Cookies

Préférences Cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site. Certains sont essentiels, d'autres nous aident à améliorer le service rendu.
En savoir plus  ›
AccueilArnaud GossementConférence environnementale : la promesse de la simplification

Conférence environnementale : la promesse de la simplification

A l'occasion de la clôture de la conférence environnementale, le Premier ministre a promis que le droit - de l'énergie et de l'environnement – serait simplifié. Une simplification très attendue mais à risques depuis la publication d'un rapport CGEIET/CGEDD peu favorable aux énergies vertes.

Publié le 17/09/2012

La conférence environnementale qui s'est tenue ces 14 et 15 septembre 2012 avait pour sujet principal la transition énergétique. Les discussions sur ce sujet devaient être préparées au moyen d'un rapport sur l'éolien et le solaire commandé par les ministres de l'écologie et du redressement productif au CGEIET (Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies) et au CGEDD (Conseil général de l'environnement et du développement durable). Un rapport qui proposait, une fois de plus, d'empiler de nouvelles procédures et contraintes administratives sur les filières des énergies renouvelables. Le Premier ministre semble ne pas lui avoir donné de suite. Au contraire, il a annoncé l'ouverture d'un chantier sur la simplification du cadre juridique applicable à l'énergie. Toutefois, tout travail de simplification du droit peut aussi produire l'inverse de l'effet attendu. En clair, les thèses et idées développées dans le rapport précité pourraient de nouveau être mises sur la table à l'occasion de cette réforme. Le diable pourrait se cacher dans les détails et dans ce rapport. Il est donc urgent de proposer une autre boite à idées.

Simplifier le droit de l'énergie éolienne

Le Premier ministre a tout d'abord annoncé une simplification des règles de droit applicables à la production de l'énergie éolienne : « Alors pour développer les énergies renouvelables, j'y reviens, les acteurs de ce secteur ont besoin d'un cadre réglementaire stable qui soit en même temps transparent et favorable aux investissements. Nous allons donc simplifier nos procédures administratives tout en maintenant un haut niveau d'exigence environnementale ». Une promesse de simplification bienvenue. Elle n'est cependant pas nouvelle. Elle avait déjà été formulée à plusieurs reprises par le Gouvernement précédent sans résultat concret.

Première mesure d'urgence annoncée par le Premier ministre pour démontrer son engagement en faveur de la simplification : le maintien de l'obligation d'achat d'électricité renouvelable mais la suppression des « zones de développement de l'éolien » : « Je réaffirme ici mon soutien à la filière éolienne et au dispositif d'obligation d'achat. Le gouvernement simplifiera les procédures de planification en supprimant l'obligation d'appartenir à une zone de développement de l'éolien ; d'ici la fin de cette année, un tarif d'achat adapté à l'éolien en outre-mer sera également mis en place pour permettre le développement de capacités adaptées aux contraintes des systèmes électriques non interconnectés ».

Pour comprendre l'enjeu, rappelons que le dispositif de l'obligation d'achat – par EDF notamment – du courant produit par les éoliennes comporte plusieurs éléments. La machine doit tout d'abord être installée au sein d'une « zone de développement de l'éolien terrestre » (ZDE). La procédure permettant sa création est définie par de simples circulaires et est fragile juridiquement. Les tribunaux administratifs ont annulé à plusieurs reprises des arrêtés par lesquels des préfets ont désigné des ZDE. Cette procédure de ZDE est devenue surabondante dès lors que les « schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie » (SRCAE) prévoient également la désignation de « zones favorables » à l'intérieur desquelles devront être créées les ZDE. Des « zones dans les zones » à la manière de poupées russes. Devenues une source majeure d'insécurité majeure, les ZDE devaient être supprimées. Cela suppose l'élaboration d'une loi. Quand interviendra-t-elle ? Nul ne le sait encore. A l'écoute de la déclaration orale du Premier ministre, il semblait que les ZDE devaient être supprimées avant la fin de l'année et donc avant le terme du débat sur la transition énergétique. La lecture de la version écrite du discours et l'attention portée à la ponctuation semblent au contraire indiquer qu'aucun calendrier n'est encore défini. Il conviendra sur ce point d'attendre la version écrite de la « feuille de route » qui doit être publiée cette semaine.

