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Actu-Environnement

14e Conférence des Nations Unies sur le changement climatique à Poznan : au seuil d'une nouvelle ère de négociations

Sur la voie de la décarbonisation des sociétés industrielles et du changement de paradigme énergétique, la conférence de Poznan (Pologne) sur le changement climatique clôt la première période du Protocole de Kyoto et prépare le bouclage ultime des prochains scénarios d'émissions pour le XXIème siècle, qui seront adoptés dans un an à Copenhague au Danemark.

Décryptage  |  Gouvernance  |    |  A. Sinaï
Aux dernières nouvelles, la concentration mondiale de CO2 est désormais proche de 385 parties par million (ppm), niveau jamais atteint depuis 800.000 ans. L'atmosphère contient près de 800 milliards de tonnes de dioxyde de carbone, soit deux fois plus de carbone qu'elle n'en comptait au cours de la dernière grande glaciation, et un tiers de plus que lors des précédentes ères interglaciaires. Cet excédent de CO2 ne provient pas des cycles naturels. Il résulte du fait que, en moins de deux siècles, les sociétés industrielles ont brûlé des stocks gigantesques de charbon et de pétrole, ces énergies fossiles qui ont mis 500 millions d'années à se constituer.

Selon le rapport de 2007 du Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat (GIEC), si le réchauffement allait au-delà d'une hausse de 2,5 à 3 degrés, les puits de carbone végétaux deviendraient des sources nettes d'émissions de CO2 et l'Amazonie se transformerait en savane, ce qui entraînerait un réchauffement supplémentaire du climat de plus de 1°C. Cette situation ne serait plus maîtrisable. Comme l'a rappelé en ouverture de la conférence de Poznan, le 1er décembre, le ministre polonais de l'environnement, Maciej Nowicki, l'humanité a poussé le système de la planète Terre à ses limites, poursuivre ainsi provoquerait des menaces de très forte intensité : sécheresses, inondations, pandémie de maladies tropicales (…) et même conflits armés et migrations sans précédent .

En moyenne, d'ici à 2050, chaque habitant des pays industrialisés devrait donc raisonnablement émettre 20 fois moins de gaz à effet de serre (GES) qu'aujourd'hui pour éviter un réchauffement de plus de deux degrés. Plus vite chacun y parviendra, moins de carbone, principal gaz de réchauffement, s'accumulera dans l'atmosphère. Une course contre la montre est désormais engagée. En regard de tels enjeux, deux semaines de travaux difficiles attendent les négociateurs de Poznan.

Entériner une vision partagée de l'urgence

Sur la voie de la décarbonisation des économies et du changement de paradigme énergétique, la conférence de Poznan est une étape décisive, même si la conférence ne porte pas tant sur des textes négociés, que sur des débats thématiques.
Dans le cadre du groupe de travail ad hoc sur les engagements futurs des pays développés au titre du Protocole de Kyoto (AWG-KP), l'Union européenne a maintenu la pression qu'elle avait exercée jusqu'alors, afin de faire apparaître de manière explicite des références aux chiffrages du GIEC concernant les intervalles de réduction des pays développés en 2020 (fourchette de -25% à -40% par rapport aux niveaux de 1990), les objectifs globaux à long terme (atteindre moins de la moitié des émissions de 2000 en 2050), et la nécessité d'un pic avant 10 à 15 ans. La conférence de Poznan devra ainsi entériner une « vision partagée » par la communauté internationale d'un projet commun concernant la coopération à long terme (2050), qui passe par la définition d'objectifs d'étape : une inflexion nette des émissions de GES des pays industrialisés dès 2015, afin d'intégrer au plus vite les préconisations du GIEC, sur la voie d'une réduction de 80% des émissions à l'horizon 2050. Le thème de la « vision partagée » fait aussi référence à la nécessité d'une définition commune, par la communauté internationale, d'un développement sobre en carbone. Il implique de faire évoluer la nature même du concept de développement économique.

Il s'agira, à Poznan, d'adopter un projet de texte pour ouvrir la voie au futur accord international, qui devra impérativement être adopté à la conférence des Nations Unies de Copenhague, en décembre 2009, soit trois ans, au plus tard, avant le début de la deuxième période du protocole de Kyoto, dont la première phase (Kyoto I) s'achève en 2012. A Copenhague, il faudra définir des objectifs chiffrés autrement plus ambitieux que ceux de Kyoto afin de stabiliser le climat à long terme. Pour mémoire, le Protocole de Kyoto engageait les pays du Nord à réduire de 5% leurs émissions sur la période 2008-2012 par rapport à 1990. Il est clair que le bilan actuel de Kyoto I est insuffisant, voire décalé par rapport à la gravité de la crise climatique. Selon une compilation statistique présentée le 17 novembre à la presse par le Secrétariat climat de l'ONU, les pays occidentaux ont globalement augmenté leurs émissions de GES de 9,9% entre 1990 et 2006. Parmi les grands pays occidentaux, seuls trois paraissaient bien partis en 2006 pour remplir leurs obligations sans avoir à acheter de droits d'émission : la Suède (-8,9% par rapport à l'année de base), le Royaume-Uni (-15,9%), et la France (-3,1%).

