La députée socialiste Geneviève Gaillard a déposé le 29 avril sur le bureau de l'Assemblée nationale une proposition de loi (1) visant à accorder un statut juridique particulier à l'animal.
Une initiative parlementaire remarquable à un double titre. Tout d'abord, dans le sens où elle est cosignée par des parlementaires de tout bord qui vont de la députée écologiste Laurence Abeille à l'UMP Lionnel Luca en passant par l'ancien conseiller et secrétaire d'Etat de Nicolas Sarkozy, Frédéric Lefebvre. Il faut dire que la quasi-totalité des signataires sont membres du groupe d'études de l'Assemblée nationale sur la protection des animaux (2) .
Amendement voté de manière précipitée
Remarquable ensuite parce que cette proposition a été déposée malgré le vote le 15 avril dernier d'un amendement qui modifie le code civil afin de faire des animaux des "êtres vivants doués de sensibilité". Cet amendement, voté de manière précipitée dans un texte dont l'objet était la modernisation et la simplification du droit, n'a qu'une portée juridique limitée. Il permet d'harmoniser la rédaction du code civil avec celle du code rural et du code pénal, et de se conformer au droit européen. En revanche, il ne remet pas en cause le statut juridique de l'animal qui reste soumis au régime juridique des "biens" et qui reste dans la "sphère patrimoniale".
Cet amendement, à l'initiative de l'ancien ministre socialiste de l'Agriculture Jean Glavany, présente en revanche l'inconvénient ou le mérite selon où l'on se situe, de rendre beaucoup plus difficile l'adoption de cette nouvelle proposition de loi. Il permet ainsi d'éloigner la perspective d'adoption d'un texte plus ambitieux susceptible de conduire le Parlement à légiférer sur un potentiel changement de statut de l'animal avec toutes les conséquences juridiques que cela aurait pu impliquer.
Ne pas faire obstacle aux activités économiques ou de loisir
Alors que prévoit cette proposition de loi dont la perspective a, semble-t-il effrayé certains ? "Il n'est pas dans l'esprit de ce texte de faire de l'animal un sujet de droit", préviennent pourtant ses auteurs qui affirment que son objet principal est bien l'extension du caractère sensible à tout animal.
Ils affirment du même coup ne pas vouloir faire obstacle aux activités économiques ou de loisir, comme la production animale, la commercialisation, la chasse ou les pratiques sportives. "L'enjeu est de doter nos activités d'une éthique adéquate à la réalité scientifique de ce qu'est l'animal et à sa place actuelle aux vues de l'évolution du rapport homme-animal au fil du temps", affirment les députés. En effet, pour ceux-ci, il est devenu aujourd'hui "insupportable que des impératifs de rentabilité, de compétitivité puissent s'opposer à la prise en compte du caractère sensible de l'animal".
Mais, en même temps, l'ambition du texte semble aller au-delà d'une simple modification du code civil, à laquelle a d'ailleurs déjà procédé l'amendement Glavany. La proposition entend, comme le souligne l'exposé des motifs, prendre en compte "la modification du regard que porte notre société sur le vivant « non humain»".
Réflexion sur notre relation au monde vivant
"L'ère de l'animal ramené à une chose raisonne comme une imposture tolérée pour des raisons pratiques et une certaine facilité mais qu'il convient enfin de désavouer, en vertu du principe de réalité", explique de manière beaucoup plus ferme l'exposé de motifs. Et les députés de préciser : "l'engagement d'un débat public est un enjeu de société majeur qui s'inscrit dans la réflexion sur notre relation au monde vivant et notre considération à l'égard de l'universalité du vivant".
Cette proposition de loi fait aussi l'écho du colloque "Nous et l'Animal" organisé par le think tank Ecolo Ethik le 7 février dernier au Sénat, qui avait réuni le moine bouddhiste et philosophe Matthieu Ricard, le neuropsychiatre et éthologue Boris Cyrulnik et le paléoanthropologue Yves Coppens. Citant Gandhi selon qui "la grandeur et le développement moral d'une nation peuvent se mesurer à la manière dont elle traite ses animaux", le think tank, présidé par la sénatrice Chantal Jouanno et la magistrate Laurence Vichnievsky, avait affirmé son objectif de voir élaborer "une proposition de loi globale qui permettrait de tenir compte des avancées des connaissances scientifiques" et de soutenir "un nouvel élan des actions de l'Union européenne sur le bien-être animal".
Ouverture d'un débat public, avancées sur le bien-être animal… toutes choses qui peuvent faire naître des craintes chez certains professionnels, que le président de la FNSEA, Xavier Beulin, n'avait pas manqué de relayer aussitôt connu l'adoption du pourtant bien pâle amendement Glavany.