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Confinement de l'Homme : un répit pour une biodiversité exsangue

L'humain confiné, les espèces animales profitent de l'espace laissé vacant. Une vraie bouffée d'oxygène pour une biodiversité mise à mal. D'où l'importance de mesurer les effets de ce confinement sur les écosystèmes.

Biodiversité  |    |  R. Pin
Confinement de l'Homme : un répit pour une biodiversité exsangue

Moins de bruit, de pollution, et plus d'espace disponible, le confinement engendré par la crise sanitaire offre un répit bienvenu à une faune malmenée par l'Homme. Une situation inédite alors que les populations d'oiseaux et d'insectes ne font que chuter, et qu'une espèce de mammifère sur trois est menacée, ou quasi menacée, de disparition en France métropolitaine.

La biophonie prend le pas sur l'anthropophonie

Premier exemple marquant de cette réappropriation de la nature, les citadins des grandes villes entendent, parfois pour la première fois, le chant des oiseaux. « La biophonie, l'ensemble des sons dus aux êtres vivants, semble avoir pris le pas sur l'antropophonie, l'ensemble des sons liés aux activités humaines », confirme Jérôme Sueur, maître de conférences au Muséum national d'histoire naturelle (MNHN). Concrètement l'énergie sonore dans une grande ville ou une ville de taille moyenne a baissé d'environ 80 %, un chiffre encore plus marqué dans les abords des aéroports, des autoroutes, ou des voies ferrées.

« Cette baisse de bruit a des conséquences pour les oiseaux qui communiquent avec le son. On lui enlève un facteur perturbant, un facteur de stress. L'oiseau peut chanter moins fort ou moins longtemps, et donc dépenser moins d'énergie,poursuit Jérôme Sueur. On peut penser qu'un cadre sonore dépollué de l'antropophonie puisse augmenter la survie des animaux chanteurs, faciliter leur reproduction et, globalement, que cela induise des environnements naturels en meilleur état. Des effets potentiels qu'il faudra mesurer dans les mois qui suivront la fin du confinement ».

Un constat qui s'applique aux environnements urbains, mais aussi aux parcs naturels régionaux ou nationaux, non exempts d'activités humaines ou de survol aérien.

Dans le parc national des Calanques à Marseille, les gardes du parc ont pu observer un retour progressif de différentes variétés d'oiseaux : bihoreau gris, puffins, cormorans huppés, agrette garzette, faucon pèlerin… La faune marine bénéficierait elle aussi de cette mise en pause de l'Homme : les équipes du parc ont pu observer des groupes de dauphins et des bancs de thon bien plus près des côtes, car moins effrayés par les bruits des moteurs des bateaux.

Dans le parc national du Mercantour, cinq couples de gypaètes barbus, très sensibles au dérangement humain, couvent en paix, et les tétras-lyres, ces poules qui fabriquent un abri sous la neige et s'y abritent en hiver, n'ont plus à craindre les skieurs ou randonneurs à raquettes.

Modification des comportements animaux

Le confinement entraîne aussi une libération de l'espace : rues, trottoirs voient arriver de nouveaux promeneurs, à une vitesse surprenante. « Notre occupation de l'espace et notre utilisation de l'environnement ont été drastiquement modifiées, les changements liés au confinement vont sans doute engendrer des modifications de comportement des espèces », estime Colin Fontaine, directeur scientifique de Vigie-Nature. Une preuve de la grande plasticité de la nature.

“ La biophonie, l'ensemble des sons dus aux êtres vivants, semble avoir pris le pas sur l'antropophonie, l'ensemble des sons liés aux activités humaines. ” Jérôme Sueur, maître de conférences au Muséum national d'histoire naturelle
Effectivement, les canards col vert se baladent devant la Comédie Française à Paris, et quelques renards et fouines investissent les parcs d'Île-de-France. Ces espaces, libérés de leurs habituels moineaux, pigeons et corneilles, pourraient voir débarquer d'autres espèces d'oiseaux. Les chauve-souris, avec la baisse de la pollution sonore et lumineuse, pourraient aussi bénéficier de cette accalmie, trouver plus d'insectes pour se nourrir.

Des animaux qui ne s'aventurent pas habituellement en « terrain hostile » pourraient également changer leurs habitudes. « Certaines espèces d'oiseaux sont en période de migration prénuptiale, et arrivent du sud de l'Europe, explique Grégoire Loïs, directeur adjoint de Vigie-Nature au MNHN. Il est possible qu'elles fassent des haltes migratoires dans des espaces qu'elles ne fréquentent habituellement pas ».

