Après trois ans de mise en œuvre, l'heure est au bilan. Le Comité français de l'Union Mondiale pour la Nature (UICN) juge ce bilan globalement décevant puisqu'il semblerait que peu d'actions annoncées dans les plans aient pu être concrétisées à l'exception des plans « patrimoine naturel » mené par le ministère de l'écologie et « action internationale » mené par le ministère des Affaires Étrangères.
En effet, le plan d'action « patrimoine naturel » est le plus positif en termes de réalisations, essentiellement dans le domaine des espaces protégés avec la création des deux parcs nationaux de la Guyane et de la Réunion, des parcs naturels marins et la désignation des sites du Réseau Natura 2000. À ce sujet, la ministre de l'écologie et du développement durable, Nelly OLIN, a annoncé la levée du contentieux que la commission européenne avait ouverte à l'encontre de la France pour insuffisance de désignation de sites Natura 2000. Le réseau français terrestre est dorénavant considéré comme satisfaisant et cohérent par la Commission. Il couvre plus de 12% du territoire métropolitain, soit 6,7 millions d'hectares et comprend 1.334 sites d'intérêt communautaire, pour la conservation de la flore et de la faune et des habitats naturels remarquables et 369 zones de protection spéciales, pour la conservation des oiseaux et de leurs habitats.
Concernant le plan d'action international, l'UICN estime que le ministère des Affaires Étrangères a mis en œuvre plusieurs actions démonstratives dans le domaine de la biodiversité comme le renouvellement du Fonds Français pour l'Environnement Mondial (FFEM), la tenue de la Conférence Biodiversité et coopération européenne au développement et la poursuite des négociations sur la gouvernance (IMOSEB, ONUE). Mais l'UICN recommande au ministère des Affaires Étrangères de renforcer les moyens humains mobilisés afin de concrétiser les autres actions annoncées.
Pour les autres ministères, l'avis de l'UICN est beaucoup plus critique. Pour les plans « agriculture » et « mer », le comité estime que les mesures prises en faveur de la protection de la biodiversité ne sont pas assez significatives pour limiter les impacts importants engendrés par des pratiques encore très productivistes. En agriculture, l'UICN relève toutefois l'adoption de mesures sur la biodiversité dans la PAC et l'amélioration de la surveillance biologique des territoires et des projets à l'interface agriculture-biodiversité. Cependant, selon lui, la capacité d'action du comité de pilotage de ce plan est malheureusement limitée en termes de moyens humains et financiers dédiés ainsi que sa capacité d'influence des décisions politiques. Des sujets restent également non abordés malgré leurs enjeux comme les agro-carburants et les OGM.
Concernant le plan d'action dédié à la mer, l'UICN reconnaît des réussites dans le domaine du patrimoine naturel : création des parcs naturels marins, de l'agence des aires marines protégées et des négociations internationales pour la création d'un sanctuaire marin dans les Caraïbes. Cependant, l'UICN estime que le plan reste plus un tableau à remplir qu'un outil de mobilisation et de programmation d'actions. Beaucoup reste à faire dans les domaines liés aux transports, à la pêche, à la recherche et à la formation.
Concernant le plan d'action « infrastructure de transport », l'UICN regrette qu'il se limite pour l'instant essentiellement à des discussions. Il explique que les tensions sont parfois fortes entre le ministère de l'Écologie et celui de l'Équipement au sein duquel la biodiversité n'a pas été réellement appropriée ni intégrée dans leurs politiques, où elle n'est souvent vécue que comme une contrainte imposée, explique l'UICN.
Par ailleurs, l'UICN signale qu'il n'a relevé aucune avancée sur le plan « territoires » visant l'intégration de la biodiversité dans la gestion des territoires car aucun comité de pilotage n'a été mis en place depuis le lancement du plan en novembre 2005 par la DIACT. Même remarque sur le plan « urbanisme ». Selon l'UICN, le comité de pilotage est à ce jour fictif car la participation des responsables de la direction de l'urbanisme aux réunions n'a jamais dépassé la demi-heure. Il existe donc un réel désintérêt de cette direction pour la biodiversité qu'il est nécessaire de rectifier.
Enfin, l'UICN déplore que la mise en œuvre des trois plans d'action Forêts, Outre-Mer et Recherche, validés en septembre 2006, n'ait pas encore commencé. Aucun des ministères concernés n'a constitué ni convoqué de comité de pilotage. Le ministère de l'Agriculture a invoqué la constitution d'un groupe sur le changement climatique, censé englober le comité de pilotage du plan Forêt mais cette démarche n'apparaît pas appropriée pour l'UICN qui estime que le plan doit bénéficier d'un pilotage propre et que les thématiques du plan ne concernent pas uniquement les effets du changement climatique sur la forêt.
Dans son ensemble, l'UICN dénonce également un manque de mobilisation de la part des entreprises, des collectivités, des associations environnementales et du grand public en considérant que le processus de mise en œuvre d'une stratégie et de plans d'action est resté confiné au domaine des services de l'État. Il semblerait cependant que les associations souhaite plus prendre le sujet en considération puisqu'un collectif de 23 d'entre elles lance la campagne de mobilisation citoyenne « Biodiversité : l'Etat… d'urgence ! ». Les associations reprochent de leur côté à l'État français d'être attentiste et de mettre en place une Stratégie Nationale Biodiversité théorique sans moyens ni échéanciers effectifs alors que la survie des hommes dépend entièrement des ressources du vivant. L'objectif de la campagne est donc de rappeler ses obligations à l'État en matière de biodiversité. Les associations sollicitent le ministère de l'écologie, le ministère de l'agriculture et les conseils régionaux français afin d'obtenir des engagements forts et précis en matière de biodiversité. Elle propose d'envoyer des cartes postales à ses administrations afin de les faire passer à l'action.
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