Réuni mardi 17 décembre, le Conseil national de la transition écologique (CNTE) a pris connaissance de l'avant-projet de loi relatif à la biodiversité. L'ensemble des documents présentés à l'instance consultative réunissant employeurs, syndicats, ONG et élus a été mis en ligne par Arnaud Gossement (1) , avocat spécialisé en environnement. Le dossier se compose de 14 éléments détaillant les différents titres du projet de loi ainsi que du projet d'avis soumis au CNTE.
Le projet de loi, qui "répond aux enjeux majeurs de la perte accélérée de biodiversité enregistrée au niveau mondial", avance le ministère de l'Ecologie, se compose de six titres. Le texte encadre notamment la gouvernance, la création de l'Agence française pour la biodiversité, les espaces naturels et la protection des espèces, ainsi que les paysages. Avec le titre dédié à la gouvernance ainsi que celui traitant de la création de la future Agence, la loi vise à "mettre en place une gouvernance partenariale", explique le ministère.
Les employeurs opposés
Pour certaines associations environnementales, le vote de l'avis relatif au projet de loi constituait un test. Il a finalement été adopté par 28 votes pour, neuf contre et une abstention. Le Medef, la CGPME, l'UPA, la FNSEA et les chambres d'agriculture, qui représentent les employeurs, ont demandé en vain un report du scrutin avant de voter contre, tout comme Force ouvrière, rapporte l'AFP.
Du côté des ONG environnementales, la satisfaction est de mise. "Nous sommes enfin dans une dynamique sur la biodiversité, même s'il y a encore des précisions à apporter au texte, qui va faire de la biodiversité un réel enjeu du droit de l'environnement", estime Matthieu Orphelin, porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot (FNH), précisant que le financement des nouvelles missions de l'agence reste encore à trouver. Un point de vue partagé par Christophe Aubel, le directeur de Humanité et Biodiversité, qui souhaite "un débat sur le financement, car la loi va étendre l'action à la biodiversité ordinaire, c'est-à-dire pas seulement aux aires protégées". Bruno Genty, le président de France Nature Environnement (FNE), considère pour sa part que "l'absence d'avis aujourd'hui aurait été dramatique, vu l'embouteillage législatif, cela aurait compromis l'adoption d'un texte en 2014".
Le principe de compensation fait débat
Globalement, l'avis adopté traduit la satisfaction du CNTE de voir "[mis] l'accent sur l'importance de l'humain et ses activités dans la préservation de la biodiversité", même s'"il souhaite (…) que les différents liens, y compris positifs, entre activité humaine et biodiversité soient plus clairement affirmés".
En revanche, certains aspects du texte sont nettement moins consensuels. Ainsi, l'avis explique que "la nécessité d'introduire de nouveaux principes en tant que tels dans le code n'est pas partagée par l'ensemble des membres du conseil". En cause ? L'introduction du principe de compensation, auquel "certains, essentiellement pour des questions juridiques, sont opposés".
Réorganiser les instances
Au chapitre "gouvernance", la loi propose de répartir entre deux instances diverses commissions traitant de la biodiversité. Un Comité national de la biodiversité (CNB) héritera des missions confiées actuellement à des instances telles que le Comité de pilotage stratégique de création d'aires protégées, le Comité national de suivi Natura 2000 ou encore le Comité de révision de la stratégie nationale biodiversité. Quant au Conseil national de protection de la nature (CNPN), il verrait ses attributions élargies avec l'ajout des compétences attribuées actuellement au Conseil national supérieur du patrimoine naturel et de la biodiversité.
"Le CNTE approuve l'orientation générale de créer deux instances différentes et articulées, l'une sociétale, l'autre scientifique et technique et salue l'effort de clarification apporté", indique l'avis, "il appelle à ce titre que soient lancées dès que possible les concertations sur la constitution de ces instances et la recherche d'une bonne coordination avec les autres instances". En revanche, il "regrette" que le champ de l'examen obligatoire "soit aussi restreint" et que le niveau départemental ne soit pas abordé dans ce projet de loi.
La chasse intégrée à l'Agence nationale de la biodiversité ?
S'agissant de la création de l'Agence nationale de la biodiversité, le CNTE "souhaite plus de lisibilité sur les missions". C'est le cas en particulier de la place de la biodiversité par rapport à l'eau, des enjeux de la biodiversité ordinaire ou des questions relatives au milieu marin. Par ailleurs, "le CNTE appelle à une vigilance particulière sur l'articulation sur le terrain des différentes missions, notamment celles de police et d'expertise".
S'agissant de la chasse, "une majorité de membres demande l'intégration de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage dans cette agence", ou a minima un rapprochement, qualifié d'"indispensable".
Quant aux moyens dont disposera l'Agence, le CNTE "appelle le Gouvernement à ouvrir rapidement le débat (…) en lien avec les débats sur la fiscalité en général et notamment écologique (…) et le dispositif de soutien aux projets d'investissement d'avenir". En terme de gouvernance, la création d'un collège dédié aux collectivités et le renforcement de la représentation du personnel sont réclamés.
Attentif au moins-values potentielles
En matière d'espaces naturels et de protection des espèces, le CNTE "approuve la volonté d'anticiper en mer les questions liées aux usages et à la prise en compte de leur impact", mais "souligne toutefois la nécessité de commencer, dès que possible, un travail sur les conditions de mise en œuvre des dispositions proposées".
De plus, il "appelle à une vigilance" concernant le rôle du Conservatoire du littoral si une compétence lui était confiée concernant les périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains (PAEN).
A noter que le CNTE affiche aussi des oppositions internes, notamment concernant les zones soumises à contraintes environnementales pour la biodiversité qui "ne font pas l'objet d'un consensus des acteurs [représentés en son sein]".
Enfin, le CNTE reconnaît qu'il convient de réviser la législation relative aux sites classés et inscrits. Néanmoins, il "souhaite que l'outil site inscrit soit conservé à l'avenir pour certains objets et s'inquiète du délai de 10 ans fixé pour lancer l'enquête publique de classement des sites qui le justifient". Et de demander au Gouvernement "que cette réforme n'apporte pas une moins-value sur la préservation de la biodiversité". Il affirme qu'il sera vigilant lors de la désinscription des sites dégradés de manière irréversible.