Moins « d'accidents de la route »

Autre effet positif pour la faune, la mortalité de plusieurs espèces a toutes les chances de baisser lors de ce confinement. « Une étude anglaise a montré que trois hérissons sur dix sont écrasés sur les routes, un état des lieux qui doit être comparable en France, précise Grégoire Loïs. Il est probable que plus d'individus en réchappent, et qu'en cette période d'accouplement, le nombre de jeunes soit plus élevé dans nos campagnes ». Crapauds, grenouilles, et autres salamandres devraient aussi bénéficier de cette accalmie du trafic routier.

Enfin si c'est sur la faune que les effets sont les plus spectaculaires, les végétaux devraient aussi bénéficier de ce répit. Moins de cueillettes d'espèces protégées comme des orchidées sauvages en randonnées, et moins de tailles dans les espaces verts urbains. « Par effet de ricochet, les insectes pollinisateurs devraient profiter de nouvelles ressources florales », estime Colin Fontaine.

L'importance des sciences participatives

Mais tous ces bouleversements en cours ne peuvent être observés par les naturalistes, confinés à domicile. « Nous ne savons pas dans quelle mesure nous pourrons comparer cette période inédite avec les précédentes, trépigne Grégoire Loïs. Nous avons demandé des suivis naturalistes en milieu rural, mais, pour le moment, nous ne disposons pas des autorisations ». C'est donc vers les particuliers que les scientifiques se tournent pour quantifier les bénéfices de cet arrêt de l'activité humaine. « Nous avons demandé aux particuliers équipés de matériel spécifique d'enregistrer l'activité des chauve-souris pendant des nuits complètes », illustre Grégoire Loïs. L'observatoire des oiseaux des jardins, un projet participatif chapeauté par le MNHN et la Ligue de protection des oiseaux (LPO), a lancé l'opération « Confinés mais aux aguets ». Elle permet à chaque Français de participer à une grande opération de comptage d'oiseaux. Il en existe beaucoup d'autres du même type : Opération papillons, Observatoire des bourdons, Estimation des oiseaux communs, suivi photographique des insectes pollinisateurs (SPIPOLL)…

Un répit de courte durée

Les observations sont d'autant plus importantes que ces effets positifs sur la faune et la flore risquent de ne pas durer. La sortie du confinement provoquera, à n'en pas douter, une ruée vers les espaces naturels, quitte à effacer brutalement les bénéfices qu'a pu gagner la biodiversité en l'espace de quelques semaines. Les priorités du Gouvernement en sortie de crise ne semblent pas être tournées vers l'environnement ; l'heure sera sans doute à la reprise économique. Lors du débat parlementaire instaurant un état d'urgence sanitaire, un amendement (1) , qui prévoyait un grand plan de relance et de transformation de la société en faveur du climat, de la biodiversité et de la justice sociale, a été rejeté.

Au niveau mondial, la COP15 Biodiversité, qui devait permettre de fixer un nouveau cadre mondial pour protéger les écosystèmes, du 15 au 29 octobre en Chine, devrait être reportée à une date ultérieure.

Oiseaux, mammifères et autres insectes disposent encore d'un mois ou deux pour bénéficier de ce répit inattendu.

1. Télécharger l'amendement
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-35259-amendement-biodiv-confinement.pdf

Réactions9 réactions à cet article

en effet je redoute la sortie du confinement pour le vivant

MNM | 06 avril 2020 à 09h26 Signaler un contenu inapproprié

C'est fou, en dépit des trames humains, tout le monde convient que cette situation est une aubaine pour le vivant (dont nous sommes), et pourtant dès que nous serons déconfinés, nous actons déjà que nous serons incapables de remettre nos pratiques prédatrices en cause. Comme un fatalisme. C'est assez déprimant.

krakatoe | 06 avril 2020 à 11h28 Signaler un contenu inapproprié

Après cette parenthèse favorable par défaut à la biodiversité, le dramatique "business as usual" va de toute évidence l'emporter, dopé par l'appétit féroce de "regagner" ce qui a été "perdu". Au-delà des bien tristes décomptes macabres chez les humains, il faudra aussi évaluer (sondages ? enquêtes sociologiques ?) si la proportion de personnes sensibilisées à l'impact des activités humaines sur la biosphère et modifiant en conséquence leurs habitudes de consommation a progressé, stagné ou régressé. Peut-être la conscience collective de la finitude des choses, et non de la "croissance" illimitée, avec son cortège de funestes conséquences que l'on sait, aura-t-elle fait un pas en avant, laissant espérer un virage salutaire dans les comportements de notre espèce ?

