Le prix serait encore un obstacle à l'achat de produits bio pour la plupart des citoyens français, considèrent les associations de consommateurs. Thierry Damien, président de Familles rurales a ainsi qualifié les fruits et légumes bio ''d'inaccessibles''. Selon lui, ''c'est un produit de niche qui ne concerne pas 95% de la population française''. Or, l'Agence bio expliquait en mai que les prix des produits bio étaient restés stables en 2009. Elle soulignait que les prix des fruits et légumes bios avaient diminué de 3% l'an dernier par rapport à 2008. 40% des consommateurs seraient également prêts à payer plus cher pour manger bio, selon elle.
Une enquête controversée
L'enquête de Familles rurales a été menée cet été pendant deux semaines, à la mi-juin et à la mi-juillet, dans 38 départements sur un panel de 8 fruits (pomme, melon, abricot, cerise, fraise, pêche, nectarine, poire) et de 8 légumes (aubergine, carotte, courgette, haricot vert, poivron, pomme de terre, tomate, salade). L'association relève un écart moyen de 68% entre les prix des fruits bio et non bio. Pour les légumes, il serait à hauteur de 69%.
Mais l'interprofession des fruits et légumes frais (Interfel) a contesté mercredi 25 août ces chiffres et parle d'un écart de seulement 23% pour les légumes bio et 16% pour les fruits bio ! Soit un prix moyen de 2,31 euros le kilo pour des fruits de production biologique et 2,35 euros pour les légumes.
A l'instar de la fédération nationale d'agriculture biologique (Fnab) et du réseau Biocoop, Interfel, a dénoncé la méthodologie utilisée par l'association de consommateurs, menée sur une ''très courte période'' et sur ''seulement 38 départements''. ''Pour une étude objective, il est nécessaire d'observer la moyenne des prix des fruits et légumes frais sur une période significative (juin-juillet 2010) et sur l'ensemble du territoire français, tout en analysant les éléments conjoncturels (saisonnalité, aléas climatiques, actualité de campagnes, import, export…)'', a fait remarquer Interfel, qui regroupe les producteurs et distributeurs du secteur. Cette méthodologie ''n'est pas représentative de la réalité du marché des fruits et légumes frais et ne reflète ni le niveau de l'offre ni celui de la demande''.
Si l'association de consommateurs a en outre analysé les prix proposés par les hyper/supermarchés, les hard discounts et les supermarchés bio (où se trouveraient les produits les moins chers, selon elle), elle n'a en revanche pas évoqué les prix en circuits courts (AMAP, vente à la ferme, marchés…). Pourtant, ''durant les périodes estivales, une bonne partie de la vente de fruits et légumes en circuits courts est non négligeable'', s'est étonné Jacques Pior, chargé de mission Bio de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA). De son côté, Julien Adda, délégué général de la Fnab, a regretté l'absence ''d'analyses qui expliquent exactement pourquoi il y a des écarts de prix et qu'est-ce qui doit être fait pour qu'ils diminuent'' dans un contexte de crise économique. La fédération craint qu' ''une telle enquête ne décourage les agriculteurs à se convertir à la bio''.
Des différences entre le bio et le conventionnel
Alors pourquoi y a-t-il de tels écarts de prix entre le bio et le conventionnel ? La saisonnalité des produits, les volumes de production et les conditions climatiques ''sont des paramètres qui influent sur les prix et ce, tous les jours'', a expliqué Marc Heber, Directeur secteur fruits & légumes de Biocoop. ''Les fruits et légumes sont en plein champ ou dans des abris dépourvus de moyens de forçage. Ils sont bien plus soumis aux aléas climatiques que les productions conventionnelles souvent sous serres, chauffées et hors sol'', a-t-il précisé.
Le surcoût de l'ensemble des produits bio (estimé de 20 à 30%) - sans pesticides contrairement à ceux conventionnels -, s'explique aussi par des rendements plus faibles de l'agriculture biologique et une main d'œuvre plus importante, ''de longue durée et moins saisonnière'', a fait valoir Vincent Lestani, Directeur de la Coopérative des Agriculteurs Biologistes du Sud Ouest (CASBO). En amont du prix final, ''il ya le coût de revient du producteur à la charge de celui qui le produit : l'agriculteur'', a rappelé Biocoop. Le coût du contrôle et de la certification de l'ensemble de la filière est aussi à la charge directe des opérateurs. Quant aux réseaux de collecte et de distribution, ils sont insuffisamment développés.
L'écart de prix se justifie également par une production biologique encore insuffisante en France pour répondre à la demande accrue des consommateurs. Et ce en dépit d'une hausse de 23% du nombre d'exploitations engagées dans la filière bio l'an dernier, selon l'Agence Bio. Ce qui correspond à 2,46 % de la surface agricole utile (SAU) contre les 6% de SAU bio prévus en 2012 par le Grenelle. Malgré un dispositif de soutien aux conversions, le déséquilibre offre/demande conduit aux importations qui représentent 38% des ventes et influent sur les prix du marché bio. La production d'un agriculteur français en conversion doit en effet attendre trois ans avant d'être vendue…. Les grands groupes de distribution, les discounters ''se basent sur le tout importation pour des questions de volumes mais aussi de coût'', selon Jacques Pior qui pointe du doigt ''un problème de compétitivité française''. La Fnab craint ''un dumping social et environnemental''.
Vers une structuration des filières bio
Pour lever ces freins, les producteurs bio appellent à accroître la production locale et structurer les filières ''entre des producteurs paysans autonomes dans leur organisation économique afin de créer des outils avec des transformateurs et distributeurs pour gérer le marché et l'approvisionnement'', a expliqué le délégué général de la Fnab. ''On peut gérer les volumes, lisser les prix sur des années et améliorer les coûts de logistique''. Ce qui permettrait de garantir ''une juste rémunération du producteur et un prix accessible aux consommateurs''.
L'APCA demande également plus de crédits en faveur de la recherche sur le bio pour optimiser la production. Les producteurs bio demandent aussi davantage d'aides européennes et de l'Etat pour maintenir l'agriculture biologique et rendre les produits moins chers. Dans un communiqué, le Directeur de coopérative agricole bio Vincent Lestani a ainsi appelé le Ministère de l'Agriculture à ''moins soutenir l'agriculture intensive polluante et génératrice de coût environnemental pour la société (pollution des nappes phréatiques, d'appauvrissement sociétal désertification rurale), insécurisant pour le consommateur (résidus de pesticide) au profit de l'agriculture biologique qui apporte une réponse concrète à ces trois problèmes'', selon lui.