Érosion, diminution des teneurs en matières organiques, contamination, salinisation, tassement des sols, appauvrissement de la biodiversité, imperméabilisation, inondations et glissements de terrain : la communication "Vers une stratégie thématique pour la protection des sols" de la Commission européenne identifie ainsi 8 menaces qui pèsent sur les sols européens. Les conséquences ne seraient pas qu'environnementales. La dégradation des sols coûterait près de 38 milliards d'euros par an aux Etats membres, selon le bureau européen de l'environnement (EEB).
Une des solutions envisagée pour lutter contre certains de ces impacts pourrait passer par l'épandage de compost. Afin de vérifier l'intérêt pour les sols de cette démarche, l'équipe de Sabine Houot, directrice de recherche à l'Inra dans l'unité mixte de recherche Environnement et grandes cultures mène depuis 1998, une expérimentation (1) dans 6 hectares de champs de la commune de Feucherolles (Yvelines). Les scientifiques testent la réalité du lien entre les caractéristiques des produits épandus et les effets constatés sur les sols. Ils comparent trois types de composts : issus d'ordures ménagères résiduelles (après la collecte sélective des emballages), de bio-déchets des ménages (fraction fermentescible) ou de boues et de déchets verts avec un amendement de référence, le fumier (ici de bovins). Ils ont également prévu un traitement témoin sans apport organique. Les épandages sont réalisés tous les deux ans à des doses équivalentes à quatre tonnes de carbone organique /hectare sur différentes parcelles. " Nous avons volontairement augmenté les fréquences et les doses apportées par rapport aux usages des agriculteurs pour accélérer les effets", précise Sabine Houot. Les sols de l'étude présentent les mêmes caractéristiques que celles habituellement retrouvées dans le bassin parisien : limoneux, pauvres en matières organiques, avec un pH légèrement acide et sensibles à la battance (formation d'une croute imperméable à leur surface sous l'action de la pluie).
Des mécanismes d'actions différents selon les composts
Les premiers résultats montrent effectivement une efficacité différente selon le type d'apport. Le compost de biodéchets et le co-compost de boues et déchets verts présenteraient ainsi des meilleurs résultats pour l'augmentation du stock de matière organique dans les sols que celui d'ordures ménagères résiduelles. Les scientifiques ont également remarqué qu'au bout d'une dizaine d'épandages, le rendement des traitements organiques s'avère équivalent à celui d'une fertilisation minérale. Les composts pourraient par ailleurs servir d'amendements calciques (pour augmenter le pH des sols acides). Autre constat important : depuis le début de l'expérimentation, les apports de matières organiques ont conduit à augmenter la stabilité de la structure des sols. " Au bout de 10 ans de mesures, nous observons que la stabilité est équivalente pour toutes les parcelles amendées mais avec des dynamiques différentes", note la scientifique, "celles qui reçoivent un compost encore biodégradable présentent des pointes transitoires d'augmentation de la stabilité des agrégats immédiatement après l'apport alors que pour celles qui bénéficient de composts stables, l'augmentation est progressive". Cet écart s'explique par deux mécanismes d'action différents. Le compost d'ordures ménagères résiduelles en stimulant l'activité biologique (microbienne et fongique) du sol augmente la stabilité de la structure. Les polysaccharides issus de la décomposition de la matière organique jouent le rôle d'une colle qui assemblent les particules de sols les une avec les autres. Les filaments mycéliens quant à eux consolident aussi les agrégats de sol et les rendent plus solides. Les composts de bio-déchets ainsi que celui de déchets verts et de boues auront un effet moins important mais plus pérenne. Ils améliorent la stabilité grâce à leur efficacité pour augmenter la matière organique présente dans le sol. Cette dernière augmente la cohésion des agrégats et les rend plus hydrophobes et leur permet ainsi de mieux résister au stress hydrique : lors d'un épisode pluvieux, ils s'humectent plus lentement. "Notre sol témoin, sur lequel nous n'apportons aucun traitements, présente toujours une stabilité plus faible que les sols amendés", souligne Sabine Houot.