Alors que s'ouvre samedi le salon de l'agriculture à Paris, les consommateurs français se tournent de plus en plus vers le bio qui ne connaît pas la crise. La demande et la production locale ont continué d'augmenter en 2015, selon les derniers chiffres présentés par l'Agence bio jeudi 25 février.
Les surfaces engagées en bio s'élèvent à plus de 1,3 million d'hectares fin 2015, soit une hausse de 17% par rapport à 2014, selon l'Agence. La France reste le troisième pays européen producteur de bio derrière l'Espagne et l'Italie. La surface agricole utile (SAU) bio représente encore 4,9% fin 2015, alors que le plan Ambition bio, présenté en 2013 par le ministère de l'Agriculture, vise 8% fin 2017.
Une filière source d'emplois
Plus de 2.250 agriculteurs ont également converti leur exploitation en bio en 2015. Ce qui porte à 28.725 le nombre de fermes bio en France. Soit une hausse de 8,5% par rapport à 2014. A l'aval, le nombre d'opérateurs a également augmenté de 4,4% par rapport à 2014, avec 9.739 transformateurs et 3.513 distributeurs recensés.
Malgré cette progression, les producteurs bio ne représentent que 6,4% des exploitants français mais près de "10% des emplois agricoles", a souligné Elisabeth Mercier, directrice de l'Agence bio, devant la presse. La filière représente aujourd'hui plus de "100.000 emplois directs équivalent temps plein" : 69.000 dans les fermes bio et 30.000 liés aux activités de transformation et de distribution.
La production bio "poursuit son solide développement, entraînée par la hausse de la demande", a ajouté Mme Mercier. Consommer bio est ouvert à "toutes les catégories sociales. Le bio n'est pas une affaire de bobos !", a-t-elle renchéri. Selon le dernier sondage de l'institut CSA commandé par l'Agence, 65% des Français ont déclaré consommer au moins une fois par mois des produits bio, contre 49% en 2014. Ils sont 27% à en acheter au moins une fois par semaine, contre 19% en 2014.
Les magasins spécialisés plus fréquentés
Les préoccupations liées à la santé (63% des sondés) influencent les consommateurs à acheter du bio (sans engrais chimiques de synthèse ni OGM). 58% d'entre eux disent consommer bio pour "préserver l'environnement".
"La bio se veut une réponse à une alimentation responsable, citoyenne", a souligné Didier Perréol, président de l'Agence bio. Il s'est félicité de "la vitalité économique" de la filière. Le marché des produits bio a encore augmenté de 10% en 2015 par rapport à 2014 et atteint aujourd'hui 5,5 milliards d'euros. Les ventes "ont augmenté dans tous les circuits de distribution". Le premier lieu d'achat bio restent les grandes et moyennes surfaces (GMS) qui concernent 81% des consommateurs et représentent près de la moitié des ventes. 33% des consommateurs achètent sur les marchés, suivis des magasins spécialisés (29%) et de la ferme (23%).
"Le panier est plus rempli dans les magasins bio spécialisés qui représentent désormais 36% des ventes", a précisé Elisabeth Mercier. "Depuis le début de l'année, l'augmentation moyenne des ventes de produits bio dans ces réseaux est de l'ordre de 15%. Les réseaux spécialisés bio prennent de l'ampleur avec des ouvertures de magasins et des agrandissements, mais avant tout une hausse de la fréquentation".
Les fruits et légumes bio restent les produits les plus achetés des consommateurs en 2015 (78% des sondés), suivis des produits laitiers (65%), des œufs (53%), des produits d'épicerie (huiles, pâtes, riz) (51%), des boissons (47%), de la viande (39%) et du pain (31%).
Les trois quarts des produits bios consommés proviennent de France et "un quart de l'extérieur", a ajouté Mme Mercier. Les produits exotiques (café, cacao…), les produits d'aquaculture, le riz ou le blé dur restent importés. Tandis que des bananes bio proviennent désormais de Martinique, a-t-elle souligné. Les produits bios français continuent aussi de s'exporter (vin, biscuits, poulets, canards, choux fleurs, salades vertes…).
Plus de conversions … mais moins d'aides
Sur fond de crise des éleveurs, l'agriculture biologique a "une meilleure performance économique que le conventionnel", a indiqué le président de l'Agence bio Didier Perreol. Par exemple, le prix de vente du lait bio est aujourd'hui de 430 euros la tonne, contre environ 300 euros la tonne pour le lait conventionnel.
"De multiples raisons" conduisent les agriculteurs à la conversion vers le bio, a expliqué Elisabeth Mercier, comme "la santé". Les agriculteurs "sont les premières victimes des pesticides". La crise est également "un accélérateur". "Les raisons peuvent aussi être liées aux politiques publiques. Pour les grandes cultures, il y a eu une évolution du niveau d'aide", a ajouté Mme Mercier.
Le second pilier de la Politique agricole commune (PAC) 2015-2020, mis en œuvre par les programmes régionaux de développement rural, prévoit des aides à la conversion et au maintien de l'agriculture biologique. Dans un communiqué de presse commun publié jeudi, les Chambres d'agriculture (Apca), la fédération nationale d'agriculture biologique (Fnab) et le syndicat des transformateurs Synabio ont alerté le ministre de l'Agriculture et les Présidents des nouveaux Conseils Régionaux sur "la fin programmée des aides à l'agriculture bio".
"Parce qu'un nombre croissant d'agriculteurs souhaite passer à l'agriculture biologique et que ce mouvement a été largement sous-estimé (…), dans plusieurs régions les aides programmées pour la période 2015-2020 sont d'ores et déjà épuisées, comme dans le Centre et en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées", ont prévenu l'Apca, la Fnab et le Synabio. "Sur un marché intérieur en croissance de 10% par an, les milliers d'exploitants qui veulent passer à la bio doivent – sans exception – être soutenus et accompagnés dans leur projet de conversion", ont-ils indiqué.