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AccueilCatherine Banet/Sarah NatafSystème d'échange de quotas d'émission post-2012 : analyse du projet d'ordonnance

Système d'échange de quotas d'émission post-2012 : analyse du projet d'ordonnance

L'ordonnance visant à transposer les nouvelles modalités du système européen d'échange de quota va apporter de nombreux changements : un champ d'application élargi, des allocations par enchères. Tour d'horizon de ce qui attend les installations concernées pour 2013.

Publié le 04/04/2012

Le Ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement a récemment soumis à consultation publique trois textes visant à la révision du système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre news (SEQE). La révision s'opérera en France par l'adoption d'une ordonnance, d'un décret et d'un arrêté.

La nécessité de réviser le système d'échange post-2012

Depuis son commencement en janvier 2005, le SEQE n'a cessé d'être adapté afin de mieux servir ses objectifs et renforcer ce qui reste l'instrument central de l'Union Européenne en matière de lutte contre le changement climatique dans le secteur industriel. Le SEQE est le plus grand marché obligatoire du carbone au monde. Il est en œuvre dans plus de 30 pays européens (UE, Norvège, Islande et Liechtenstein) et est relié indirectement à plus de 140 pays par le biais des mécanismes de projet du Protocole de Kyoto. Il couvre plus de 11.000 installations en Europe. La dernière révision du SEQE adoptée au niveau européen dans le cadre du paquet énergie-climat de janvier 2007 fut endossée par le Conseil européen de mars 2007.

La révision du SEQE était devenue nécessaire afin de refléter les nouveaux engagements de l'Union européenne (UE) de réduire d'au moins 20% les émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020 par rapports aux niveaux de 1990 (voire 30% sous réserve de la conclusion d'un accord international global sur le changement climatique). Le champ d'application du système est donc étendu et la quantité de quotas alloués pour l'ensemble de l'Union diminuera de manière linéaire. La Commission a déjà fixé le "cap" à 2.039.152.882 de permis d'émissions pour l'année 2013 pour l'ensemble de l'UE. La révision vise également à améliorer le fonctionnement du SEQE afin de renforcer la crédibilité et la solidité du marché d'échange tout en préservant la compétitivité européenne, des faiblesses dont la Commission européenne ne se cache pas. La révision s'est concrétisée par l'adoption le 23 avril 2009 de la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil portant modification de la directive 2003/87/CE établissant un système d'échange de quotas d'émission dans la Communauté. La date limite de transposition de la directive dans le droit national des Etats membres est fixée au 31 décembre 2012.

Ce qui va changer sous la troisième période d'échange : champ d'application, méthodes d'allocation et registre

Un champ d'application élargi : la première des obligations définies par la directive 2009/29/CE concerne une extension du champ d'application du SEQE à de nouveaux secteurs et de nouveaux gaz. A partir du 1er janvier 2013, outre les installations classées et les exploitants d'aéronefs, les équipements et installations nécessaires à l'exploitation d'une installation nucléaire de base sont également concernés lorsque ceux-ci rejettent un gaz à effet de serre dans l'atmosphère et exercent une des activités visées par décret en Conseil d'Etat. Les secteurs de la chimie, pétrochimie et de l'aluminium sont incorporés. Sont également couverts les installations effectuant le captage, transport er stockage du CO2. Les transports routiers et maritimes ne sont en revanche pas encore couverts. Les gaz à effet de serre rejetés concernés sont définis par décret en Conseil d'Etat, ou comme tout autre composant gazeux de l'atmosphère, tant naturels qu'anthropiques, qui absorbent et renvoient un rayonnement infrarouge. En pratique, seront inclus, comme un minimum, le protoxyde d'azote et les perfluorocarbones. La France pourra inclure des activités et des gaz à effet de serre supplémentaires après accord de la Commission européenne.

En revanche, et conformément au texte de la directive, le projet d'ordonnance prévoit d'exclure du système certains établissements de santé, si ceux-ci ont fait l'objet de mesures permettant de limiter leurs émissions à un niveau correspondant à deux seuils cumulatifs. La France avait la faculté d'étendre cette exclusion aux petites installations de faibles émissions, mais l'a limitée aux seuls hôpitaux.

De nouveaux modes d'allocation des quotas

A partir de 2013, et en application de la Directive, la mise aux enchères devient le principe de base d'allocation, et les quotas gratuits l'exception. Le régime le plus restrictif s'applique au secteur de l'électricité pour lequel les producteurs seront obligés dès 2013 de recourir intégralement à la mise aux enchères pour l'achat de quotas. Pour les autres installations couvertes, la règle des enchères s'appliquera progressivement: en 2013, la part de quotas délivrés à titre gratuit est de 80 % du montant annuel calculé ; elle diminue progressivement chaque année pour s'établir à 30 % en 2020. L'objectif est d'atteindre une suppression totale des quotas gratuits en 2027. Les quotas sont délivrés par période de huit ans et selon de nouvelles modalités de calcul, la base d'affectation s'effectuant d'abord par sous-installations. Les quotas non délivrés gratuitement sont mis aux enchères. La mise aux enchères est effectuée par les Etats membres mais est soumise à des règles communes, tant pour les procédures d'enchère que pour l'utilisation des revenus par les Etats.

