Les filières envisageables
Plusieurs filières font l'objet de recherche. Une première vise à produire de l'éthanol à partir de plantes entières. Les végétaux réduits en bouillie sont hydrolysés par des microorganismes qui permettent l'obtention de sucre (glucose) qui est fermenté et à l'origine de la production de bioéthanol. Le premier enzyme commercial destiné à la production d'éthanol par la dégradation de la biomasse a d'ailleurs été dévoilé récemment.
D'autres recherches portent également sur la flore marine. Le projet SHAMASH par exemple, a pour objectif de produire à l'horizon 2010 un nouvel agrocarburant à partir de microalgues autotrophes. Ces microorganismes peuvent accumuler jusqu'à 50% de leur poids sec en acides gras, permettant d'envisager des rendements à l'hectare supérieurs d'un facteur 30 aux espèces oléagineuses terrestres. De plus, la culture de microalgues en serre à grande échelle n'a pas besoin d'apport de produit phytosanitaires et permet de maîtriser le cycle de l'azote et du phosphore en contrôlant le recyclage des éléments nutritifs. Cette option est aussi envisagée par la société Boeing qui travaille au développement d'agrocarburants composé d'un mélange de kérosène et d'agrocarburant développé à partir d'algues.
Enfin, une autre voie vise à produire du carburant gazole et du kérosène par une méthode thermochimique (filière BtL pour Biomass to Liquid). Cette filière comporte une succession d'opérations visant à produire un carburant de synthèse liquide à partir de la biomasse. Elle comporte trois grandes étapes : le conditionnement de la biomasse, la gazéification et le traitement du gaz de synthèse, et la synthèse du carburant. Certaines de ces opérations ont déjà été éprouvées dans un contexte industriel dans des projets utilisant comme matière première du gaz naturel (GtL) ou du charbon (CtL). En France, le projet Biocarb conduit par le CEA en coordination avec l'Institut français du pétrole (IFP) travaille sur ce sujet.
Biomass to liquid : un objectif coût / efficacité ambitieux
Selon les premières estimations, le bilan énergétique des agrocarburants de seconde génération serait supérieur à celui de ceux de première génération. D'après l'INRA et l'IFP, ils pourraient produire jusque 3 ou 4 unité d'énergie pour une unité consommée. Mais là encore, l'OCDE craint que la technologie ne soit pas économiquement viable : même avec des développements technologiques positifs il y a des doutes sérieux au sujet de la possibilité d'utiliser des résidus agricoles comme biomasse sur une grande échelle.
De nombreux travaux sont donc menés aux États-Unis et en Europe, avec comme objectifs majeurs de réduire les coûts de production pour pouvoir passer très vite à une production à grande échelle : aujourd'hui de l'ordre de 1 €/l équivalent pétrole pour les deux filières ; des cibles ambitieuses pour l'horizon 2010-2015 de 0,4 €/l équivalent pétrole pour l'éthanol et 0,7 €/l pour la filière BtL ont été fixées. À plus long terme, certains annoncent même pouvoir atteindre 0,5 €/l équivalent pétrole pour la filière BtL.
C'est dans ce contexte et dans le cadre de ses travaux de recherche sur la production d'agrocarburants de seconde génération à partir de biomasse lignocellulosique (bois, paille) par voie thermochimique (BtL – Biomass to liquid) que l'IFP vient d'installer une nouvelle unité pilote de torréfaction de la biomasse sur son site lyonnais, IFP-Lyon. Les premiers échantillons de biomasse traités à l'aide de ce pilote seront des plaquettes de bois.
Avec la pyrolyse, la torréfaction constitue l'une des deux voies envisagées comme prétraitement de la biomasse avant sa conversion en carburant liquide par gazéification et synthèse Fischer-Tropsch. La torréfaction consiste en un traitement thermique de la biomasse à 300 °C maximum, en l'absence d'oxygène et sous balayage d'azote. Elle permet de concentrer l'énergie dans le matériau et de rendre ce dernier plus facilement broyable pour une utilisation en poudre, explique l'organisme public de recherche tout en ajoutant que la technique réduit les coûts de broyage de la biomasse.
Ce nouveau moyen d'essais, capable de torréfier plusieurs lots de 20 kg de bois par jour permettra à l'organisme de poursuivre ses travaux dans le domaine de la torréfaction notamment dans le cadre du projet ANR TORBIGAP réunissant différents partenaires (CIRAD, CEA, ENGREF, UTC et CMI) mais aussi dans le cadre de collaborations scientifiques avec l'École des Mines de Saint Etienne ou l'Université de Pau.