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AccueilViolaine du Pontavice et Clémence LevasseurLa place des éco-organismes sur les filières du réemploi et la sortie du statut de déchet

La place des éco-organismes sur les filières du réemploi et la sortie du statut de déchet

Si la loi Agec précise le périmètre d'action des éco-organismes, l'ordonnance associée n'apporte pas les clarifications escomptées en matière de sortie de statut de déchet, selon Violaine du Pontavice et Clémence Levasseur du cabinet EY Société d'Avocats.

Publié le 06/10/2020

Magasins d'achat en vrac, friperies, applications de vente de biens d'occasion… Depuis quelques années, de nouvelles tendances de consommation émergent, axées sur le « zéro déchet » et sur la vente de biens de seconde main. Elles révèlent notamment une prise de conscience sociétale de l'importance de diminuer la production de déchets pour préserver la planète.

La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire et l'ordonnance du 29 juillet 2020 relative à la prévention et à la gestion des déchets, sont, de ce point de vue, dans l'air du temps. Les dispositifs mis en place témoignent en effet du souci croissant du législateur de maîtriser le cycle de vie des déchets, d'un côté en prévenant leur production via un soutien à la filière du réemploi (recycleries, ressourceries et autres structures de l'économie solidaire) et, de l'autre côté, en simplifiant les modalités de sortie du statut de déchet.

Un point sur ces nouveautés s'impose pour savoir comment elles impactent l'organisation des filières du réemploi, de la réutilisation et du recyclage.

Le rôle réaffirmé des éco-organismes en matière de réemploi

La loi du 10 février 2020 s'est emparée de la question du réemploi et de la réutilisation1, en particulier dans son Titre 3, « Favoriser le réemploi et la réutilisation ainsi que l'économie de la fonctionnalité et servicielle dans le cadre de la lutte contre le gaspillage ». Les dispositions du Titre 4, dédié à « La responsabilité élargie du producteur », sont également essentielles pour appréhender les impacts de la Loi sur les acteurs de ce secteur.

En particulier, l'article 62 procède à une véritable « refondation2 » des principes de la responsabilité élargie du producteur (REP). L'objectif était à la fois de remédier au manque de clarté et d'harmonisation entre les différents régimes de REP et de transposer la directive 2018/851 du 30 mai 2018 qui a modifié la directive de 2008/98/CE relative aux déchets. Il réforme l'article L 541-10 du Code de l'environnement, lequel ne se limite plus à obliger les personnes concernées par la REP à « pourvoir ou contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent », mais détaille ces obligations, en précisant qu'elles impliquent notamment d'« adopter une démarche d'écoconception des produits, de favoriser l'allongement de la durée de vie desdits produits en assurant au mieux à l'ensemble des réparateurs professionnels et particuliers concernés la disponibilité des moyens indispensables à une maintenance efficiente, de soutenir les réseaux de réemploi, de réutilisation et de réparation tels que ceux gérés par les structures de l'économie sociale et solidaire ».

La conséquence directe de ce périmètre complété de la REP est la création concomitante d'articles dans le Code de l'environnement qui prévoient un contenu enrichi pour les cahiers des charges des éco-organismes (L 541-10, II / article 62 de la Loi) et l'obligation pour ces derniers et pour chaque producteur en système individuel de créer un « un fonds dédié au financement du réemploi et de la réutilisation » (article L 541-10-5 / article 62 de la Loi).

Concrètement, une fois que les cahiers des charges auront intégré ces nouveautés, ce champ d'obligations plus détaillé permettra de confirmer que les éco-organismes peuvent s'emparer de la question des produits et du réemploi, et qu'ils n'ont pas à se restreindre aux seules questions de réutilisation. En effet, cette thématique de la prévention des déchets était sujette à interprétation quant à la possibilité d'intervention des éco-organismes dans les filières de réemploi, comme c'est le cas pour la filière des déchets d'équipements électriques et électroniques ménagers et professionnels.

Une clarification attendue sur la sortie du statut de déchet

La Loi sur l'économie circulaire, si elle fait donc œuvre de clarifications sur le périmètre d'action des acteurs de la REP, nécessite des clarifications sur la « sortie de statut de déchet », que les dispositions de l'Ordonnance ne nous semblent pas avoir apportées.

En effet, l'article 115 de la loi et l'article 6 de l'ordonnance ont modifié l'article L 541-4-3 du Code de l'environnement qui détermine les conditions de « sortie explicite » du statut de déchet, en supprimant l'exigence de traitement du déchet en IOTA (Installations, Ouvrages, Travaux et Aménagements régis par la Loi sur l'eau) ou en ICPE (Installations Classées pour la Protection de l'Environnement). En cela, les dispositions reprennent une suggestion du gouvernement présentée en 2018 dans la Feuille de route pour l'économie circulaire (mesure 37).

