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Sites naturels de compensation : les opérateurs redoublent de prudence

Le dispositif des sites naturels de compensation est désormais opérationnel. Au plan réglementaire du moins. Les opérateurs potentiellement intéressés par ce nouveau métier font en effet preuve d'une grande prudence.

Biodiversité  |    |  L. Radisson
Environnement & Technique N°371
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°371
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C'est un nouveau métier que la loi de reconquête de la biodiversité pourrait potentiellement faire naître. Avec la consécration de la compensation écologique par l'offre, des opérateurs de sites naturels de compensation sont aujourd'hui susceptibles de proposer leurs services sur le marché.

Le dispositif réglementaire est en place avec la parution début mars de deux décrets relatifs à l'agrément des sites, complété courant avril par un arrêté relatif à la composition du dossier de demande d'agrément. Mais les acteurs censés être intéressés ne se bousculent pas au portillon comme l'a montrée une rencontre dédiée à la compensation écologique organisée le 19 mai par CDC Biodiversité.

Une grande robustesse économique nécessaire

"Nous ne voulons pas nous emparer du marché", prévient tout de go Laurent Piermont, président de la filiale de la Caisse des dépôts dédiée à la biodiversité, qui se dit ouvert à des partenariats avec de potentiels opérateurs de compensation.

Il faut dire que l'expérimentation menée par la CDC Biodiversité depuis 2008 dans la plaine de Crau n'a pas donné tous les résultats escomptés. S'ils se révèlent satisfaisants en termes écologiques, comme le montre la recolonisation du site par l'outarde canepetière, il n'en va pas de même en termes économiques. La filiale de la Caisse des dépôts a vendu près de la moitié des unités de compensation à six aménageurs alors que 90% auraient déjà dû l'être d'après son scénario initial.

"Un véritable site naturel de compensation nécessite un portage financier impliquant, sous peine d'échec, une grande robustesse économique de l'opérateur de compensation", conclut CDC Biodiversité qui reconnaît que la rentabilité financière de l'opération Cossure n'est pas au rendez-vous. Les textes réglementaires exigent d'ailleurs des opérateurs, comme de leurs éventuels sous-traitants, qu'ils disposent des capacités techniques et financières suffisantes ainsi que des droits sur les terrains d'assiette du site de compensation, assortis d'une durée minimale d'engagement de 30 ans.

Risque de conflit d'intérêt

La question de la robustesse économique est en effet au cœur des interrogations de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) qui mène actuellement une réflexion pour savoir si elle saute le pas. "Avons-nous les reins assez solides pour y aller ?", se demande Dominique Aribert, directrice du pôle conservation de la nature de l'ONG, qui possède une grande expérience en matière de génie écologique et de gestion des zones humides dans l'Ouest de la France.

Mais d'autres questions interpellent aussi l'association de protection de la nature. Et en particulier celle du risque de cautionner des projets destructeurs de la nature en proposant une offre de compensation. "Cela nous pose une question de gouvernance, il y va de notre crédibilité", explique Mme Aribert qui explique que les questions d'évitement et de compensation ne devront pas être traitées par les mêmes personnes au sein de l'ONG.

"La question des conflits d'intérêt est central", estime d'ailleurs Gilles Martin, professeur de droit, qui pointe même un risque de collusion entre aménageurs et opérateurs de compensation. La raison ? Le fait que les agréments portent sur les sites et non sur les opérateurs, explique le juriste spécialisé en droit de l'environnement. En outre, ajoute-t-il, l'absence d'outils de régulation du marché de la compensation fait peser des risques d'entente, de position dominante et d'atteintes à la concurrence.

Etre propriétaire de zones dégradées

D'autres questions se posent aux candidats opérateurs de compensation en termes de maîtrise foncière, d'équivalence écologique, de durée de la compensation ou encore de gestion administrative. Concernant la maîtrise foncière, faut-il faire appel à des outils contractuels, aux obligations réelles environnementales également mises en place par la loi biodiversité ou à une acquisition en bonne et due forme ? "Pour les zones humides, hors acquisition, point de salut", estime Dominique Aribert.

Pour mettre en œuvre l'équivalence écologique et l'exigence d'absence de perte nette de biodiversité, "il est nécessaire d'être propriétaire de zones dégradées", souligne en outre cette dernière. En effet, "la compensation ne doit pas venir en substitution de fonds publics dévolus à des espaces protégés, sinon il y n'y aura pas de plus-value", prévient la représentante de la LPO.

Aussi, la partie acquisition constitue-t-elle "un gros boulot en amont", ajoute-telle. Un point de vue partagé par Pascal Clerc du conseil départemental des Yvelines, qui propose d'ores et déjà six ou sept sites de compensation mais se dit "rattrapé par la question de la disponibilité foncière". A cet égard, "se pose la question du rôle des Safer pilotées par le monde agricole et globalement hostile à la compensation écologique", pointe Dominique Aribert. La localisation des sites pourrait toutefois être facilitée par l'Agence française pour la biodiversité (AFB) chargée d'un inventaire national des espaces mobilisables pour la compensation.

Autre point d'inquiétude ? Le financement des sites à la fin des opérations de compensation. "Un peu d'argent rentrera avec la location des sites aux agriculteurs, mais comment financer l'entretien des réseaux hydriques, la lutte contres les espèces invasives, etc.", interroge Mme Aribert.

Certes le maître d'ouvrage reste juridiquement responsable de la mise en œuvre des opérations de compensation, mais le risque financier et les incertitudes liées au développement de ce nouveau marché laissent les acteurs privés sur leurs gardes. Peut-être une bonne nouvelle pour ceux qui dénonçaient le risque de financiarisation de la nature lié à ce dispositif ?

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