Le fonctionnement de l'expérimentation des certificats d'économie de produits phytosanitaires (CEPP) est désormais connu de tous. Un décret, publié le 28 août, précise et complète la manière dont les vendeurs de pesticides vont devoir encourager la réduction d'utilisation de ces produits auprès des agriculteurs au cours des cinq prochaines années.
Les distributeurs de pesticides en première ligne
Le dispositif a été conçu pour répondre aux objectifs du plan Ecophyto 2. Il impose aux personnes qui vendent, en métropole, à des utilisateurs professionnels, certains produits phytopharmaceutiques d'obtenir des certificats d'économie. D'ici la fin de l'année, le ministère de l'Agriculture précisera à ces "obligés" le niveau de CEPP à atteindre. "Avec la mise en place du CEPP, j'ai souhaité que la réduction de l'usage des produits phytopharmaceutiques ne soit pas seulement l'affaire des agriculteurs mais également des distributeurs qui commercialisent ces produits et que tous les acteurs soient ainsi responsabilisés", explique le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll dans un communiqué.
Globalement, chaque obligé devra acquérir d'ici le 31 décembre 2021 un volume de certificats équivalant à 20% de ses ventes. Pour les associations de protection de l'environnement, cela ne revient pas à réduire les ventes de produits mais à faire la promotion d'actions qui théoriquement aboutissent à une réduction de l'utilisation des produits. Selon François Veillerette, porte-parole de l'association Générations Futures, ce dispositif n'est pas à la hauteur des enjeux puisqu'il n'impose pas "une obligation de réduction de vente de pesticides mais simplement une obligation d'action. Nous sommes dans un schéma d'obligation de moyens et non de résultats".
Tous les pesticides ne sont pas concernés
Du côté des vendeurs, la baisse des revenus n'est pas exclue. Mais selon les experts des ministères de l'Agriculture et de l'Environnement qui ont préparé le dispositif, "les conditions semblent aujourd'hui réunies pour mettre en œuvre les CEPP. En effet, les distributeurs ont commencé à développer des biens et services alternatifs aux produits phytosanitaires", indiquait leur rapport de décembre 2014. Ces alternatives viendront compenser les pertes éventuelles.
Pour fixer le niveau d'exigence, le ministère de l'Agriculture se basera sur les ventes des années précédentes mais ne prendra pas en compte les semences traitées, les produits de biocontrôle ni les produits utilisés exclusivement dans le cadre des programmes de lutte obligatoire. Les données proviendront de la banque nationale des ventes réalisées par les distributeurs de produits phytosanitaires (BNV-D) tenue par l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema) au titre de la redevance pour pollutions diffuses.
Promotion de bonnes pratiques
Un obligé peut choisir d'acquérir par lui-même ses certificats en faisant la promotion de bonnes pratiques auprès de ses clients agriculteurs. Chaque bonne pratique fera l'objet d'une "fiche d'action standardisée" où sera précisée l'économie de produit qui en découle et par conséquent le nombre de certificats qui pourra être attribué aux vendeurs. Les fiches action sont en préparation auprès de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra). Elles seront publiées progressivement. La méthodologie de calcul des économies sera également rendue publique. Elle prendra en compte pour chaque action le potentiel de réduction de l'usage et de l'impact des produits phytopharmaceutiques, sa facilité de mise en œuvre, son bilan économique et son potentiel de déploiement. Ces critères permettront de "donner plus de valeur aux actions innovantes en matière de pratiques agro-écologiques mais de prendre en compte le fait qu'elles sont parfois très contraignantes à mette en œuvre", expliquait en avril dernier une représentante du ministère de l'Agriculture.
Un obligé pourra aussi, mais seulement à partir du 1er juillet 2021 - soit au cours des six derniers mois de l'expérimentation -, obtenir des certificats auprès d'autres acteurs : les éligibles. Le décret précise que ces éligibles sont toutes les personnes qui exercent l'une de ces activités : mise sur le marché de produits phytosanitaires, application de produits, conseil à l'utilisation des produits. S'ils conseillent les bonnes pratiques, eux aussi pourront obtenir des CEPP et les revendre aux obligés.
Un bilan global prévu en 2022
L'expérimentation doit durer cinq ans. Un premier bilan est prévu avant le 1er juillet 2017. Le ministère de l'Agriculture recommencera l'exercice chaque année. Ce bilan devra renseigner le nombre de certificats obtenus par action standardisée, le taux de couverture des obligations par les certificats délivrés et le bilan des certificats obtenus par l'ensemble des obligés et l'ensemble des éligibles.
Si les obligés n'arrivent pas à acquérir le nombre de CEPP requis, ils seront pénalisés. Le décret fixe la pénalité forfaitaire par certificat manquant à cinq euros.
Une évaluation globale de l'expérimentation sera réalisée en 2022 afin de juger de son efficacité et de son possible renouvellement.