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Agrocarburants : l'Europe valide une réforme timide

Le Parlement vient de valider l'accord conclu avec le Conseil au sujet de la révision des textes européens visant les agrocarburants. Le compromis, plutôt favorable aux industriels français, ne satisfait pas les ONG et certains eurodéputés.

Energie  |    |  P. Collet
Environnement & Technique N°348
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°348
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Mardi 28 avril, le Parlement européen a adopté en plénière l'accord informel conclu le 14 avril dernier entre Etats membres et législateurs sur le plafonnement de la production d'agrocarburants de première génération. Ces carburants, produits à partir de cultures vivrières, devront représenter 7% de la consommation énergétique finale dans les transports d'ici 2020, contre 10% dans la précédente législation adoptée fin 2008 dans le cadre du paquet Energie-Climat. Actuellement, le taux d'incorporation, exprimé en terme de contenu énergétique, est de l'ordre de 5%, avec cependant des disparités. La France est, par exemple, en tête pour l'incorporation d'ester méthylique d'huile végétale dans le diesel qui atteint déjà le taux maximal de 7%.

Ce vote satisfait la filière française du bioéthanol qui salue "le réalisme" du Conseil et du Parlement. En revanche, il s'agit d'un plafond "bien trop haut", selon les ONG France Nature Environnement (FNE), Oxfam, le Réseau Action Climat (RAC) et Peuples Solidaires.

Les Etats membres doivent encore valider la législation d'ici 2017, avant son entrée en vigueur. Ensuite, les Etats membres auront 18 mois pour fixer leur objectif national pour les biocarburants avancés dans la consommation énergétique totale des transports.

Le Parlement perd son bras de fer avec le Conseil

Concrètement, le vote des eurodéputés, notamment via l'abaissement du plafond d'incorporation des agrocarburants de première génération à l'horizon 2020, doit accélérer le passage à des agrocarburants de deuxième génération produits à partir de biomasse ligneuse, tels que les déchets agricoles.

Le nouveau texte prévoit aussi que les fournisseurs de carburant rapportent à la Commission européenne et aux Etats membres le niveau estimé des émissions causées par le changement indirect de l'affectation des sols (Casi ou Iluc). La Commission devra publier des données par rapport à ces émissions liées au Casi et devra présenter un rapport au Parlement européen et au Conseil sur la possibilité d'inclure des facteurs d'émission Casi parmi les critères de durabilité existants.

"Nous avons réussi à faire avancer un dossier très technique, technologique et idéologique", se félicite l'eurodéputé finlandais Nils Torvalds (ADLE), mandaté par le Parlement pour négocier avec le Conseil, soulignant cependant que l'Europe avait initialement "des objectifs beaucoup plus élevés". En effet, le texte proposé par la Commission en octobre 2012 prévoyait un abaissement de 10 à 5% du taux d'incorporation. De même, en février 2015, la commission Environnement du Parlement plaidait pour une législation plus stricte, défendant un taux d'incorporation de 6%. C'est finalement la position adoptée par le Conseil en juin 2014 qui l'a emporté. "Nous avons (…) le problème systémique de la minorité de blocage au Conseil, qui se transforme parfois en une dictature de la minorité, avec des Etats membres qui ont peur de l'avenir", a regretté l'élu finlandais.

La stratégie française préservée

Estimant qu'"il faut limiter le développement de ces agrocarburants aux conséquences néfastes sur l'environnement et la sécurité alimentaire des populations vulnérables", FNE, Oxfam, Peuples Solidaires et le RAC, jugent que "cette réforme en demi-teinte montre encore le manque de courage de l'Europe pour adopter de vraies solutions durables aux changements climatiques". Par ailleurs, les quatre ONG rappellent que "la France, important producteur d'agrocarburants, n'a pas voulu peser du bon côté de la balance, plus attentive au lobby industriel qu'aux enjeux environnementaux". Elles considèrent qu'il s'agit d'"un signal inquiétant en vue de la COP 21", alors que la France entend mettre en avant son exemplarité en matière de lutte contre les changements climatiques.

La question des facteurs Casi "est un point critique [car] ils ont été réduits à une simple déclaration des fournisseurs sans plus d'obligations de résultats", déplorent-elles, rappelant que ces critères "sont le nerf de la guerre pour évaluer l'impact climatique réel des agrocarburants". Quant aux agrocarburants de deuxième et troisième génération, leur développement, "alors même qu'aucune évaluation n'a été effectuée et que l'Union européenne ne fixe aucun critère de durabilité", pourrait aboutir à "réitérer les erreurs commises sur les agrocarburants de première génération".

Evidemment, le constat est bien différent du côté des industriels du secteur qui se félicitent que "Bruxelles clarifie enfin la feuille de route des biocarburants pour 2020". "Cette décision ne remet pas en cause la stratégie française en matière de biocarburants, comportant un objectif de 7% de biocarburants conventionnels, séparément dans l'essence et dans le gazole", explique la filière française du bioéthanol, rappelant "[être] leader en Europe avec 32% de la production". Des investissements à hauteur d'un milliard d'euros sur 10 ans sont en jeu pour les industriels, rappellent-ils. "Ce nouveau cadre doit inciter tous les pays européens à mettre rapidement en place cette essence contenant jusqu'à 10% d'éthanol, soit près de 7% en énergie", plaident les industriels.

En revanche, les industriels sont moins enthousiastes au sujet de la prise en compte des impacts liés au changement d'affectation des sols. La filière "prend acte" de la volonté de poursuivre les travaux européens sur le sujet. Enfin, elle "dénonce les nouveaux artifices comptables, les comptages multiples, qui gonflent la contribution de l'électricité renouvelable à l'objectif de 10% dans les transports".

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