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AccueilChristian HugloLe recours au juge est la garantie de conservation de l'intégralité de la règle environnementale

Le recours au juge est la garantie de conservation de l'intégralité de la règle environnementale

Christian Huglo, Avocat à la Cour, Docteur en Droit, Avocat fondateur du Cabinet Huglo Lepage & associés, conseil nous propose son avis d'expert sur le rôle déterminant du juge dans la fondation du droit de l'environnement.

Publié le 19/05/2013

Le droit de l'environnement ne pourra continuer à se construire qu'à travers les actions de la société civile et en particulier lorsqu'elle se mobilise pour entraîner les collectivités publiques et différentes personnes morales, associatives, syndicales ou non, pour obtenir du juge une décision que les acteurs de politique ont de plus en plus de mal à prendre.

La question principale qui est en jeu est celle de la permanence, du noyau dur du développement durable, c'est-à-dire le droit de l'environnement à proprement parler ; qui protège les différents éléments dits naturels qui composent la biosphère si ce n'est le droit de l'environnement lui-même ? Le développement durable n'est qu'un slogan ou au mieux un mot d'ordre de nature politique et économique.

Ce qui est derrière ce sujet du recours au juge, concerne à la fois la naissance, la vie et l'avenir du droit de l'environnement dont la vocation est d'être à la fois propre et spécifique à chaque Etat et surtout de pouvoir s'imposer à l'avenir à toutes les Nations puisqu'en définitive, le droit de l'environnement n'est pas autre chose que celui de la conservation ou le maintien du patrimoine commun de l'humanité, sans lequel toute vie acceptable serait impossible.

De l'importance du recours au juge

L'actualité, des questions du nucléaire ou du gaz de schiste, démontre à l'évidence que le recours au Juge qui a prévalu à la création et à la fondation du droit de l'environnement reste encore déterminant.

Ainsi, s'agissant du problème de l'avenir du nucléaire en France, il est assez probable que ce sera le contentieux sur certains sites, notamment celui de Fessenheim à la fois actuellement pendant devant la Cour Administrative d'Appel de Nancy, et le Conseil d'Etat, qui finira par débloquer la situation ; ainsi on a cru longtemps que la fermeture de la centrale de Creys Malville est due à une décision politique du Gouvernement Jospin ; il n'en est rien : Creys Malville a été fermée à la suite du recours de 60 communes de Suisse mené par la Ville de Genève, qui ont obtenu l'annulation par le Conseil d'Etat en février 1997 du dernier décret autorisant le fonctionnement du surgénérateur.

Le gaz de schiste en est une autre illustration ; l'attention est attirée actuellement sur une ordonnance rendue par le Président du tribunal administratif de Cergy Pontoise qui a considéré à la requête des pétroliers, que le principe de précaution aurait dû être appliqué à la loi du 13 juillet 2011 interdisant le recours à la technique de la fracturation hydraulique (et non l'exploitation) ; les pétroliers estiment aussi que la loi qui a neutralisé les permis d'exploration auraient dû prévoir une juste et préalable indemnité. Elle estime ici contraire aux articles 16 et 17 de la déclaration des droits de l'homme de 1789, l'affaire est portée au Conseil d'Etat.

Il est possible que la décision qui vise actuellement les politiques soit celle du Conseil Constitutionnel, si le Conseil d'Etat décide de renvoyer cette question à son examen. C'est ce que l'on appelle la procédure de filtre située dans cette nouvelle procédure de la question prioritaire de constitutionnalité.

Le droit de l'environnement construit par le Juge

On oublie trop souvent que la question du dommage écologique s'est établie dans un très vieux contentieux dit de l'affaire des Boues Rouges de la Montedison qui étaient larguées à 60 kilomètres au large du Cap Corse et qui a soulevé l'indignation de la Corse tout entière bientôt rejointe par Nice et Marseille. Laquelle a donné lieu à un contentieux très important en Italie et en France.

