Prévu dans le Plan national santé environnement 2 (PNSE 2), le programme Elfe (Étude longitudinale française depuis l'enfance) prévoit de suivre 20.000 enfants de leur naissance en 2011 à l'âge adulte afin de mieux comprendre les incidences de l'environnement sur la santé, le développement, la socialisation ou encore le parcours scolaire. Le projet Elfe prévoit notamment de mener des évaluations de l'imprégnation des femmes enceintes et de leurs bébés aux phatalates, au bisphénol A (1) et au plomb (2) , des données peu ou pas connues aujourd'hui.
Une cohorte pilote a été auparavant lancée en 2007 auprès de 450 familles afin de valider les protocoles avant le lancement des études à grande échelle. Sur les phtalates et le BPA, l'étude pilote menée par des chercheurs de l'InVS (Institut de veille sanitaire) et de l'Ineris (Institut national de l'environnement industriel et des risques) a révélé qu'une des sources d'exposition pourrait être le matériel médical utilisé lors de l'accouchement.
Une exposition différente selon le type d'accouchement
Ainsi, 279 échantillons d'urine ont été collectés chez les mères en salle de naissance. Des informations sur les habitudes alimentaires, sur l'exposition aux polluants environnementaux, la santé de la mère et de l'enfant, la croissance du foetus ont également été collectées.
Le BPA (bisphénol total et bisphénol libre) a été détecté respectivement dans plus de 90 % et 74 % des échantillons urinaires. Pour les phtalates, les métabolites du DEHP (3) (MEHP (4) , 5OH-MEHP (5) , 5oxo-MEHP (6) ) ont été détectés dans plus de 95 % des échantillons d'urine.
Le BPA conduirait à une féminisation des souris mâles
Des chercheurs de l'Université du Missouri ont publié lundi une étude qui montre que des souris mâles exposées au stade foetal au BPA se comportent davantage comme des femelles et sont affectées dans leur capacité à s'orienter dans leur environnement. "Les souris femelles ne veulent pas s'accoupler avec les souris mâles qui ont été exposées au BPA et ces dernières ont les plus grandes difficultés à naviguer spatialement pour trouver des partenaires sexuelles", explique Cheryl Rosenfeld, principal auteur de cette étude.
L'Inserm soulignait récemment qu'une exposition au BPA chez l'animal induit des effets au niveau du développement des organes de la reproduction et de la fonction de la reproduction. Ainsi, chez la femelle, les études montrent des risques sur une puberté précoce, des altérations de l'utérus, du vagin et de l'ovaire. Chez le mâle, certaines études révèlent des effets sur l'appareil génital (diminution de la production de spermatozoïdes, hypotrophie testiculaire, hypertrophie prostatique…) et sur la fertilité (diminution de la taille des portées…).
La période fœtale constitue également une période critique autour de laquelle une exposition au BPA pourrait favoriser l'apparition de lésions précancéreuses.
En effet, les valeurs de la médiane de BPA (total et libre) sont plus élevées pour les accouchements par césariennes ou forceps que pour les accouchements par voie naturelle (respectivement de 3,3 μg/L et 0,7 μg/L pour les accouchements par césarienne contre 2,2 μg/L et 0,3 μg/L pour les accouchements par voie naturelle). Idem pour les phtalates : respectivement la médiane de 22,9 μg/L contre 10,2 μg/L pour le MEHP ; 50,7 contre 32,3 μg/L pour le 5OH-MEHP et 33,9 contre 23,7 μg/L pour le 5oxo-MEHP.
Le Canada a déjà mis en place des mesures
La contamination par le BPA et les phtalates se fait essentiellement par voie digestive (80 %), mais aussi par voie cutanée (10 %). Si la voie d'exposition mise en évidence lors de l'étude Elfe n'est pas nouvelle, c'est la première fois qu'elle est quantifiée en France. ''Ces résultats soulèvent des interrogations sur l'importance et les conséquences de l'exposition, via les dispositifs médicaux, des femmes enceintes et de leurs nouveau-nés au BPA et aux phtalates, lors de longs séjours hospitaliers (grossesses pathologiques, soins intensifs dans les unités de néonatalogie)''.
Au Canada, des mesures préventives visant à répondre à ce problème ont déjà été prises. En France et dans l'UE, pour l'instant, seule l'utilisation du BPA dans les biberons est interdite. Mais les députés français ont adopté en mai dernier en première lecture un projet de loi visant à interdire la fabrication, l'importation, la vente ou l'offre de produits contenant des phtalates, des parabènes ou des alkylphénols.