Cette modification interpelle. D'un côté, certains s'insurgent contre l'abandon de ce critère, qui soumettait les acteurs de la réutilisation et du recyclage à la police des ICPE, assurant ainsi un certain niveau de sécurité sanitaire et environnementale. Or, en l'état, si l'article L 541-4-3 prévoit bien, dans sa nouvelle version, « un contrôle par un tiers, le cas échéant accrédité, dans certains types d'installations et pour certains flux de déchets », celui-ci n'est pas encore identifié. De l'autre, certains estiment que cette modification est la bienvenue, en précisant qu'elle allège les obligations des entreprises de ce secteur et qu'en tout état de cause, la nomenclature ICPE n'avait pas été pensée pour légiférer sur la sortie de statut de déchet3.

Outre ces interrogations sur le bien-fondé de cette suppression concernant la sortie explicite du déchet, il convient de constater que la Loi semble mettre fin à la « sortie implicite » du statut de déchet qui avait été introduite par un avis du ministère de l'Ecologie4, du Développement durable et de l'Energie du 13 janvier 2016.

En effet, comme mentionné ci-dessus, certains déchets peuvent sortir explicitement du statut de déchet en application de l'article L 541-4-3 du Code de l'environnement, lorsque cette possibilité est prévue dans un règlement européen ou un arrêté ministériel spécifiques 5à ce type de déchets et lorsque l'intégralité des critères fixés par le règlement européen ou l'arrêté ministériel sont respectés6 (et ce désormais sans passer par une ICPE ou une IOTA).

Or, pour les secteurs qui n'étaient pas encadrés par de tels textes, notamment celui du recyclage, certains se prévalaient de la notion de « sortie implicite » du statut de déchet.

A la lecture des dispositions du (II) 7et du (III)8 de l'article L 541-4-3, introduites par l'ordonnance, il apparaît qu'un cadre juridique est désormais prévu pour les structures telles que les recycleries. Si cet encadrement du process est sans aucun doute bienvenu, malheureusement il ne prévoit aucun contrôle de tiers.

La loi du 10 février 2020 et l'ordonnance du 29 juillet 2020 sont donc l'aboutissement d'un long travail de réflexion et ont d'ores et déjà apporté des précisions utiles, mais elles appellent encore des compléments, notamment sur les vérifications effectuées par des « tiers » et sur un nécessaire contrôle sur la filière du recyclage. Les décrets d'application à venir devront poursuivre le travail de clarification entamé.

Avis d'expert proposé par Violaine du Pontavice et Clémence Levasseur, avocate spécialiste du droit de l'environnement au cabinet EY Société d'Avocats

1 Pour rappel, ces deux termes, bien qu'ils désignent des opérations matériellement similaires, sont associés à des conséquences juridiques bien distinctes (voir à ce sujet l'article « Réemploi et réutilisation : quelles implications juridiques ? » du 6 février 2017, Actu-environnement). Le réemploi permet de donner une seconde vie au produit et est donc une démarche de prévention de la génération de déchets. La réutilisation, quant à elle, consiste en une intervention sur un déchet afin que celui-ci puisse être utilisé de nouveau comme produit. Malgré plus de dix ans d'existence, ces deux notions demeurent mal distinguées, comme en témoigne l'article 12 du projet d'ordonnance relative à la prévention et à la gestion des déchets qui associe la notion de réemploi aux déchets (projet soumis à consultation du 11/03/2020 au 20/05/2020. Voir http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/projet-d-ordonnance-relative-a-la-prevention-et-a-a2140.html ).
2 Etude d'impact du projet de Loi du 9 juillet 2019, page 99
3 Voir par exemple les arguments de l'Amendement n°CD539 du 19 novembre 2019 sur le Projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire
4 Avis du Ministère de l'écologie du 13 janvier 2016 (NOR : DEVP1600319V).
5 Transposant l'article 6 de la Directive de 2008/98/CE relative aux déchets
6 Précision issue de l'avis du Ministère de l'écologie du 13 janvier 2016 (NOR : DEVP1600319V)
7 « II.- Les objets ou composants d'objets qui sont devenus des déchets et qui font l'objet d'une opération de préparation en vue de la réutilisation pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus sont réputés remplir l'ensemble des conditions mentionnées au I du présent article, dès lors qu'ils respectent la législation et les normes applicables aux produits. Ils cessent alors d'être des déchets à l'issue de l'opération de préparation en vue de la réutilisation ».
8 « III.-Toute personne physique ou morale qui met pour la première fois sur le marché une matière ou un objet après qu'il a cessé d'être un déchet ou qui utilise pour la première fois une matière ou un objet qui a cessé d'être un déchet et qui n'a pas été mis sur le marché veille à ce que cette matière ou cet objet respecte les exigences pertinentes de la législation applicable sur les substances chimiques et les produits »

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1 Commentaire

Pemmore

Le 07/10/2020 à 10h48

Recyclage, réutilisation; ça ne fonctionne plus, on n'a plus accès aux objets comme l'électroménager même en payant une petite somme ~ 1€ le kg par exemple , c'est souvent même pas rémunéré, c'est un déchet électrique alors que 1/3 peut facilement resservir.
Ces intentions c'est du bidon, ça va être broyé, trié de façon automatique à 5 cmes du kg.

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