La COP 21 de Paris se tiendra sans doute dans un aéroport, au Bourget, en 2015. De cette conférence comme des antérieures sont attendus des objectifs et des engagements, sur fond de dégradation de l'atmosphère de la planète, qui a passé le seuil des 400 ppm de CO2 en mars 2013. A Paris, en 2015, les échéances seront à nouveau tendues. A l'issue de la COP 18, à Doha (Qatar), en 2012, les négociations climatiques internationales sont entrées dans une nouvelle phase. L'enjeu est de négocier un nouveau protocole ou un instrument légal contraignant d'ici à 2015, qui devra entrer en vigueur en 2020. Si un tel accord est adopté, il s'agira du premier accord international sur le climat étendu à l'ensemble des pays, développés et en développement. Exception notable, les Etats-Unis n'ont pas souscrit à ce nouvel engagement, pris à Doha à l'arraché.
A Paris, le 4 juin dernier, Connie Hedegaard, commissaire au climat de l'Union européenne, a confirmé le caractère crucial de la conférence de Paris en 2015, en tant qu'étape vers 2020, date à laquelle un nouvel accord international devra entrer en vigueur. L'Europe doit se remettre en ordre de bataille : "Nous avons besoin de ce nouvel accord, nous avons besoin de relancer les engagements pour faire de 2020 une réussite. L'Union européenne doit se préparer à ces négociations afin d'aboutir à un accord juste et équitable, où les pays les plus riches se devront d'être exemplaires", a-t-elle exhorté, lors d'une conférence à Sciences Po co-organisée par l'Iddri (1) , Oxfam et le Réseau action climat. "Et pour retrouver ce leadership, il nous faut commencer par mettre de l'ordre chez nous", faisant allusion à la panne du marché carbone européen. Trois enjeux se dessinent, selon la commissaire : "Corriger les trajectoires d'émission, soutenir les processus « bottom up » en appuyant les initiatives locales, trouver le bon mécanisme".
Un accord flexible
Au risque d'inquiéter les ONG environnementales présentes à la tribune et dans la salle, Mme Hedegaard a souligné la nécessité de s'orienter vers un accord "plus flexible et dynamique, qui puisse s'adapter aux nouvelles découvertes scientifiques, mais cet accord sera flexible en termes de moyens, et non dans ses buts", dans la perspective du prochain rapport du GIEC, dont la synthèse sera présentée du 21 au 31 octobre 2014 à Copenhague (Danemark). Est-ce à dire que les objectifs ne seront pas contraignants pour satisfaire les exigences exprimées à Doha par le chef de la délégation des Etats-Unis, Todd Stern ? Comme l'a rappelé, depuis Bonn (Allemagne), la secrétaire exécutive de la Convention climat, Christina Figueres, les négociations s'orientent vers un accord plus fluide : l'accord de 2015 "ne peut être gravé dans le marbre et ne peut être gelé dans le temps". Il s'agit d'abord de créer un climat de confiance, en établissant des règles communes de transparence, en stimulant l'action par les financements et le soutien aux capacités (capacity building), en cohérence avec les découvertes climatiques.
La prochaine étape avant la conférence de Paris aura lieu avec la COP 20, à Varsovie (Pologne). Il s'agira, selon Mme Hedegaard, d'y "établir des initiatives de coopération par des actions concrètes". Concrètement, pour doter le fonds climatique de 100 milliards de dollars d'ici à 2020, l'Union européenne devra se mobiliser. "Les pays donateurs devront trouver le moyen de maximiser les effets de levier des fonds publics. Car nous ne pouvons pas aller à Varsovie sans avoir avancé vers ce fonds climat. 2015 sera la date-butoir." Pour le ministre délégué chargé du développement, Pascal Canfin, "ce sera compliqué de lever tous les obstacles. Notre chance est d'avoir encore un peu de temps pour travailler, pour trouver des compromis. Nous disposons d'un réseau diplomatique exceptionnel, ce qui est un autre atout".
Selon Pascal Canfin, "si nous faisons de cette négociation un fardeau, nous n'y arriverons pas". Le ministre a mis l'accent sur une négociation inclusive, dictée par le souci de la "justice climatique", sur la base de "différents scénarios", qui restent à préciser, mais sur lesquels le ministre a donné quelques pistes : reconnaître la place des émergents dans le monde, faire de Kyoto une négociation sur les modes de vie, rester sur une ligne de discussion de sorte de faire ressortir "un bonus de coopération" afin de faire émerger des solutions. Les ambitions de la COP 21 semblent pour le moment limitées.
Leviers énergétiques
Présentée à Londres le 10 juin, une étude de l'Agence internationale de l'énergie (2) , Redessiner la carte de l'énergie et du climat, propose de réaliser 80% de l'effort de réduction de gaz à effet de serre en les faisant passer des 4 gigatonnes de CO2 équivalent actuelles à 3,1 gigatonnes de CO2 équivalent en 2020, à partir de quatre leviers : l'adoption de mesures d'efficacité énergétique (-1,5 Gt), la limitation de la construction et de l'utilisation des centrales à charbon inefficaces (-640 Mt), la minimisation des émissions de méthane dans les processus de production de gaz et pétrole (divisées par 2), et l'élimination partielle des subventions aux énergies fossiles (-360 Mt).
Depuis Bonn, le 10 juin, la secrétaire exécutive de la Convention climat, Christiana Figueres, à l'occasion de la diffusion de cette étude, a souligné que ce document "arrive à un moment crucial des négociations sur le changement climatique. Encore une fois, il nous est rappelé qu'il y a un gouffre entre les efforts jusqu'à présent consentis et l'engagement nécessaire à maintenir la hausse de la température mondiale à moins de deux degrés. Encore une fois, il nous est rappelé que cet écart peut être comblé au cours de cette décennie en utilisant des technologies éprouvées et des politiques connues, et sans entraver la croissance économique dans aucune région du monde. En saisissant les opportunités décrites dans ce rapport, entreprises et gouvernements peuvent à tous les niveaux catalyser l'action en faveur du climat et ouvrir un espace politique en faveur d'un accord universel".