"Aujourd'hui, les industriels de la chimie et des matériaux ont recours à environ 10% de ressources renouvelables dans leur approvisionnement, situe Christophe Rupp-Dahlem, président de l'association chimie du végétal, les 90% sont d'origine fossile, principalement pétrole et gaz".
Le développement limité de la chimie du végétal s'illustre par le faible taux de pénétration des bioplastiques : en 2011, 850.000 tonnes ont été produites dans le monde. En comparaison, la production totale de plastiques atteignait 265 millions de tonnes en 2010, selon le Commissariat général au développement durable.
Cette tendance pourrait s'inverser à l'avenir. "Les industriels européens de la chimie visent en 2020 le doublement du volume des ressources végétales utilisées comme matières premières, soit à 20%", précise Christophe Rupp-Dahlem.
Gain de compétitivité (réduction des consommations de ressources), diversification des marchés et amélioration de l'image, la chimie du végétal pourrait constituer une opportunité pour le secteur.
Au 5e rang mondial, le marché de la chimie en France a toutefois connu une croissance modérée au cours des 20 dernières années, selon le Commissariat général au développement durable.
Outre l'épuisement des ressources traditionnelles, l'industrie française est également confrontée au déplacement de la production pétrochimique, aux USA, au Moyen Orient et en Asie, ainsi qu'au déclin de ses industries traditionnelles.
Une priorité du gouvernement
Pour tenter d'y remédier, le gouvernement a placé le développement de la chimie verte comme une priorité. Elle figure ainsi parmi les sept ambitions du rapport d'Anne Lauvergeon concernant l'innovation et les 34 plans de la nouvelle France industrielle d'Arnaud Montebourg.
"Une dynamique se met en place, confirme Christophe Rupp-Dahlem, mais le doublement des volumes passera par une accélération de la mise en place des projets. Une discussion sur un élargissement du décret incitant à l'usage de plastiques biosourcés et biodégradables pour les sacs de caisse à l'ensemble des sacs plastiques est en cours ".
Selon le président de l'association chimie du végétal, cet élargissement aboutirait à la production de 60.000 tonnes en plus de plastiques végétaux et 4.000 emplois directs et indirects en France.
L'Union européenne va également soutenir ce secteur en apportant une aide d'un milliard d'euros entre 2014 et 2020 par l'intermédiaire d'un partenariat public-privé (PPP), baptisé " Bio-Based Industries initiatives (1) ". 65% de ce budget sera consacré à l'innovation et aux premières unités de démonstration ainsi qu'aux pilotes industrielles.
L'essor de la chimie verte reste toutefois soumis au niveau de prix des énergies fossiles. Selon le pôle interministériel de prospective et d'anticipation des mutations économiques (Pipame /données 2010), "Le Brésil est le seul endroit où le "carbone bio" est compétitif tant que le baril reste inférieur à 150$, de sorte que la seule évolution du prix des matières premières fossiles et de l'énergie ne permettra un passage aux agroressources que de manière marginale". L'enjeu sera de rendre disponible la ressource biomasse à prix compétitif.
"Certains produits peuvent être au même prix, d'autres avec un écart de 20 à 30% plus cher ou parfois le double, cela dépend des marchés : peinture, plastique, etc., précise Christophe Rupp-Dahlem, c'est une industrie naissante : les effets d'échelle jouent beaucoup, avec la montée en capacité, l'écart va se restreindre dans l'avenir".
Remplacer des molécules comme le bisphénol A
En mettant de côté la question de la compétition avec un usage alimentaire, les produits biosourcés présentent certains avantages environnementaux. Ainsi des molécules comme les phtalates, les solvants, le formol, etc. peuvent être substituées par des produits issus de ressources végétales. Par exemple, le bisphénol A, à la base de la construction de polycarbonates, peut être remplacé par l'isosorbide, issue du glucose.
Ces molécules présentent également de nouvelles propriétés : certains polymères s'avèrent plus transparents, plus résistants, etc.
"Concernant la quantité de CO2 émise lors de la production : nous avons un gain en tendance générique d'environ 30 à 40 % pour le procédé de biotechnologie industriel par rapport à un procédé pétrochimique", détaille Christophe Rupp-Dahlem. Ainsi tandis qu'un kilogramme de polypropylène génère 2 kg de CO2, un plastique végétal lui émet 1,5 kg. A cette première économie, s'ajoute le carbone séquestré par la plante lors de la photosynthèse : 0,84 kilo de CO2 par kilo de résine. "Dans cet exemple, la captation du carbone dans le matériau est supérieure à l'économie réalisée lors de la production", pointe Christophe Rupp-Dahlem.
La chimie verte viendrait également en soutien de la production de protéines végétales françaises. Ainsi, les plastiques végétaux à base d'amidon sont réalisés à partir de maïs, qui comprend 65% d'amidon, et 35% de protéines et fibres. Ces dernières seront ensuite valorisées en granulés pour l'alimentation du bétail.
"Aujourd'hui, la France importe 40% de ces protéines pour l'alimentation, rappelle le président de l'association chimie du végétal, grâce à ce système de bioraffinerie en cascade : un produit sera valorisé à sa plus haute valeur : l'amidon vers des applications alimentaire et industrielle, les protéines pour la nutrition humaine et animale".
En fin de vie, les produits biosourcés pourront être recyclés ou compostés. Certains plastiques biosourcés ont en effet la même structure moléculaire que les plastiques d'origine fossile, leur recyclage n'entraîne pas de surtri. Les autres peuvent être recyclés mais ne doivent pas être mélangés à d'autres matières plastiques. Lorsqu'ils sont conformes à la norme qui caractérise les emballages valorisables (2) ( EN 13432 ), ces déchets peuvent être compostés.
"Ils devront (…) être produits en quantités suffisantes", prévient toutefois Françoise Gérardi, délégué général d'Elipso, dans une présentation du Colloque sur les produits hors d'usage de l'Ademe.