Aujourd'hui, pouvoirs publics, actionnaires, salariés et citoyens souhaitent avoir davantage d'information sur les entreprises. Leurs activités impactent directement d'autres personnes que les associés ou actionnaires : les parties prenantes. Conscients de cette demande croissante, les pouvoirs publics ont peu à peu légiféré sur cette question. Mais quelle place accorder aux informations extra financières et quel crédit leur apporter lorsqu'elles émanent des entreprises elles-mêmes ?
Le principe d'un rapport social et environnemental obligatoire mal appliqué
La loi sur les nouvelles régulations économiques a rendu obligatoire, pour les sociétés françaises cotées sur un marché réglementé, l'établissement d'un rapport annuel de leur gestion sociale et environnementale au travers de leur activité. Environ 700 entreprises sont concernées, celles qui sont cotées en Bourse et de droit français. Elles sont désormais tenues de rendre compte annuellement de leurs impacts sociaux et environnementaux dans le cadre du rapport de gestion que présente le conseil d'administration, ou le directoire, à l'assemblée générale des actionnaires.
Le décret du 20 février 2002 détaille la liste des informations qui doivent être fournies : informations sociales internes (effectifs, formation, hygiène, sécurité, parité, handicap…), impact territorial de l'activité (filiales, sous-traitants, lien au territoire) et environnement (rejets dans l'air, l'eau et le sol…). En avril 2004, l'Observatoire sur la responsabilité sociale des entreprises (ORSE) a remis au Gouvernement un rapport portant « bilan critique de l'application par les entreprises de l'article 116 de la loi NRE ». D'après l'ORSE, la majorité des 700 sociétés concernées n'a pas respecté la loi.
Certaines entreprises, en particulier les plus importantes, ont certes rendu un rapport spécifique, souvent appelé rapport de développement durable. Mais seule la moitié des entreprises du CAC 40 s'est engagée dans une démarche de développement durable, formalisée dans le rapport ou dans une lettre du président.
Ce bilan a été confirmé en 2007 par la mission d'inspection conjointe IGE/IGAS/CGM, chargée d'évaluer l'application de l'article 116 de la loi sur les nouvelles régulations économiques. Cette mission a conclu dans son rapport d'août 2007 que, bien qu'ayant contribué à sensibiliser les grandes entreprises françaises sur la responsabilité sociétale des entreprises, la loi NRE était encore mal appliquée dans toutes les entreprises concernées par le périmètre actuel de la loi.
La loi semble rencontrer des difficultés de mise en œuvre chez les entreprises… Pourtant le Grenelle de l'environnement a décidé d'étendre l'obligation d'inclure dans le rapport de gestion des données sociales et environnementales à toutes les entreprises qui ne répondent pas aux définitions française et communautaire de la PME.
Mais ce principe pose question aujourd'hui alors qu'aucun outil d'évaluation commun n'existe et qu'aucune démarche de certification n'a été mise en place…
Vers la mise en place d'outils d'évaluation et de certification ?
En matière de développement durable, nous disposons d'outils d'évaluation. Un certain nombre d'entreprises présentent déjà un bilan carbone et déchet. Dans le domaine des ressources humaines, nous utilisons des indicateurs comme le coût des accidents du travail, de l'absentéisme, du stress…, note Daniel Lebègue. Mais au sein du Comité Entreprises et RSE que je présidais lors du Grenelle de l'environnement, nous avons fait un constat : les méthodes d'évaluation restent assez frustres et hétérogènes. Ce qui empêche de réaliser un réel benchmarking [NDLR : analyse comparative] et de créer une émulation. Il serait de bonne méthode d'essayer de bâtir une batterie d'indicateurs communs (8, 10 ou 12) à tous les secteurs, que l'on complèterait avec des indicateurs sectoriels. Retenons pour cela la démarche du Grenelle qui associait régulateurs publics, industriels, associations et parties prenantes. Il serait également nécessaire de porter ce travail au niveau européen puis international.
La mise en place d'indicateurs communs permettrait d'accroître la visibilité et la transparence, qui font défaut aujourd'hui. Les entreprises fournissent aujourd'hui aux actionnaires des informations financières et extra financières. Mais quelle fiabilité apporter à ces deuxièmes informations ? Certes, beaucoup d'entreprises les établissent avec sérieux mais pour l'instant il n'existe aucune procédure de certification. Il faudrait étendre au champ de la RSE le rôle des commissaires aux comptes.
Article publié le 26 mars 2009