Pégase | 06 avril 2020 à 11h58 Signaler un contenu inapproprié

ce qui tue le plus la biodiversité c'est le dérèglement climatique avec des sécheresses de plus en plus longues !
La forêt de feuillus est notre modèle en matière de climat et de biodiversité pour plusieurs raisons :
Forte végétation en phase avec les saisons (les forets sont vertes l'été alors que les champs de blé sont secs ...)
Entretient du cycle de l'eau et "climatisation" par une évapotranspiration proportionnelle à la chaleur, plus il fait chaud plus les arbres transpirent ce que ne font pas les champs secs l'été !
Protection végétale des sols, les rayons du soleil n'impactent pas les sols l'été , contrairement aux surfaces minérales qui stockent massivement la chaleur.
La base de toutes les chaines alimentaires se trouvent dans les millions de micro organismes qui peuplent les sols, ce n'est pas la chaleur qui les empêche de travailler mais la sécheresse. Les sols des forets de feuillus travaillent toute l'année, contrairement aux sols agricoles qui sont secs au moins six mois de l'année, et c'est pourquoi ils se dégradent fortement.
La foret assure une forte production de matière organique en surface mais aussi en sous sol, cette matière organique est issue de la photosynthèse c'est donc un stockage optimal et massif d'énergie solaire.
on sauvera le climat et la biodiversité quand les surfaces impactées par le soleil seront végétalisées au rythme des forets de feuillus ... donc vertes l'été !

laurent | 06 avril 2020 à 12h06 Signaler un contenu inapproprié

Alors le coronavirus serait une aubaine... Si ce n'est pas de la misanthropie, cela y ressemble beaucoup.

Albatros | 06 avril 2020 à 12h12 Signaler un contenu inapproprié

Fascination pour la mort et la destruction. Comment se réjouir de voir la perte des êtres humains et la ruine de l’économie ? Terrifiant et abject.
Cette ruine va conduire à de grandes souffrances. Pour un mort évité par la baisse de pollution due au confinement, combien de morts induits par la pauvreté provoquée par ce même confinement?

Albatros | 06 avril 2020 à 14h25 Signaler un contenu inapproprié

Ben oui , Albatros, c'est une aubaine pour le vivant autre que l'humain, pour une fois qu'il peut vivre à peu près en paix! Franchement , je trouve cela très agréable de ne plus subir les bruits de moteurs et autres cacophonies de la société, les pollutions de l'air devenu irrespirable ces dernières années, je vis très bien mon confinement, ce serait même salutaire de refaire une petite cure tous les ans.

gaïa94 | 06 avril 2020 à 15h05 Signaler un contenu inapproprié

le coronavirus doit servir à constater l'abus de l'humain sur l'animal et l'aider à développer son intelligence. Il faudra redémarrer en évitant ma main mise de l'homme sur l'animal.

wibart | 06 avril 2020 à 18h53 Signaler un contenu inapproprié

@ Albatros, comme vous avez l'atermoiement facile.

Dire non à un enfant qui a fait une connerie, c'est ne pas l'aimer ?
Aimer, ce n'est pas tout accepter. Sinon, il l'apprendra d'autres, et peut-être bien plus violemment.

C'est pareil pour l'humanité. Si on l'aime, on va faire en sorte qu'elle... ne se détruise pas avec son milieu de vie, au hasard.

Comme cet autre échange que nous avons eu sur l'emploi des pesticides, où vous ne voyiez que le court-termisme de la récolte immédiate, peu importe les pertes de biodiversité, les pollutions, peu importent les moyens.

Pour filer la métaphore de l'enfant, ce serait le gaver de pâte à tartiner, de bonbons et d'écrans, tant qu'il est content, hein, "vous ne voudriez pas qu'il ne soit pas content,hein !" Surtout s'il n'a pas la vie facile à l'école ou qu'il n'est pas en milieu aisé...
Ben si, et surtout là, parfois il faut savoir dire non.

Donc, se poser la question, en dépit des drames humains, de ce qu'il y a à retenir de cette crise, me semble en effet pertinent. Pour notre propre bénéfice.

krakatoe | 07 avril 2020 à 10h39 Signaler un contenu inapproprié

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