Toujours est-il que le travail de suppression des ZDE présente des risques. Si le Gouvernement s'inspire du rapport CGEIET – CGEDD, il pourrait alors être tenté de rendre plus rigoureux encore le travail de définition des « zones favorables » au sein des SRCAE pour les rendre plus précises encore et ajouter de nouvelles contraintes environnementales, paysagères, urbanistiques. Les SRCAE élaborés ou en cours d'élaboration seraient alors remises en question. Pendant ce temps, le cadre juridique applicable à l'obligation d'achat demeurerait incertain. Par ailleurs, comme pour toute réforme : quelle serait sa date d'entrée en vigueur ? L'obligation de justifier d'une ZDE pour bénéficier de l'obligation d'achat sera-t-elle supprimée pour tous les parcs existants ou à venir ? Les questions sont multiples. Autre risque : celui de voir la suppression des ZDE « compensée » par la création - comme le suggère le rapport CGEIET/CGEDD – par la création de « zones d'accueil des éoliennes » au sein des SCOT et des PLU. Une nouvelle procédure administrative qui pourrait s'avérer redoutablement contraignante pour les producteurs d'énergie du vent. Last but not least, les défenseurs de la ZDE estiment qu'elle permettrait aux élus locaux de garder la maîtrise de leurs territoires. Une erreur puisque la ZDE n'est – officiellement - pas un document d'urbanisme. Reste que cette idée a la vie dure. Il conviendra donc de rester vigilant sur la suite donnée par le Gouvernement à cette proposition du rapport CGEIET /CGEDD : donner la compétence au maire et non plus au Préfet pour délibérer le permis de construire d'un parc éolien. Il n'est pas certain que les maires soient demandeurs de ce transfert de compétence qui reviendrait à les exposer un peu plus aux pressions et passions qui précèdent parfois la réalisation d'un parc éolien. Et la mesure serait synonyme d'usine à gaz : le maire délivrerait le permis de construire pendant que le Préfet délivrerait l'autorisation d'exploiter ICPE.

Autre annonce du Premier ministre : le tarif d'achat éolien. Pour mémoire, le tarif d'achat est actuellement « gelé ». Le Conseil d'Etat a effet rendu, ce 15 mai 2012, un arrêt aux termes duquel il a sursis à statuer sur le recours d'une association tendant à l'annulation de l'arrêté de 2008 fixant le tarif d'achat de l'énergie éolienne. Le Conseil d'Etat a posé une « question préjudicielle » à la Cour de justice de l'Union européenne relative à la légalité de cet arrêté tarifaire. Une épée de Damoclès continue de se balancer au-dessus  de la filière éolienne. Une incertitude juridique que n'apprécient pas les investisseurs et les banques. Résultat : le financement des parcs éoliens est devenu très difficile. Les professionnels réunis au sein de l'association France Energie Eolienne n'ont donc eu de cesse, avant la conférence environnementale, de réclamer le rétablissement rapide d'un arrêté tarifaire. Dans le sens complètement inverse, le rapport CGEIET CGEDD propose la suppression progressive du tarif d'achat dans un délai de cinq ans et la généralisation du système de l'appel d'offres : une procédure administrative de plus, des recours en justice de plus. Notons également que le Premier ministre a annoncé un débat centré sur la CSPE (contribution au service public de l'électricité) qui pourrait, potentiellement, permettre aux opposants de remettre en cause le mécanisme actuel de financement des énergies renouvelables.

Contrairement à ce qu'attendaient les professionnels de l'éolien, le Premier ministre a tout juste réaffirmé son « soutien » au « dispositif d'obligation d'achat ». Ce qui demeure très imprécis. Il n'a donc pas pris parti et n'a pas précisé s'il entend rétablir rapidement un arrêté tarifaire pour sécuriser le financement des parcs. Tout reste donc ouvert et il faudra convaincre le Gouvernement de ne pas étendre le dispositif de l'obligation d'achat fondé sur l'appel d'offres aux parcs éoliens terrestres : le risque subsiste. Enfin, s'agissant de simplifier le droit, on regrettera que le Premier ministre n'ait pas été plus précis à l'endroit des nombreux freins au développement de l'éolien, mis en place en 2010 : distances d'éloignement, minimun de 5 mâts par parc, classement ICPE des machines… le rapport CGEIT/CGEDD ne propose rien de concret à ce sujet. Espérons que le Gouvernement ne limitera pas son effort de simplification aux seules ZDE.

