La loi de 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire prévoit la publication de plans triennaux de gestion des matières et des déchets radioactifs. Ce plan "dresse le bilan des modes de gestion existants des matières et des déchets radioactifs, recense les besoins prévisibles d'installations d'entreposage ou de stockage, précise les capacités nécessaires pour ces installations et les durées d'entreposage et, pour les déchets radioactifs qui ne font pas encore l'objet d'un mode de gestion définitif, détermine les objectifs à atteindre", indique la loi.
En vue de l'élaboration du prochain plan, pour la période 2013-2015, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a analysé les études produites par les producteurs et détenteurs de matières radioactives (1) sur les filières possibles de gestion dans le cas où ces matières seraient à l'avenir qualifiées de déchets.
90.000 m3 de combustible usé à stocker en cas d'arrêt
Est considérée comme matière radioactive "une substance radioactive pour laquelle une utilisation ultérieure est prévue ou envisagée, le cas échéant après traitement", précise l'ASN. Ainsi, l'uranium appauvri (2) , l'uranium de retraitement (3) et les matières thorifères (4) peuvent actuellement, ou pourraient être, réutilisés dans la fabrication de combustible. Pour l'heure, l'essentiel de ces matières est stocké en vue d'un retraitement, notamment à La Hague. Mais en cas d'arrêt de la filière nucléaire en France, ces matières deviendraient des déchets. Le décret du 23 avril 2012 prévoit donc que les propriétaires de ces matières "mènent, à titre conservatoire, des études sur les filières possibles de gestion dans le cas où ces matières seraient à l'avenir qualifiées de déchets".
Dans son inventaire national des matières et déchets radioactifs, l'Andra a étudié un scénario de sortie du nucléaire : non-renouvellement du parc nucléaire avec une durée de vie des centrales de 40 ans et arrêt du traitement des combustibles usés en 2019. Elle estime que dans ce cas, 90.000 m3 de combustible usé devront être stockés en tant que déchets.
Des projets de stockage à revoir
Concernant l'uranium appauvri et l'uranium de retraitement, Areva, le CEA, EDF et Rhodia ont retenu, dans leurs études, un stockage à faible profondeur, "similaire à celui envisagé par l'Andra en 2009 pour la gestion des déchets FAVL", au sein d'une formation argileuse de faible perméabilité. L'activité massique de ces matières va de quelques kBq/g jusqu'à quelques centaines de kBq/g, et certains radioéléments sont à vie longue, se chiffrant "jusqu'à quelques milliards d'années".
Les études présentées concluent à un impact radiologique et chimique négligeable. Cependant, l'ASN estime que "la profondeur envisagée rend les stockages vulnérables à l'intrusion humaine et aux phénomènes naturels susceptibles de survenir sur le long terme, et que le maintien dans le temps de conditions favorables à la limitation du relâchement des radionucléides ne peut être garanti". Elle considère donc que les études des exploitants devraient être approfondies, notamment par des évaluations de l'impact radiologique et chimique prenant en compte les voies de transfert eau, air et sol pour des scénarios d'évolution normale ainsi que des évaluations de l'impact pour des scénarios d'évolution altérée. "Le respect des orientations de sûreté édictées par l'ASN pour de tels centres de stockage devrait notamment être justifié dans le cadre de ces études". De plus, les exploitants devraient "approfondir leur réflexion en prenant en compte des conditions géologiques plus particulièrement favorables au confinement et à l'isolation des matières dans le cas où celles-ci seraient à l'avenir qualifiées de déchets, sur une durée aussi longue que possible, et en évaluant les conséquences des phénomènes géodynamiques et climatiques sur ces conditions".
Concernant les matières thorifères, Areva et Rhodia envisagent un stockage à couverture remaniée. "L'ASN considère que la plus faible activité massique du nitrate de thorium et plus particulièrement de l'hydroxyde de thorium permettrait d'envisager ce type de stockage selon l'inventaire complet des déchets qui relèveraient in fine d'un tel stockage et des conditions de site". Les producteurs doivent néanmoins "tenir à disposition de l'Andra et de l'ASN l'inventaire radiologique et chimique détaillé des matières concernées afin notamment d'être en mesure d'analyser leur acceptabilité dans les filières de stockage en projet".