La décision de la Cour de Cassation du 5 avril 1978 qui reconnaît la compétence d'un juge national sur la mer internationale est aussi à la source de l'intérêt qu'ont porté les Nations pour l'édiction de Conventions dite de Barcelone sur la protection de la Méditerranée. Les premières directives environnementales ont bien été concernées par le sujet de la production du bioxyde de titane à l'origine de ces fameuses boues rouges qui étaient rejetées non seulement en Corse et qui ont donné lieu à des procès en Baie de Seine à la requête des Syndicats des Marins pêcheurs du Havre et de la Baie de Seine devant le Conseil d'Etat, devant la Cour d'Appel de Rouen statuant en matière correctionnelle, comme de même le contentieux était porté devant le Tribunal administratif de Lille pour les rejets de l'usine tioxide à Calais.

Dans l'ouvrage que je viens de publier « Avocat pour l'environnement » aux éditions LexisNexis, il est montré que la responsabilité des maisons mères pour les filiales est  un des grands acquis de ce procès de pollution qui a duré pendant 13 ans aux Etats-Unis et qui a été conduit dans les plus grandes difficultés à la requête notamment des communes bretonnes dans le procès dit de Chicago. Une telle innovation était absolument indispensable pour faire échec au système des pavillons de complaisance.

Il en va de même du droit des études d'impact.

Les français savent généralement que l'étude d'impact résulte d'une loi, celle du 10 juillet 1976, ce qui est parfaitement exact mais ce qu'il faut voir c'est comment elle a été préparée puis étendue dans des conditions tout à fait extraordinaires et hors du commun liée à l'action des catégories composant la société civile.

L'invention de l'étude d'impact remonte en particulier au contentieux dit des marais salants de Guérande ; le Maire de la Baule voulait en effet couper en deux le marais salant de Guérande or les experts, requis par les associations, ont aidé à démontrer que porter atteinte aux marais salants de Guérande portait atteinte aux richesses côtières et de la vie marine jusqu'à 400 kilomètres des côtes.

Le bilan devait être fait entre ce qui apportait un avantage immédiat, la circulation pour accéder à la ville de la Baule, et d'autre part, le long terme et la conservation de la biodiversité.

Malgré cette mobilisation générale, l'opération n'a pu se réaliser puisque les Conseils municipaux ont refusé de voter les crédits pour la route. Ultérieurement, le Ministre de l'environnement classera le marais salant de Guérande en site protégé.

On pourrait multiplier les exemples ; en particulier, dès lors que le contentieux national devient aussi un contentieux international.

L'apport des juges au droit va donc encore plus loin, il faut ici saluer l'œuvre très importante à la Cour Européenne des Droits de l'Homme sur le sujet, de même que l'œuvre très importante de la Cour de Justice des Communautés Européennes.

Pour revenir dans la Cour Européenne des Droits de l'Homme, c'est grâce à l'invention des avocats des différentes Nations concernées, que le recours individuel est ouvert dans plus de 44 Etats, et que le Droit de l'environnement a pris une autre dimension.

L'ouvrage rappelle que dans le contentieux de Tchernobyl, la plupart des victimes ont obtenu le droit à la continuité des soins et à la surveillance médicale à travers la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme.

Il fallait donc montrer cette idée fondamentale que le Juge reste toujours la pierre angulaire du droit de l'environnement.

En réalité cela prend du temps, les juridictions importantes comme le Conseil d'Etat et la Cour de Cassation, ont mis de très nombreuses années pour renverser leur position et l'on constate très souvent que les décisions des juges favorables à l'environnement ont été dans le passé celles des juridictions du premier degré ou du deuxième degré.

Récemment, le Conseil d'Etat vient de consacrer de façon fulgurante le principe de précaution dans une décision du 12 avril 2013 donnant une véritable feuille de route à l'administration dans le cadre du droit des déclarations d'utilité publique ; la Cour de Cassation a rendu une décision fort remarquée du 25 septembre 2012 dans l'affaire de l'Erika consacrant définitivement la théorie dite du dommage écologique, initiée dans l'affaire des Boues rouges de la Montédison.

Quelles sont les raisons qui justifient ce point de vue ?

C'est dans la forme de l'élaboration de la règle du droit que se fait la droite qualité ; en effet, au Parlement qui est assailli de lobbies, de la loi se fait à coups de compromis ; devant le Juge, il en va tout autrement.

L'indépendance du juge

Le juge a une autre conception. Il est indépendant par statut ; il peut prendre suffisamment de la hauteur pour fixer les lignes de crête que le droit doit rappeler.