Simplifier le droit de l'environnement

La promesse de simplification devrait s'étendre à toutes les énergies renouvelables, au-delà de l'éolien. Aucune annonce précise n'a cependant été faite les concernant. S'agissant du solaire, le Premier ministre a surtout confirmé le système actuel de l'appel d'offres sans se prononcer sur ses seuils de déclenchement ni sur l'objectif global, toujours fixé à 5.400MW d'ici à 2020. Un objectif guillotine fort bas. Le discours du Premier ministre précise ici :

« Quant à la filière solaire, elle a un avenir en France et en Europe à condition que nous misions très précisément sur la qualité car nos entreprises doivent se sentir pleinement soutenues et je pèse mes mots. Un appel d'offres sera lancé avant la fin de l'année 2012 pour justement favoriser de grandes installations visant à promouvoir des technologies innovantes ainsi que le développement local. Il faudra privilégier les grands espaces de toits pour éviter la consommation d'espaces agricoles. Au début de l'année 2013, les volumes cibles de ces projets déclenchant l'ajustement tarifaire, seront stabilisés en fonction du retour d'expérience sur les projets réalisés depuis 2011 »

Par ailleurs, les énergies renouvelables dans leur ensemble ont besoin d'une simplification du droit de l'environnement. Celle-ci aussi a été annoncée par le Premier ministre. On s'en réjouira. Toutefois, dans le même temps, plusieurs nouvelles lois sont annoncées : loi-cadre sur la biodiversité, loi-cadre sur l'énergie, loi sur l'artificialisation des territoires. Espérons que le vote de ces nouvelles dispositions n'ait pour seul effet de faire enfler les codes de l'environnement et de l'urbanisme. Espérons qu'elles seront précédées d'une véritable réflexion sur leur codification et la simplification préalable du cadre juridique existant. De même, il faudra rester vigilant au débat sur les « conflits d'usage ». L'objectif de lutte contre l'artificialisation des terres, notamment agricoles, est précieux. L'étalement urbain est, on le sait, une des principales menaces écologiques qui pèse sur notre pays. Toutefois, la recherche de cet objectif peut aussi aboutir à une multiplication des procédures lors de l'élaboration des documents de planification et lors de l'instruction des demandes d'autorisations administratives. Il faudra aussi clarifier l'articulation entre l'objectif de développement des énergies renouvelables, notamment en zones agricoles, littoral et montagne et l'objectif de non-artificialisation des sols. On ne peut pas à la fois exiger que les centrales éoliennes ou solaires soient éloignées des zones urbaines ou à urbaniser tout en les interdisant au sein des zones non urbanisées.

Pour une europe de l'énergie.

La promesse de simplification du droit exprimée par le Premier ministre est bienvenue. Toutefois, comme cela vient d'être rapidement souligné elle présente aussi des risques. Il semble donc que l'avenir du droit applicable aux énergies renouvelables puisse de nouveau susciter des débats sans fin. Comment en sortir ? En s'interrogeant sur le bon niveau de réflexion. Qui n'est peut-être pas national mais bien plus sûrement européen. C'est en effet au sein des institutions de l'Union européenne qu'ont été élaborés, en 2009, les objectifs de développement des économies d'énergie et des énergies renouvelables. Il serait utile, désormais que les moyens de les atteindre fassent également l'objet d'une définition et d'un travail d'harmonisation au plan européen. Le Président de la République a annoncé son engagement pour cette europe de l'énergie : sans doute la meilleure nouvelle de cette conférence environnementale.

Chronique proposée par Arnaud Gossement, avocat en droit de l'environnement et ancien acteur du Grenelle de l'environnement.

Les Blogs sont un espace de libre expression des abonnés d'Actu-Environnement.

Leurs contenus n'engagent pas la rédaction d'Actu-Environnement.

