Il est nécessaire de "faire évoluer" le service public de gestion des déchets (SPGD), explique un pré-rapport du Comité interministériel à la modernisation de l'action publique (Cimap) que s'est procuré Actu-environnement. Le Cimap estime, à ce stade, que la structuration actuelle des acteurs et des financements "ne permet pas de maximiser les incitations à l'optimisation du service". Faute de "mesures volontaristes", la France n'atteindra pas les objectifs "extrêmement ambitieux, au regard des performances réelles du SPGD", du plan national de prévention des déchets 2014-2025 et du projet de loi sur la transition énergétique. Trois scénarios sont proposés, allant de l'implication opérationnelle des éco-organismes à la "privatisation" totale du SPGD.
En effet, le Cimap juge que le SPGD "est un système complexe qui présente des marges significatives de rationalisation et d'accroissement de la performance". "La multiplicité des acteurs, tant publics que privés, les évolutions technologiques et réglementaires, la pluralité de financements" constituent des disparités pénalisantes qui se traduisent par des "performances environnementales (…) moyennes au regard des objectifs fixés" et des "coûts (…) en forte croissance et des performances économiques (…) très hétérogènes".
Proposer l'organisation du tri aux éco-organismes
A ce stade, le pré-rapport envisage trois scénarios construits autour de trois indicateurs : le volume de déchets ménagers et assimilés (DMA) par habitant, la part des déchets non résiduels et le coût complet par habitant. Un premier scénario, appelé "minimal", propose que les collectivités se fixent comme objectif d'atteindre la performance médiane des collectivités de leur catégorie. Cela permettrait de réduire le coût complet de gestion du SPGD de 856 millions d'euros, soit 8,1% du total, et de réduire les volumes de déchets produits de 936.000 tonnes, soit 3% du volume actuel.
Trois mesures pourraient être appliquées sur la base du volontariat. Tout d'abord, les collectivités confieraient l'organisation du tri et du traitement aux éco-organismes financiers qui les indemniseraient alors à hauteur du coût de référence de la collecte sélective. Les collectivités expérimenteraient aussi la taxe d'enlèvement des ordures ménagères incitative (Teomi) sur une partie du territoire intercommunal ou syndical. Le Cimap envisage ici une application de la Teomi dans les zones rurales avant son extension aux communes à fort taux d'habitat collectif. Enfin, la troisième proposition vise à abaisser les frais de gestion : les collectivités introduisant une part incitative verraient les frais de gestion de la Teom passer de 8% du rendement brut à 5,5%. Celles utilisant la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (Reom), bénéficieraient des soutiens financiers de l'Ademe "recentrés" en leur faveur.
Si toutes les collectivité rurales et 20% des urbaines appliquaient la tarification incitative, le volume des DMA baisserait de 1,8% par rapport à 2011 (4,4% de baisse des ordures ménagères résiduelles (OMR) et 3% d'augmentation du recyclage). Cependant, le Cimap juge que ces mesures "ne constituent pas, à l'évidence, une garantie de la réalisation [des objectifs français]", d'autant plus que la "logique de volontariat des collectivités constitue un point de fragilité" du scénario.
Confier l'organisation du tri aux éco-organismes
Le scénario "moyen" propose que les collectivités aient pour objectif d'atteindre la performance du meilleur quartile de collectivités de leur catégorie. "La mission estime que l'atteinte de ces cibles de performance permettrait une diminution du coût complet de gestion du SPGD d'environ 1,3 milliard d'euros, soit 12,3% de la dépense totale, et une réduction des volumes de déchets produits d'environ 3 millions de tonnes, soit 9% du volume actuel".
Pour arriver à un tel résultat le Cimap propose de confier aux éco-organismes le rôle d'organisateur du tri et du traitement des recyclables secs des ordures ménagères (RSOM). Dans ce cadre, les collectivités vendraient aux sociétés agréées le produit de la collecte sélective à un prix couvrant le coût de référence de la collecte. En contrepartie du renforcement du rôle et du poids financier des éco-organismes, le Cimap propose de renforcer le contrôle et la régulation par l'Etat.
Des mesures financières sont aussi envisagées : rendre obligatoire la mise en œuvre d'une tarification incitative à horizon 2025 ; transformer la Teom en taxe d'enlèvement des ordures ménagères et assimilées, dotée d'une part incitative obligatoire pour les professionnels utilisant le service public ; suppression des réfactions non liées à la performance environnementale applicables à la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP).
Sur le plan environnemental, "la généralisation de la tarification incitative serait susceptible de se traduire par une baisse sensible des DMA (-5,6% par rapport à 2011)", estime le Cimap, ajoutant qu'"au sein des DMA, les OMR connaîtraient une forte baisse (-13,7%) et les quantités recyclées (RSOM et verre) augmenteraient de 9,4%".
Réduire le périmètre du service public
Enfin, le scénario "maximal" propose que les collectivités atteignent la performance du meilleur décile de leur catégorie. Ce scénario "a vocation à servir de cadre à une réforme volontariste du SPGD afin d'en maximiser les gains socio-économiques", estime le Cimap, précisant qu'il permettrait une diminution du coût complet de gestion du SPGD d'environ 1,9 milliard d'euros, soit 18,1% de la dépense totale, et une réduction des volumes de déchets produits d'environ 4,5 millions de tonnes, soit 13% du volume actuel.
Pour y parvenir, le Cimap propose un traitement de choc : une "réduction du périmètre du service public intercommunal de gestion des déchets". Ainsi, "tout ou partie" des compétences de service public serait confié à des acteurs suffisamment solides financièrement pour massifier le traitement des déchets et investir dans le développement des filières de recyclage et de valorisation des déchets. Qui prendrait alors la main ? Les métropoles, les départements, les régions et/ou les éco-organismes. "Une hypothèse maximaliste pourrait même consister à confier intégralement le SPGD à des opérateurs privés", explique le Cimap, précisant que cela se ferait alors dans le cadre d'une délégation de service public. Les opérateurs privés seraient chargés de la collecte, du tri et du traitement des déchets et percevraient directement une redevance auprès des usagers. En matière de tarification incitative, ce scénario est identique au précédent, à la différence près qu'un système de sanction s'ajouterait au mécanisme incitatif.
Le Cimap "est conscient" qu'une telle réduction du périmètre du service public "n'est pas aujourd'hui partagée par ses parties prenantes", mais il "a considéré utile de mentionner cette hypothèse pour l'avenir". En effet, "dans un contexte de mutation de la nature, du périmètre et des responsabilités des collectivités territoriales et de recherche d'une efficience accrue de la dépense publique, la question de l'acteur pertinent pour assurer la collecte et le traitement des déchets ménagers et assimilés n'est pas tranchée".
Contrairement aux autres scénarios, celui-ci n'a pas fait l'objet d'une étude d'impact, officiellement par manque de temps.