Plus grande marge de manœuvre aux Etats membres
Tout d'abord, la Commission propose un règlement visant à modifier la directive de 2001 sur la dissémination volontaire d'OGM dans l'environnement. Les États membres seraient en mesure de restreindre ou d'interdire la culture d'OGM sur la totalité ou une partie de leur territoire sans activer la complexe clause de sauvegarde et pour des motifs autres que ceux fondés sur une évaluation scientifique des risques pour la santé et l'environnement. ''Leurs décisions ne devront pas être autorisées par la Commission, mais ils seront tenus d'informer celle-ci et les autres États membres un mois avant l'adoption des mesures concernées'', précise l'exécutif européen. Ce règlement doit encore être adopté par le Parlement et le Conseil.
Ensuite, la Commission européenne propose une nouvelle approche quant aux mesures sur la coexistence entre cultures OGM et cultures conventionnelles ou biologiques destinées à maintenir un taux d'OGM dans les aliments inférieur au seuil d'étiquetage de 0,9%. L'actuelle recommandation, qui date de 2003, conseille aux Etats membres de limiter les mesures de coexistence (par exemple la longueur des distances entre parcelles avec OGM et sans OGM) tant que ce seuil est respecté. Désormais, la nouvelle recommandation proposée par la Commission vise à ce que les mesures de coexistence assurent une teneur en OGM la plus basse possible par rapport au seuil d'étiquetage. Pour ce faire, les Etats membres pourraient par exemple établir des zones ''sans OGM''.
A l'origine de ce changement de doctrine, une ''découverte'' faite par la Commission : ''la perte de revenus potentielle pour les producteurs ne recourant pas aux OGM, dans le secteur de l'agriculture biologique et parfois conventionnelle, ne se limite pas aux cas dans lesquels le seuil d'étiquetage est dépassé. La présence d'OGM dans certains produits alimentaires peut porter préjudice aux exploitants qui souhaiteraient les commercialiser comme ne contenant pas d'OGM''. Un constat mis en évidence dès octobre 2008 dans un rapport de Greenpeace, ou encore en mai 2009 par le Conseil national [français, Ndlr] de la consommation…
Risques juridiques
Si ces deux mesures donnent une plus grande marge de manœuvre en matière d'OGM aux Etats membres, elles sont loin de contenter les écologistes. Car demeure le système européen d'autorisation de mise sur le marché des OGM, assuré par la très contestée Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa).
Pour l'eurodéputé Verts allemand Martin Häusling, cette proposition est un ''dangereux marché de dupes : au sein du marché intérieur, les semences et produits génétiquement modifiés circuleront librement. La contamination ne s'arrête pas aux frontières. (…) La Commission ferait mieux de s'assurer que de strictes mesures de coexistence seront mises en œuvre dans tous les Etats membres''.
Les écologistes estiment aussi que les pays voulant interdire les OGM encourent des risques juridiques face aux sociétés de biotechnologies qui les développent, tant que sera maintenue une procédure d'autorisation à l'échelle européenne. A l'heure actuelle, plus de dix demandes d'autorisation de cultures d'OGM sont en cours d'examen, dont quatre à un stade avancé, indique la Commission européenne : renouvellement de l'autorisation du maïs OGM MON810 (Monsanto), autorisation des maïs Bt 1507 et Bt 11 (Pioneer) et du maïs NK 603 (Monsanto).
Pour l'eurodéputée Corinne Lepage (Alliance des démocrates et des libéraux, ALDE), ''la proposition de la Commission est inacceptable car elle ne donne aux Etats membres aucune base juridique solide pour interdire des OGM. Seule une réforme de l'expertise européenne permettra de faire avancer le débat sur les OGM''.