Déjà 800 produits présents au quotidien
De nombreux produits nanotechnologiques sont déjà présents sur le marché, notamment des composants électroniques et chimiques, des textiles, des revêtements de surface, des systèmes de diagnostic et d'administration de médicaments ou encore des innovations en matière de régénération tissulaire. 800 produits de notre vie quotidienne en incorporeraient déjà : de la crème solaire, aux téléphones portables en passant par les pneumatiques, les vêtements sportifs, les peintures et vernis et même les panneaux solaires.
Un débat nécessaire
Alors que les recherches sur les nanoparticules s'accélèrent et que les premières applications industrielles sont mises en œuvre, certains s'inquiètent de la dangerosité de ces produits. Si leurs effets sur la santé et l'environnement sont encore mal connus, certaines de leurs propriétés laissent en effet déjà présager des risques. La taille nanométrique des nanoparticules peut en effet leur conférer de nouvelles propriétés biologiques dans la mesure où elles peuvent pénétrer à l'intérieur des cellules plus facilement que des particules de taille micrométrique.
La composition chimique des nanoparticules peut également être pathogène dans le sens où des modifications de surface peuvent être apportées aux nanoparticules en fonction de l'application prévue, en particulier en greffant de nouvelles molécules à leur surface. Ces modifications peuvent alors avoir un impact majeur sur la toxicité ou l'innocuité des nanoparticules. Par ailleurs, les nanoparticules manufacturées peuvent avoir différentes formes (sphères, fibres, tubes, anneaux ou feuilles) qui influencent leur toxicité et leur solubilité. Leur capacité à former des agrégats est également un facteur de risque important.
En octobre 2008, l'Afsset, saisie pour évaluer les risques au travail des nanomatériaux manufacturés, avait recommandé le principe de précaution, après avoir noté l'existence d'effets néfastes pour l'homme et l'environnement.
Au regard du potentiel économique et face aux craintes et espoirs suscités par ces nouvelles technologies, un débat public national portant sur les conditions de développement et de régulation des nanotechnologies a été officiellement lancé le 23 septembre. ''C'est une révolution devant nous qui est majeure et je ne veux pas que cette révolution n'appartienne qu'aux experts'', a déclaré Jean-Louis Borloo devant la presse tout en rappelant que l'organisation de ce débat était inscrite dans le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle Environnement (article 37).
De Strasbourg à Paris
Le débat s'organisera à la fois via un site Internet1 ouvert depuis le 23 septembre et des réunions publiques thématiques prévues dans 17 villes de France entre le 15 octobre 2009 et le 23 février 2010. Assuré par la Commission nationale du débat public (CNDP) et sur la base d'un dossier coordonné par le Commissariat général au développement durable, il doit permettre, à partir d'une analyse bénéfices/risques des différentes applications, d'éclairer les orientations de l'action de l'Etat dans les différents domaines : modalité de soutien à la recherche, caractérisation de l'exposition et évaluation de la toxicité pour l'homme et les écosystèmes, information et protection du salarié sur son lieu de travail, du consommateur et organisation du contrôle et du suivi.
Chacune des 17 réunions publiques s'articulera autour de problématiques territoriales et de thématiques générales liées aux nanotechnologies. La première réunion qui aura lieu le 15 octobre à Strasbourg sur le thème de la ''gouvernance européenne des nanotechnologies'' permettra notamment de faire le point sur la réglementation européenne. ''Pour les cosmétiques, un règlement prévoit que les crèmes à bronzer contenant des nanoparticules de dioxyde de titane, pour éviter de laisser des traces blanches, doivent le mentionner sur l'étiquette'', a rappelé Jean Bergougnoux2, Président de la Commission chargée de cette consultation. ''Mais la question reste ouverte en ce qui concerne l'inclusion ou non des nanoparticules dans le règlement REACH sur les produits chimiques'', a-t-il ajouté.
Le débat se poursuivra le 20 octobre à Toulouse et portera sur le cycle de vie des produits nanostructurés et la protection de l'environnement. Le 27 octobre, à Orléans, sera abordé le thème ''Nanotechnologies et protection des consommateurs''. Risques de pollution atmosphérique (à Clermont-Ferrand le 10 novembre), utilisation de nanotechnologies dans le textile (à Lille le 17 novembre), sécurité intérieure et défense nationale (à Marseille, le 19 janvier) figurent parmi les autres thèmes. La dernière réunion, le 23 février 2010 à Paris s'intéressera à l'éthique et la gouvernance. Un rapport de synthèse sera présenté le 24 avril 2010 au plus tard au public et aux 8 ministres3 concernés par ce domaine. Dans les 3 mois qui suivent la remise du rapport, l'État devra faire connaître les conclusions qu'il tire du débat, a précisé M. Bergougnoux.
Les citoyens sont invités à suivre les réunions et à s'exprimer sur le site Internet dédié : ''aucun sujet n'est tabou'', assure le président de la CNDP, Philippe Deslandes tout en rappelant les principes de base de sa commission et du débat : transparence, équivalence [entre experts et citoyens] et argumentation, seules les ''opinions argumentées'' étant retenues dans la synthèse finale. Dès à présent, un dossier d'information réalisé par les ministères ainsi qu'une synthèse du Nanoforum de la Caisse nationale d'assurance maladie y sont accessibles. À partir du 15 octobre, chacun pourra déposer en ligne - mais aussi par courrier ou téléphone - questions ou opinions. Une quarantaine de contributions d'acteurs institutionnels ou associatifs sont également attendues.
Les enjeux sont énormes ! ''Les nanotechnologies posent des interrogations en terme de santé mais aussi d'éthique dans le rapport entre l'humain et le non-humain'', a reconnu Jean louis Borloo. ''La possibilité de créer des bases de données pléthoriques, ou de suivre des personnes à la trace via des puces communicantes ou RFID sur des titres de transport, pose la question des libertés individuelles'', a souligné M. Bergougnoux. Chantal Jouanno a quant à elle rappelé ''la dimension éthico-sociale de ces technologies''.
Un marché de 400 à 1.850 milliards d'euros d'ici à 2015….
Reste que les analystes du secteur estiment que les produits élaborés à partir des nanotechnologies pourraient représenter un marché de 400 à 1.850 milliards d'euros d'ici à 2015. Autant dire que ces perspectives suscitent donc une intense compétition au niveau mondial, en particulier en matière de recherche et développement. ''La France est classée au 5e rang en termes de publications scientifiques, mais serait plus en retard en matière de brevets'', a indiqué Jean-Louis Borloo. Afin de renforcer la coopération entre les laboratoires et les entreprises et d'améliorer la capacité à exploiter les résultats de ces recherches sur le marché, le Gouvernement a annoncé, en avril 2009, le plan Nano'Innov, doté de 70 millions d'euros.