"L'opération d'attribution du partenariat public privé (PPP) pour la construction et la maintenance [du canal Seine-Nord] est suspendue", a affirmé à l'AFP, Yves Gabriel, président directeur général de Bouygues Construction, interrogé en marge d'une conférence de presse, mercredi 29 août 2012. Il a précisé que "Bouygues, comme le groupement concurrent Vinci-Eiffage, n'a pas reçu de Voies navigables de France (VNF) les règles du jeu pour la prochaine étape de l'attribution du contrat, le dialogue compétitif".
Bouygues et Vinci-Eiffage devaient présenter leurs offres à l'automne avant un choix final d'ici à la fin de l'année 2012. L'AFP rapporte que pour les protagonistes du dossier, l'abandon de cette voie d'eau à grand gabarit de 106 kilomètres de long apparaît désormais inévitable, même si les pouvoirs publics ne veulent pas encore l'officialiser. L'objectif du canal est de connecter le bassin de la Seine au Nord-Pas-de-Calais et aux 20.000 km du réseau grand gabarit d'Europe du Nord.
Défaut des financeurs privés ?
Dans un communiqué publié ce matin, le ministère de l'Ecologie renvoie la balle à Bouygues Construction. "Compte tenu du contexte financier international actuel, les candidats semblent rencontrer des difficultés à progresser sur le financement bancaire de leur partie du projet et à stabiliser des annuités acceptables par VNF et l'Etat", annonce le ministère, précisant que "sur la partie financière, les offres initiales [présentées en réponse au lancement du dialogue compétitif] dépassaient significativement l'enveloppe retenue au départ par les porteurs du projet".
"La communication du groupe Bouygues ne fait que confirmer les difficultés de bouclage du projet", assène le ministère qui estime que "cela nécessite d'engager un dialogue avec la commission européenne, la BEI, d'étudier les possibilités de recours aux « project bonds » pour ce projet et de se rapprocher des collectivités publiques pour des financements complémentaires". Des solutions qui excluent de fait une augmentation de l'enveloppe apportée par l'Etat.
Audit ministériel
Le budget total du projet est estimé à 4,3 milliards d'euros, selon les chiffres avancés en 2009 par Voies navigables de France (VNF), rappelle par ailleurs le ministère de l'Ecologie. Une subvention publique de 2,2 milliards d'euros devait participer au financement dans le cadre d'un PPP.
Etant donnés les difficultés de financement, "l'Etat a souhaité confier au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et à l'Inspection générale des finances (IGF), une mission d'analyse et de proposition portant sur la faisabilité financière du projet dans le cadre de la procédure en cours d'attribution d'un contrat de partenariat", annonce le ministère de l'Ecologie, précisant que "cette mission analysera la capacité des candidats à réunir les financements privés nécessaires à la réalisation de l'opération".
En avril 2009, le ministère de l'Ecologie avait lancé l'avis d'appel public à concurrence pour le canal à grand gabarit Seine-Nord Europe entre Compiègne (Oise) et Aubencheul-au-Bac, près de Cambrai (Nord). Deux ans plus tard, Nicolas Sarkozy avait lancé le dialogue compétitif pour l'attribution du contrat lors d'une visite à Nesle (Somme).
Le canal, inscrit dans le cadre du Schéma national d'infrastructures de transport (Snit), n'est pas finançable sans participation publique. Or le budget total, estimé à près de 250 milliards d'euros sur 25 ans, a fait l'objet de diverses évaluations soulevant des doutes sur la possibilité de mobiliser de telles sommes. "C'est une charge insoutenable en termes de financement public", avait indiqué à l'AFP Gilles Savary, député PS (Gironde), ajoutant que "cela impose de faire des choix et donc frustrer de nombreux élus". Choix qui reviennent au gouvernement, avait-il rappelé.