Pour autant, selon l'ADEME, seuls 28% des dirigeants de PME sont capables de formuler une mesure du Grenelle ayant un impact pour leur entreprise. Et seuls 15 % des chefs d'entreprises de moins de 250 salariés ont déjà mis en place des actions mentionnées par le Grenelle. Selon Guillaume de Bodard, représentant de la CGPME, en France, peu de PME intègrent convenablement l'environnement. On a proposé au Grenelle de labelliser les entreprises qui respectent l'environnement et s'impliquent sérieusement de manière à qu'elles y gagnent en situation de concurrence. En regard de ce label, on proposerait un avantage fiscal, une baisse des charges sociales, voire un accès facilité aux marchés publics. Mais le lien entre PME et développement durable n'est pas sorti du Grenelle.
Freins organisationnels
Les responsables des PME des secteurs du transport et du BTP sont ceux qui jugent avoir l'impact le plus fort sur l'environnement (53 % des responsables de PME du transport et 45 % des responsables de PME du BTP). Cet impact s'exprime en effet aux travers les rejets atmosphériques et de gaz à effet de serre pour les transports et par la production de déchets pour le BTP. La prévention de la production de déchets, la réduction des consommations d'énergie ou la sensibilisation des salariés sont en cours de mise en œuvre dans la majorité des PME. Parmi les mesures les moins répandues, on trouve l'utilisation d'énergies renouvelables (12%), l'installation dans des bâtiments dits à haute qualité environnementale (HQE) (10%) et la création d'un poste dédié aux questions environnementales (6 %).
Près des deux tiers des dirigeants se disent peu informés sur le management environnemental, les aides et les certificats d'économie d'énergie. Soutien financier (49%) et conseils (46%) sont les principaux besoins exprimés par les responsables de PME, qui déclarent avoir des difficultés à évaluer économiquement la démarche de protection de l'environnement ou de maîtrise de l'énergie. Ils estiment nécessaire de mieux évaluer son impact et de savoir calculer les coûts et les bénéfices. En tout état de cause, la conviction personnelle reste le premier motif d'engagement. Des artisans du bâtiment se groupent en coopératives pour structurer des réseaux plus ou moins formalisés. La manière dont elles sont réappropriées par les artisans montrent qu'elles sont des espaces d'échange d'informations. Pour l'achat de chanvre, par exemple, c'est la coopérative qui va acheter, sécuriser, assurer le stockage, commente le sociologue Jean-Philippe Fouquet de l'université François Rabelais à Tours qui vient de produire une étude pour l'ADEME sur le secteur du bâtiment.
De fait, les entreprises ont bien conscience de leurs difficultés. Les PME de moins de 20 salariés se heurtent à un frein organisationnel : les questions liés à l'environnement sont directement prises en main par le chef d'entreprise sur son temps personnel, faute de pouvoir embaucher un responsable dédié. Les défauts de certification forment un autre obstacle. Dans le bâtiment, par exemple, les artisans sont encore peu informés sur les propriétés des éco-matériaux et se rabattent sur la laine de verre plutôt que sur le chanvre qui n'est pas couvert par la garantie décennale.
Du pollueur payeur au pollueur acteur
La plupart des chefs d'entreprise présents au colloque se demandent comment aller plus loin, comment passer de la remédiation à l'amélioration. Une fois les déchets réduits et le bilan carbone effectué, comment réduire les émissions de gaz à effet de serre alors que j'ai besoin de camions sur les routes, interroge Benoît Moreau, imprimeur et représentant du MEDEF, qui déclare ne plus arriver à suivre les réglementations et réclame leur mise en cohérence. Un dirigeant de maison de retraite s'étonne du manque de coordination au niveau de la réglementation générale. Par exemple, une maison de retraite consomme énormément d'énergie car les personnes âgées ont toujours froid. En même temps, on veut toujours plus : selon les nouvelles normes, les chambres sont passées de 9 à 20 mètres carrés, les surfaces à chauffer explosent.
D'autres sont fiers des efforts accomplis, comme Jean-Claude Ricomard, dirigeant des Tanneries Roux, fabriquant de cuirs de luxe dans la Drôme, qui propose de passer du pollueur payeur au pollueur acteur comme le fait son entreprise, une installation classée : depuis 14 ans, un tiers de nos investissements sont liés à l'environnement, soit entre 150 et 200.000 € par an. Alors qu'il a longtemps fallu 1.000 litres d'eau pour tanner une peau, nous n'en consommons plus que 300 à 500 mètres cubes par jour. Mais plus nous consommons une eau propre, plus cela nous revient cher. En 2008, notre facture d'eau a été de 210.000 €. Il faudrait instaurer une commission pour mettre le prix de l'eau en cohérence avec le développement durable.
L'entreprise Larose Trintaudon produit du Haut Médoc en Gironde sur une grande propriété de 25 hectares qui emploie 60 salariés pour un chiffre d'affaires de 16 millions d'euros. La PME a réduit de 30% son utilisation de produits phytosanitaires et a mis en place six ruches dans le cadre de la charte « abeilles sentinelles de l'environnement ». Notre travail sur les process pour réduire notre impact environnemental nous a valu d'être certifiés par les normes ISO 9000 et 14 000 depuis 2003, et nous avons obtenu la certification AFAQ millénaire, annonce son représentant Brice Amouroux. Selon Marketa Supkova, chargée des partenariats du WWF avec les entreprises, il ne faut cependant pas oublier qu'on vit avec des ressources finies et ne pas se contenter de compter les points de la norme ISO Millénaire.
Article publié le 20 mars 2009