Nouvelle donne

La crise financière entravera-t-elle les efforts de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre ? Selon Brice Lalonde, ambassadeur français du climat, la volonté d'aller de l'avant est sensible au sein de la communauté internationale. Mais les dissensions européennes autour du Paquet Climat Energie risquent d'affaiblir la position des Européens, qui en ont retardé l'adoption jusqu'au 12 décembre, dernier jour de la conférence de Poznan… La disparité des situations industrielles en Europe et leur déstabilisation récente reflète, à l'échelle des 27, la discordance des intérêts au sein de la communauté internationale : la Pologne défend son charbon, l'Allemagne son industrie automobile, l'Italie s'oppose à la mise aux enchères des quotas de CO2…

Pour autant, la crise pourrait a contrario tenir lieu d'opportunité. La déconnexion entre la sphère financière et l'économie réelle a démontré l'absurdité du système, qui fonctionne hors sol, alors qu'il s'agit d'adosser la création de valeur à la rareté des biens communs et des ressources fournis par les écosystèmes. Le réchauffement est aussi un enjeu économique. D'après le rapport de Nicholas Stern, conseiller auprès du gouvernement britannique, le coût de l'inaction pourrait atteindre 5.000 milliards d'euros causés par les dégâts climatiques. Mais il faut alors mobiliser des investissements de l'ordre de plusieurs centaines de milliards de dollars par an d'ici à 2030 pour relever le défi de la réduction des émissions de GES et préparer l'adaptation des pays les plus vulnérables aux impacts du réchauffement global. Les besoins financiers additionnels au titre de l'atténuation sont estimés à 200 milliards de dollars annuels en 2030, avec une forte priorité à accorder aux secteurs de l'énergie et de l'industrie. Le secteur privé devrait en être le principal contributeur, le secteur public ayant pour vocation de stimuler la recherche-développement et de réguler le marché carbone en garantissant son efficacité environnementale. Côté adaptation, ces besoins sont estimés à 170 milliards de dollars à l'horizon 2030, et seront principalement assumés par le secteur public, au titre du remboursement de la dette écologique du Nord au Sud.

Irréaliste aux yeux de certains, compte tenu de l'insuffisance des fonds actuellement disponibles dans le cadre de la Convention climat (le Fonds spécial pour le changement climatique n'est pour le moment destinataire que de 67 millions de dollars d'annonces de contribution), cet investissement représente pourtant à peine 1% du PNB mondial et seulement 1% de l'investissement mondial annuel, et suppose principalement la réorientation des flux d'investissement privé. C'est donc l'ensemble des choix d'investissements actuels qu'il faut réorienter. À Poznan seront examinées diverses propositions d'actions pour financer la lutte contre le changement climatique et l'adaptation à ses impacts. La Suisse propose une taxe de 2$ par tonne de CO2, qui permettrait de financer le Fonds multilatéral pour l'adaptation à hauteur de 48,5 milliards de dollars par an. La Norvège propose la mise aux enchères au niveau international des droits d'émission pour financer l'adaptation. Barack Obama, dans son programme de candidature à la présidence américaine, s'est engagé à taxer les compagnies pétrolières et à mettre la totalité des quotas de CO2 aux enchères sur le marché intérieur. Les marchés du carbone contribuent également au financement du changement climatique, et seront le principal véhicule de financement dans l'avenir : dans leur configuration actuelle, leur contribution, estimée à 20 milliards de dollars annuels environ vers 2010, n'est pas susceptible de répondre aux besoins estimés.

À Poznan, il s'agira aussi de revisiter le concept de différenciation entre pays du Nord et nouveaux pays industrialisés, dits émergents, Chine et Inde en tête, afin que tous s'impliquent, à hauteur de leurs capacités, dans une même communauté de destin. Cette unification des responsabilités sera sans doute une des conditions de l'entrée dans le jeu de la nouvelle administration américaine, qui doit s'assurer du soutien de la Chambre des Représentants et du Sénat, à majorité qualifiée, aux nouvelles orientations de la politique climatique proposée par Barack Obama : la réduction de 80% des émissions de GES américaines d'ici à 2050. L'élection, le 21 novembre, de Henry Waxman à la tête du Comité du Congrès pour l'énergie et le commerce, qualifié d' « ultra Vert » et de « cauchemar de l'industrie pétrolière » par ses adversaires, pourrait marquer un tournant dans la politique environnementale américaine, jusqu'à présent hostile aux négociations de Kyoto. Une nouvelle ère de consensus international s'ouvrirait alors, une nouvelle époque dans les négociations climatiques.

Réactions2 réactions à cet article

Encouragements au GIEC

Je voudrais adresser particulièrement mes encouragements à la Communauté climatologique pour ses efforts inlassables au service de l'humanité toute entière.

Du sommet de Rio en passant par ceux de Kyoto, de Bali et de Poznan; la communauté internationnale se mobilise et prend de plus en plus conscience du risque climatique grâce aux travaux pertinents de ladite communauté.

Les Gouvernements du Monde en s'engageant à mettre en oeuvre les recommandations pertinentes du GIEC, gagneraient le pari du Développement Durable.

Tout devrait être utilement mis en oeuvre pour atteindre ce but, le climat etant et demeurant le patrimoine commun.

M. A COULIBALY,
Ingénieur-Météorologiste (Mali)

Dra | 04 décembre 2008 à 10h33 Signaler un contenu inapproprié
Re:Encouragements au GIEC

Bien d'accord avec vous pour féliciter les experts du GIEC (qui ont déjà reçu un prix Nobel bien mérité) et pour dire qu'ils méritent la reconnaissance de l'humanité toute entière.
Puissent-ils être de plus en plus entendus : par les hommes politiques (afin qu'ils adoptent une vision à long terme et prennent des décisions courageuses), mais aussi par les simples citoyens qui peuvent tous faire des efforts au quotidien pour diminuer leurs émissions de GES !

Christian | 04 décembre 2008 à 16h53 Signaler un contenu inapproprié

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