEE) et Transport & environnement, trois ONG européennes, font état d'un rapport sur la comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre associées aux énergies issues de la biomasse (1) publié vendredi 16 septembre 2011 par le comité scientifique de l'Agence européenne de l'environnement (AEE). Selon ce document de 10 pages, le système actuel minimiserait les émissions réelles du recours à la biomasse énergétique.
Produire de l'énergie ou nourrir l'humanité
Le rapport de l'AEE indique explicitement que la réglementation européenne, qui considère les agrocarburants pour les transports et la biomasse pour la production électrique comme des énergies 'zéro émission', "commet une erreur majeure de comptabilité carbone" dont "les conséquences potentielles sont immenses".
Concrètement, le comité scientifique de l'Agence explique que les études prévoyant de recourir à la biomasse pour couvrir 20 à 50 % des besoins énergétiques mondiaux dans les décennies à venir, impliquent de tripler la récolte planétaire. Une telle hausse de la récolte "entrerait en compétition avec d'autres besoins, comme la fourniture en produits alimentaires à une population en croissance, et ferait peser une pression énorme sur les écosystèmes terrestres".
Ce faisant, le comité scientifique confirme les craintes émises par certaines ONG qui jugent que la biomasse ne peut être une solution à grande échelle, notamment si l'on prend en compte les changements d'affectation des sols indirects (Casi).
Quatre recommandations
Les scientifiques émettent donc quatre recommandations en matière de recours à la biomasse pour la production énergétique.
Tout d'abord, il convient de réviser les objectifs européens et la réglementation pour encourager le recours à la biomasse, uniquement lorsqu'on peut démontrer qu'il ne se fait pas en déplaçant les cultures productrices d'aliments ou de fibre.
Ensuite, la comptabilité carbone devrait "pleinement refléter tous les changements dans les quantités de carbone stockées par les écosystèmes".
Par ailleurs, la politique de production énergétique à partir de la biomasse doit encourager l'usage des sous-produits agricoles, des déchets et des résidus, sauf lorsqu'ils sont utiles au maintien de la fertilité des sols. Il s'agit "de faire la promotion d'une production de biomasse intégrée qui s'ajoute à, plutôt qu'elle ne déplace, la production alimentaire".
Enfin, les décideurs mondiaux devraient "ajuster leurs objectifs globaux de recours à la biomasse à des niveaux basés sur la capacité de la planète à produire de la biomasse supplémentaire sans compromettre les écosystèmes naturels".
Critères européens de durabilité
En juillet 2011, la Commission européenne a validé les critères de durabilité des agrocarburants sans prendre en compte le Casi dans les impacts environnementaux des agrocarburants. Elle admet cependant que la prise en compte du Casi pourrait ''atténuer les résultats'' du bilan carbone des agrocarburants.
La Commission doit par ailleurs remettre au Parlement européen d'ici la fin du mois un rapport sur le sujet et, le cas échéant, revoir la politique de l'Union européenne.
Il semble que pour les scientifiques de l'AEE, une telle révision s'impose.