Le dispositif réglementaire permettant le renouvellement des concessions hydroélectriques est désormais en place. Le décret relatif aux modalités d'attribution et d'exploitation de ces concessions est en effet paru au Journal officiel du 30 avril 2016. Il fait suite à une ordonnance, parue la veille, relative au régime de sanctions applicables et aux règles d'occupation foncière des installations, ainsi qu'à deux arrêtés sur les redevances et la fin des concessions.
Un objectif de production de 63 TWh en 2023
L'hydroélectricité représente 11% de la production d'électricité annuelle et 61% de la production électrique d'origine renouvelable, rappelle Ségolène Royal. L'arrêté du 24 avril 2016 relatif aux objectifs de production des EnR fixe un objectif de 25.300 MW de puissance installée pour l'hydroélectricité en 2018, 25.800 MW en 2023 (26.050 MW pour l'option haute). En termes de production, l'objectif est de 61 TWh en 2018 et 63 TWh en 2023 (64 TWh pour l'option haute). L'objectif est également d'engager d'ici 2023 des projets de stockage sous forme de stations de transfert d'électricité par pompage, en vue d'un développement de 1 à 2 GW de capacités entre 2015 et 2030, ajoute l'arrêté.
"Pas de privatisation"
Mme Royal semble vouloir donner des gages à ces derniers, titrant son communiqué "pas de privatisation, mais des sociétés d'économie mixte et des regroupements possibles". Et de rappeler sur le premier point : "La loi assure le maintien du statut des industries électriques et gazières et la reprise des salariés aux mêmes conditions, lors des renouvellements de concessions". La ministre ajoute que la loi de transition énergétique permet également "la prolongation des concessions lorsque des investissements importants peuvent être réalisés dans le respect du droit des concessions".
Concernant les regroupements de concessions, le décret précise les conditions dans lesquelles ils sont possibles : influence hydraulique moyenne ou forte entre les deux aménagements, alimentation par une même retenue en amont ou déversant dans une même retenue en aval, premier aménagement constitué d'un barrage-réservoir alimentant directement le second en aval, etc. La loi prévoit des regroupements lorsque les aménagements sont hydrauliquement liés et peuvent être exploités de manière coordonnée.
De même, le décret fixe la procédure de création des sociétés d'économie mixte (Sem) hydroélectriques. La loi prévoit en effet que de telles sociétés, associant des opérateurs compétents, des collectivités locales et l'Etat peuvent être créées au moment du renouvellement des concessions.
La publication de ce texte permettra "d'engager d'ici la fin de l'année les premiers regroupements de concessions, et le renouvellement de concessions échues, le cas échéant avec la création de sociétés d'économie mixte hydroélectriques", assure Ségolène Royal. Cette dernière ne fait toutefois pas état d'appels d'offres, malgré ses déclarations à l'occasion de la discussion de la loi de transition énergétique. De même, aucune mention d'appels d'offres pour l'hydroélectricité ne figure dans l'arrêté qui fixe les objectifs de développement des énergies renouvelables (EnR), à l'exception de l'appel d'offres pour la petite hydroélectricité.
Il semble donc que le gouvernement veuille privilégier l'ouverture de dialogues préliminaires avec les candidats plutôt que de véritables appels d'offres. Ce que certains énergéticiens étrangers avaient pointé comme un risque de favoriser les concessionnaires sortants au détriment des nouveaux entrants sur le marché français.
Répondre aux enjeux soulevés par la Commission
En même temps, Ségolène Royal entend rassurer Bruxelles. La ministre de l'Environnement assure ainsi que la mise en œuvre des dispositifs prévus par la loi de transition énergétique "répondra aux enjeux soulevés par la Commission européenne dans le cadre du contentieux ouvert à l'encontre de la France".
Le décret "met en cohérence les règles d'attribution des concessions hydroélectriques avec les textes de transposition de la directive relative aux contrats de concession", indique également la ministre. Le Gouvernement a en effet publié une ordonnance et un décret début février afin de transposer cette directive.
Le texte permet par ailleurs "d'initier la création de nouvelles concessions sans attendre le dépôt d'un projet, et d'attribuer un complément de rémunération dans le cadre du contrat de concession", indique Mme Royal.
Il rénove en outre le modèle de cahier des charges des concessions afin de "s'adapter aux pratiques actuelles en matière de contrats de concession de service public", ajoute la ministre. En effet, le décret contient en annexe un modèle de cahier des charges comprenant 89 articles. Il précise l'articulation des dispositions réglementaires avec les dispositions contractuelles applicables aux concessions. Le texte précise également les modalités de mise en place des comités de suivi des concessions qui visent à faciliter l'information des collectivités territoriales et des riverains sur l'exécution de la concession, et leur participation à la gestion des usages de l'eau, ajoute Ségolène Royal.
Energéticiens dans les startings-blocks
Si certains prétendants semblent avoir abandonné la partie devant les atermoiements de la France. D'autres, au contraire, sont dans les starting-blocks.
Ainsi, Emmanuel Soetaert, président de la branche française du groupe norvégien Statkraft, se dit "très satisfait de la publication du décret" et se félicite qu'un calendrier soit annoncé. "Plus intéressé que jamais", le représentant du groupe international se déclare prêt à débuter le processus de préqualification. Seul bémol à cette envolée d'optimisme, M. Soetaert souhaite vérifier certains aspects techniques de ce texte de 45 pages, en particulier sur les conditions de regroupement des concessions, le calcul du barycentre utilisé pour procéder à ce regroupement, ainsi que sur la possibilité de proroger les concessions sous conditions d'investissement.
Reste à savoir si la Commission européenne partage cet optimisme sur la réelle volonté de Paris d'ouvrir le marché à la concurrence.