Une filière française tournée vers les déchets encore peu développée…
La France se situe à la cinquième place au niveau européen, après l'Italie (406 ktep) et l'Espagne (329 ktep), avec une production de 310 ktep de biogaz, selon Eurobserv'ER. ''C'est une filière en démarrage'', a souligné Caroline Marchais, Déléguée du Club Biogaz de l'ATEE (Association Technique Energie Environnement), à l'occasion d'une conférence, organisée le 28 avril à Paris, par la Chambre franco-allemande de Commerce et d'Industrie. Plus de la moitié de la production de biogaz française provient des décharges, le reste étant issu des stations d'épuration.
Selon l'observatoire de l'énergie, seuls 65 centres de stockage de déchets (CSD) valorisent le biogaz. Concernant les stations d'épuration (STEP), dans une étude parue en 2009, le cabinet Ernst and Young répertorie 74 STEP urbaines et 88 stations d'épuration industrielles qui valorisent le biogaz issue du secteur agroalimentaire, de la distillerie viticole et de la papeterie. Mais le secteur reste dynamique : le cabinet d'étude prévoit une augmentation des STEP industrielles de 3 à 5 unités par an, soit + 30 à 60 unités d'ici 2014.
Par ailleurs, six usines de méthanisation des déchets ménagers sont également en service : Amiens, Varennes-Jarcy, Le Robert, Lille, Calais, Montpellier. Durant la période 2007-2012, Ernst and Young cible sur une hausse de 2 à 3 nouvelles unités / an. Si 20 unités sont en projet à l'horizon 2012, le cabinet prévoit au total 35 installations de traitement ménagers d'ici cette échéance.
La France compte également 13 installations de méthanisation agricole pour une capacité de traitement actuelle de 60.000 T/an. L'Ademe table sur une augmentation de 15 unités/an. D'après l'Agence, 200 projets de méthanisation agricole ont été répertoriés en 2008. 120 étaient en phase d'étude de faisabilité fin 2009.
Selon le Ministère du développement durable, la production brute de biogaz s'élèverait à 3.300 GWh en 2009 dont 1.290 GWh d'énergie valorisée. Le biogaz aurait produit l'an dernier 660 GWh d'électricité dont 77 GWh en cogénération. La chaleur valorisée produite par le gaz est de 630 GWh dont 70 GWh en cogénération.
… contrairement à l'Allemagne à la pointe de la méthanisation à la ferme
Si en France, la méthanisation est orientée sur la production du compost et du biogaz à partir de déchets organiques, la majorité de la production du biogaz en Allemagne est issue de la méthanisation à la ferme. Selon Jean Strahl, du Centre allemand de recherche en biomasse (DBFZ), les installations allemandes se sont développées rapidement en particuliers depuis l'application de la loi sur les énergies renouvelables (EEG) entrée en vigueur en 2000 dans le pays et modifié en 2004. Les installations allemandes ont pu notamment bénéficier d'un tarif d'achat incitatif de l'électricité produite à partir de biogaz de 10 à 22 ct€/kwh. Alors qu'en France, il a fallu attendre juillet 2006 pour majorer le tarif entre 7,5 et 9 c€/kWh selon la puissance de l'installation (12 MWe maximum). Une prime aux cultures énergétiques en Allemagne a également été créée dès 2004 de 6 c€/kWh, malgré les polémiques autour d'une concurrence avec les cultures alimentaires.
Résultat : Outre-Rhin, 4.850 installations de méthanisation agricole ont ainsi été recensées en 2008 (loin des 13 unités françaises…) pour une puissance de 1.700 mégawatts (MW), a précisé M. Strahl à l'occasion de la conférence à Paris. Selon certaines estimations, cette puissance pourrait atteindre 9.500 MW en 2020.
L'Allemagne utilise 70% des plantes énergétiques pour la production du biogaz, le restant provient des résidus de culture, déchets de l'industrie agroalimentaire (IAA) : ensilage de maïs, blé, herbe, lisier,…, a de son côté ajouté Elmar Fischer du DBFZ. Au total, 530.000 ha de surfaces sont aujourd'hui dédiées à la culture de plantes énergétiques. Cette part pourrait passer ''à 1,5 millions d'ha d'ici 2015, sans conséquence négative'' sur l'alimentation, a- t-il affirmé. Ces cultures utilisées comme carburant restent néanmoins ''problématiques'', a confié M. Fischer. ''L'Allemagne espère développer le biogaz à partir d'autres ressources'', a-t-il souligné, comme les déchets industriels et les ordures ménagères, à l'instar du Royaume-Uni, second producteur européen.
L'Allemagne mise également sur une valorisation accélérée du biogaz via le réseau de gaz naturel. 33 installations sont déjà mises en service en Allemagne et trente autres sont en projet. Au total, 70 installations sont prévues d'ici fin 2010. Mais il reste difficile en Allemagne d'injecter le biogaz épuré sur le réseau de gaz naturel ''car le coût de production est de 8 ct€/kwh'', nuance M. Fischer. ''La production du biogaz reste chère actuellement et ne peut rentrer en concurrence avec le coût du gaz naturel'', a-t-il poursuivi. La loi EEG qui sera amendée en 2012 doit ''simplifier la complexité des tarifs'' en Allemagne.
Grenelle 2 : l'injection du biogaz bientôt autorisée en France ?
Alors que l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, l'Autriche ou encore la Suisse injectent d'ores et déjà du biogaz dans leur réseau, la France de son côté tarde encore à donner son feu vert. Si les conditions d'injection sont définies, les tarifs d'achat sont en attente. En octobre 2008, l'Afsset avait pourtant confirmé l'absence de risque lié à l'injection de biogaz épuré issu de déchets ménagers produits à partir de centre de stockage et pour celui qui est issu de digesteur de déchets non dangereux.
''L'amendement CE-361 passé dans la loi Grenelle 2 fin février définit le cadre et la possibilité de façon très générale. Tout sera détaillé par la suite par décrets'', explique Caroline Marchais de l'ATEE. Des amendements ont été proposés dans le cadre du projet de loi Grenelle 2, en cours d'examen à l'Assemblée ''pour rendre possible la valorisation par injection dans le réseau de gaz naturel et pour dispenser les exploitants qui le feront d'autorisation de fourniture, très lourde administrativement''. Le projet de loi Grenelle 2 pourrait définir des tarifs d'achat (gaz et électricité) et ''préciser le rôle des cultures énergétiques'', selon l'ATEE. La possibilité d'injecter du biogaz directement dans les réseaux actuels relance également l'option biogaz carburants. ''Avec l'injection réseau, on peut imaginer que toute collectivité ou entreprise utilisatrice de GNV pourrait passer contrat avec un fournisseur de bioGNV afin de garantir un approvisionnement jusqu'à 100% renouvelable'',selon l'association Solagro. ''Un mouvement est en train de s'opérer pour que la méthanisation prenne une plus grande place dans notre paysage énergétique'', estime l'ATEE qui prévoit un potentiel de production du biogaz de 2.300 ktep d'ici 2015-2020.