Le juge tranche après une procédure contradictoire alors il est indispensable d'apporter devant le Juge des éléments scientifiques ou économiques fondamentaux sous la forme d'expertise.

Il est clair que l'action du juge est déterminante au niveau international.

Les leçons de l'affaire de Bhopal, et j'y explique les raisons de son échec judiciaire liées au statuts des avocats américains et à la volonté du Gouvernement indien de priver les victimes de leurs droits à réparation, expliquent les difficultés d'une extension des pouvoirs du juge.

Dans beaucoup d'Etats, au Venezuela, au Nigéria, de plus en plus de décisions sont rendues qui font application des règles fondamentales du droit de l'environnement, c'est-à-dire la responsabilité des acteurs économiques ultimes, l'indemnisation des dommages écologiques.

Il s'agit là, à mon sens, de la préfiguration de ce que pourrait être une Cour internationale que précisément les Etats ont du mal à créer, puisque pour eux, déléguer une compétence à un juge international est abandonner leurs propres prérogatives.

Les avocats en première ligne

Les procès d'environnement ne s'improvisent pas, ils se travaillent, ils s'organisent, ils se réfléchissent. Les avocats ont une lourde responsabilité, comme les associations, dans le développement du droit de l'environnement, et au maintien de ses principes les plus fondamentaux.

Dans ce domaine, de fait, la jurisprudence n'est donc pas la source secondaire du droit ; on le voit bien, d'un coté, le Ministère de l'environnement prône des états généraux du droit de l'environnement mais continue à instruire des permis d'exploration de gaz de schiste ; on le voit bien aussi, lorsqu'une Commission siégeant auprès du ministère de la justice semble « patiner » autour de la reconnaissance du principe du dommage écologique et pour mettre en œuvre l'idée de l'élaboration d'une loi spécifique modifiant le Code civil préconisée en réalité dans le rapport Lepage remis à Jean-Louis Borloo lors du vote des Lois Grenelle.

Cette idée de développement du droit n'est pas un plaidoyer à la gloire ou au bénéfice des seuls avocats. Ainsi ce qui tourne autour de l'idée d'action de class ou peut conduire à une réforme de l'aide judiciaire applicable aux questions environnementales pourrait aider beaucoup ce sujet.

Pourquoi le Ministère de l'environnement, devant les Tribunaux Administratifs ne se fait-il pas défendre par des avocats bien qu'il plaide trop souvent pour la pollution et non pas pour l'environnement ? Le recours au juge reste bien la garantie de conservation de l'intégralité de la règle environnementale si nécessaire à notre temps et pour nos descendants et cela à quelque niveau qu'elle s'élabore, constitutionnel, en droit interne ou en droit international.

Avis d'expert proposé par Christian Huglo, Avocat fondateur du Cabinet Huglo Lepage & associés.

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3 Commentaires

Zhaoo2000

Le 23/05/2013 à 9h04

Je ne vois pas Huglo cracher sur son épouse ni sur son livre ! Rappelez nous le nom de l'éditeur.
La ministre Lepage aurait du laisser aux juges le soin de rédiger le code de l'environnement !
Mais il faut avoir le choix : polytechnique puis Mines ou capacité en droit.

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VD69

Le 23/05/2013 à 13h34

Le mari de celle qui se présente comme le chantre des conflits d'intérets souhaite quand même faire croitre son chiffre d'affaire et ses bénéfices.
C'est son droit mais ...

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FIRMINOU

Le 28/05/2013 à 7h42

Si on laisse la main aux juges de toute pointure de toute robe on est mal...LES MILLIARDS DE TAPIE ne seront que broutilles ;;;; un vieux pote a amoi disait selon que vous serez puissant ou miserable.....Pour une fois dans ma longue vie je pense qu'il faut laisser la main aux politiques même s'ils ne sont pas toujours objectifs l'urgence de certains problemes ne peut attendre des décisions qui trainent des années voire des decennies c'est de l'avenir de nos enfants qu'il faudra juger et non sur le fondement d'avis basés sur des grimoires illisibles pâr le commun des mortels Les geants de la finance sont trop puissants voyez le te cas des gaz de schiste ils vont saloper nos nappes phréatiques car rien n'arrete les chercheurs de fric

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