Une question centrale à ce jour est de savoir dans quelle mesure la France va utiliser les possibilités d'exemption et d'allocation de quotas gratuits lorsque cela est permis par la Directive. La France n'envisage pas d'exclure les petites installations comme mentionnées précédemment, mais d'autres pistes restent ouvertes. Ces dernières sont relatives :

  • aux quotas gratuits pour la modernisation de la production électrique ;
  • aux quotas gratuits ou autres formes d'aide alloués aux secteurs qui courent un risque de "fuite carbone". Ce risque est lié à un déplacement des investissements vers des pays non-soumis à une contrainte carbone et à une impossibilité de transférer l'augmentation des coûts de mise en œuvre dans le produit final. Bien qu'une liste de secteurs et de produits ait été fixée par la Commission, les Etats membres disposent d'une certaine marge de manœuvre. La Commission prépare notamment des lignes directrices sur les aides d'Etat qui pourront être attribuées à ces secteurs ;
  • aux projets situés sur le territoire français et qui pourront bénéficier du fonds démonstrateur européen "NER300" (New Entrants Reserve 300) pour le financement de projets de démonstration de technologies propres ;
  • aux projets domestiques réalisés en France et notamment ceux de reboisement.

Un gestion centralisée du registre

La directive prévoit une gestion plus centralisée du registre, afin d'assurer in fine un bon fonctionnement du marché et d'éviter de nouveaux cas de fraude (règlement 1193/2011 du 18 novembre 2011). Les opérations seront désormais comptabilisés au sein d'un registre de l'Union des quotas d'émission de gaz à effet de serre exclusivement encadré par des règlements européens, lequel remplace donc les registres nationaux. Les personnes non ressortissantes d'un Etat membre de la Communauté européenne ainsi que les personnes morales n'y ayant pas leur siège peuvent bénéficier de l'ouverture d'un compte.

Du souci des détails et du sens de la négociation pour un système cohérent

Dans la période d'incertitude actuelle liée, d'une part, au manque de cadre juridique international pour le climat, et, d'autre part, aux pressions financières et budgétaires qui menacent tant la compétitivité de l'industrie européenne que les investissements dans les technologies propres, la révision du SEQE est bienvenue tant elle offre une vision à court et moyen terme. Beaucoup d'éléments sont déjà fixés par le texte de la directive 2009/29/CE. Il reste toutefois d'importantes décisions à prendre – et donc à négocier – quant aux mesures nationales de mise en œuvre au cours des prochaines semaines. Le nombre de réponses reçues par la Commission à ses deux consultations sur les lignes directrices pour les aides d'Etat pour les secteurs exposés à un risque de "fuite carbone" révèle le niveau des enjeux. L'intérêt porté aux consultations publiques lancées par le Ministère en France ne devrait pas être moindre.

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4 Commentaires

Laurent Berthod

Le 05/04/2012 à 9h40

Ben dites donc, tout ça pour ça ! C'est-à-dire pour cette fumisterie (je devrais dire escroquerie intellectuelle) qu'est le RCA ! Les avocats vont être contents !

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Albatros

Le 05/04/2012 à 18h36

ETS est tout sauf un outil de lutte contre le changement climatique. Il profite aux escrocs, aux intermédiaires financiers et aux consultants de tous poils. Quelle naïveté de croire ne serait-ce qu'un instant que la réduction, voire la suppression, des émissions industrielles de l'UE (environ 12% des émissions industrielles mondiales) aura un quelconque effet sur le climat? Les allocations sont une prime de départ pour des industriels comme Mittal et une balle dans le pied des autres industriels européens exposés à la concurrence internationale.
Parmi ceux qui profitent de ce système j'avais omis les avocats.

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Danger prudent

Le 11/04/2012 à 12h01

Certitudes : hautement technocratique, faiblement transparent, facilement contournable, difficilement contrôlable, inaccessible pour la société civile, centralisé, hautement politique, extrêmement lié à l'argent.

Incertitudes: Le niveau de fuites, l'impact sur la délocalisation, l'impact sur la compétitivité, la véracité des déclarations faites par les entreprises (invérifiable en pratique,et dont la déclaration de départ à intérêt à être la plus mauvaise possible), le niveau de bonne volonté des acteurs, la visibilité d'ensemble de ce système afin de garder le cap sur l'objectif final.

J'ai comme un très mauvais pressentiment...

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Albatros

Le 11/04/2012 à 21h39

Une précision à la réaction précédente: les exploitants d'installations soumises à ETS sont coincés et ne peuvent falsifier les déclarations: une source fixe, un combustible et une durée de fonctionnement sont très aisément vérifiables. Je rejoins le fait que la déclaration de départ avait intérêt à être la plus forte émission mais ce ne fut le cas qu'en 2005. Dès 2008, les émissions réelles sont contrôlées.
L'UE ne réduit ses émissions directes que par la délocalisation quoi qu'on pense de l'honnêteté des industriels. Il n'y restera que les centrales électriques, les chaufferies urbaines, les hospices et les musées. Toute la production industrielle un peu lourde (l'acier pour fabriquer des éoliennes par exemple) sera délocalisée.

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