5 Commentaires

Lebionico

Le 17/09/2012 à 12h31

Moins il y a d'acteurs impliqués, plus les chances de réussite d'un projet sont importantes. Ce n'est certainement pas en mêlant les technocrates européens qu'on va se sortir du problème ! L'énergie doit être produite et utilisée localement, c'est à mon sens le challenge des communes, des communautés de communes et autres juridictions locales qui sont les seules à connaître les potentiels exploitables localement et qui connaissent (j'espère) suffisamment bien leurs élus pour fixer les limites d'un projet (3, 4 , 5, 6 éoliennes) et motiver les troupes vers la réussite.

Signaler un contenu inapproprié

Guydegif(91)

Le 17/09/2012 à 17h05

Bonjour,
Simplifions mais Avançons !!
Qqs ''morceaux choisis'' somptueux dans l'article ci-dessus.
Simplifier veut dire alléger les procédures administratives ! Nous savons qu'en France nous sommes les champions des lourdeurs administratives, dans à peu près tous les domaines et bien sûr aussi les EnR !
Elargir le débat à l'Europe, OUI, ne serait-ce que pour s'inspirer-via-UE des approches de nos voisins (allemands, italiens, espagnols, danois, NL, ...) où les sujets_EnR, éolien, solaire, biomasse, bougent plus vite, plus efficacement !
Voir, s'inspirer, des autres (bonnes) méthodes est une bonne manière d'avancer efficacement en profitant des REX des autres. Il faut éviter de vouloir re-inventer la ROUE ! Elle existe déjà, il suffit d'adapter le pneu à nos conditions !
Quand on sait que même pour changer de propriétaire de contrat_PV avec ErDF, il faut DES MOIS, alors que rien n'est changé dans l'installation_PV, on peut se poser de VRAIES questions ! ...sur actions de lobbies anti-EnR? ou, juste lourdeurs et INCOMPéTENCES accumulées?
Il est grand temps de faire un VRAI ETAT DES LIEUX, ménage et feuille de route pour avancer efficacement dans les EnR. Ceci va de pair avec l'EFFICACITE énergétique ! Même combat !
YA+KA, ASAP ! Mmes & Mrs de l'Equipe Gouv. !
A+ Salutations Guydegif(91)

Signaler un contenu inapproprié

Albatros

Le 18/09/2012 à 9h51

C'est marrant, dans ce forum on lit que tel ou tel est plus ou moins vendu à tel ou tel lobby. On le dit plus ou moins violemment, avec ou sans majuscules de colère, etc., mais on le dit. Par contre, rien au sujet des intérêts de M. Gossement et de son cabinet...
Je dis ça, je dis rien, mais on peut penser...

Signaler un contenu inapproprié

Margotte

Le 18/09/2012 à 17h31

Pour quelle raison n'entend-on pas parler du scénario négawatts? j'ai assisté à une conférence sur ce sujet et j'ai trouvé pertinente la démarche de se désengager du pétroile ET du nucléaire sur 35 ans environ. Et d'utiliser plus de gaz et des énergies renouvelables dont la géothermie, l'éolien, le salaire... Il Y avait aussi le thermique solaire, style le projet réalisé à Soldevilla qui pourrait être utilisé dans ce scénario, mais n'avait pas été ajouté.
Donc, pour résumer, j'ose espérer que ce gouvernement ne va pas accoucher d'une souris comme le précédent. L'enfer est pavé de bonnes intentions, et en continuant ainsi nous allons vers un enfer climatique sur le siècle... C'est court pour freiner!

Signaler un contenu inapproprié

Ecolittoral

Le 21/09/2012 à 11h25

Quelles sont les sources d'énergies les plus efficaces?
Celles qui me permettent de faire fonctionner mon réfrégerateur.
Quelles sont celles qui sont sûres?
Celles qui sont ou devraient être produites à coté de chez moi ou pas très loin.
Comment ne rien faire dans ce domaine?
En laissant des décideurs nationaux ou européens décider à la place des entreprises, des élus et des citoyens locaux.
Plus on s'éloigne du terrain plus les décisions deviennent générales donc inadaptées et coûteuses.

Signaler un contenu inapproprié

Commentez ou posez une question à Arnaud Gossement

Les commentaires aux articles sont réservées aux lecteurs :
- titulaires d'un abonnement (Abonnez-vous)
- inscrits à la newsletter (Inscrivez-vous)
1500 caractères maximum
Mot de passe oublié